Malgré la défaite en finale contre le Brésil, la sélection colombienne a gagné son pari lors de sa Copa América et a réussi à entrainer derrière elle un nouvel élan. S’il n’y aura pas de championnat au deuxième semestre, ça devrait être la dernière absence.

bandeauprimeira

La finale de la Copa América pourrait laisser quelques regrets à la sélection cafetera. Si elle a réussi à faire jeu égal avec l’une des meilleures sélections du monde, le Brésil, qui n’a pas encaissé le moindre but du tournoi, elle a craqué sur erreur défensive avant la pause qui a entrainé un pénalty fatal. Presque la seule action du match pour des Brésiliennes qui n’en demandaient pas tant. Grandissime favorite la Seleção a donc soulevé son huitième trophée dans la compétition en neuf éditions avec en prime un billet pour la Coupe du Monde 2023 en Australie et en Nouvelle-Zélande et pour les Jeux Olympiques 2024 à Paris. Et si la sélection féminine colombienne n’a pu égaler celle des hommes (qui avaient réussi à remporter la Copa América à la maison en 2001, le seul titre de son histoire), elle sera au rendez-vous du Mondial et des JO et fera même partie des sélections qualifiées pour le Mondial U17, le Mondial U20 (qui se dispute actuellement au Costa Rica et qui a vu la Colombie battre l’Allemagne pour la première fois de son histoire toutes catégories confondues aussi bien chez les hommes que chez les femmes) et donc celui chez les A. Avec en prime Linda Caicedo qui a été élue meilleure joueuse de la compétition. Objectif atteint.

Nouvel élan ?

« On a gagné beaucoup plus qu’une Copa. La joueuse colombienne a gagné une place dans le coeur de chacun des Colombiens. Que tous ceux qui sont montés dans ce bus n’en descendent pas. Que l’appui soit par des actions et pas seulement des messages sur les réseaux ».  

Tout au long de cette Copa América, on a pu mesurer le véritable engouement autour de la sélection. Ouverture des matchs en clair avec diffusion sur les chaines régionales, ouverture des émissions footballistiques du soir, plateaux télé avec des débats mais surtout un public qui a répondu présent, comme il l’avait fait lors de la finale du championnat entre les deux clubs de Cali. Seule déception, la demi-finale contre l’Argentine qui n’a pas fait le plein (merci aux revendeurs selon plusieurs témoignages de journalistes sur place). Alors que le championnat 2022, la sixième édition, n’a duré qu’un peu plus de trois mois et avec des joueuses en vacances et donc sans salaire au bout de deux mois et demi, la question de l’édition 2023 est donc forcément revenue sur le tapis. Dès le coup de sifflet final de la compétition, Ramón Jesurún en a appelé aux entreprises privées pour donner un coup de pouce à la fédération en laissant l’espoir d’un futur meilleur avec un « l’idéal serait d’avoir le championnat sur un an entier, je crois qu’à partir de 2023, on doit tous faire l’effort. Mais on a aussi besoin de l’appui du secteur privé, ils ne peuvent pas nous laisser seul. C’est important que, comme tout le pays est content du développement du football féminin, ça se traduise dans les faits. Ne nous laissez pas seul ». Une situation bien résumée par Óscar Córdoba, père de Vanessa Córdoba actuelle gardienne du Deportivo Cali qui a expliqué sur ESPN qu’il était impossible pour qui que ce soit de financer le football professionnel colombien devant l’absence de projet sérieux et la volatilité d’un système qui change presque chaque année. 

Une priorité gouvernementale

Ce système justement il ne devrait plus changer. La Colombie a basculé à gauche et a un nouveau gouvernement depuis le dimanche 7 août. Il y a quelques jours Gustavo Petro avait déjà annoncé qu’une des premières mesures de son ministère des Sports serait d’assurer la pérennité du championnat féminin, María Isabel Urrutia (première médaillée d’or dans l’histoire de la Colombie en haltérophilie à Sydney en 2000), la nouvelle ministre, lui a emboîté le pas et a déjà déclaré : « on doit s’unir pour voir comment garantir que les femmes fassent partie du championnat ». Et si elle sait qu’elle ne peut pas intervenir directement auprès de la DIMAYOR sous peine d’être accusée d’ingérence par la FIFA, elle a annoncé que l’union « serait avec le ministère du travail ». Gloria Inés Ramírez, communiste et nouvelle ministre du travail a déjà annoncé que les joueuses devraient percevoir un salaire complet sur toute l’année, peu importe la durée du championnat. On peut dire également qu’Urrutia a eu du pain sur la planche puisqu’avant son entrée officielle au gouvernement, plusieurs dirigeants de clubs de l’élite ont souhaité la rencontrer pour lui demander un appui de la part du gouvernement. Une rencontre qui n’a pas plus à la nouvelle ministre selon le directeur de Publimetro qui explique que Urrutia a vu cette réunion comme un test pour voir « si elle n’était pas stupide ». La vice-présidente, Francia Márquez s’est elle aussi affichée avec la sélection féminine et a reçu un maillot dédicacé, une sorte de message aux dirigeants pour leur montrer que tout le gouvernement était sur la même longue d’onde. Les relations entre les acteurs du football professionnel colombien et ce dernier pourraient être assez tendues dans les prochaines semaines avec des manœuvres en coulisse et un président de la DIMAYOR sur la sellette.

colombie2Photo : JUAN BARRETO/AFP via Getty Images

Un futur prometteur

En luttant les poings levés pour leurs droits dès le premier match de la Copa América et en allant jusqu’en finale entrainant derrière elles tout un pays les joueuses colombiennes se sont elles-mêmes octroyées le droit d’avoir un championnat digne de ce nom. Un championnat « normal » sur toute l’année parait inévitable dès l’année prochaine surtout que selon plusieurs sources concordantes une grosse entreprise locale serait décidée à investir et sponsoriser le championnat et uniquement ce championnat (actuellement la ligue féminine a le même sponsor que la masculine et la Coupe, Betplay). Avec une Coupe du monde pour la sélection majeure en 2023 en plus d’un marché fructueux à conquérir, ce serait du sens commun. Avant la Copa América la principale interrogation était sur le manque de rythme de la sélection cafetera, il apparaît donc inconcevable de se retrouver dans la même situation un an plus tard.

Souvent critiqué, voire dénigré, le sport féminin s’imposte en force en Colombie et pas seulement le football puisque les sélections féminines de basket, de rugby ou encore de volley-ball ont fait des performances remarquables et amène beaucoup plus de monde dans leurs enceintes respectives.

 

Photo une : Gabriel Aponte/Getty Images

Pierre Gerbeaud
Pierre Gerbeaud
Rédacteur Colombie pour Lucarne Opposée