La quarante-huitième édition du doyen des tournois continentaux des nations ouvre ses portes ce jeudi à Atlanta. Comme lors de l’édition du centenaire, il accueille l’ensemble du continent américain.

Huit ans après une édition du centenaire qui avait vu le Chili conserver son titre, la Copa América 2024 revient aux États-Unis et accueillent une grande partie de l’ensemble des Amériques. Si les conditions de qualification de certains peuvent prêter à débat, ils sont donc seize à prendre place sur la ligne de départ d’une compétition de laquelle on devrait tirer un très grand nombre d’enseignements. Présentation du casting final.

Est-il nécessaire de présenter l’Argentine. L’Albiceleste se présente en tentante du titre, une première depuis 1995, et en championne du monde, une première depuis 1987. Si les amoureux de signes peuvent se rappeler à qu’en ces deux occasions l’Argentine ne s’était pas hissée en finale, d’autres se rappelleront que la dernière fois que la sélection du sol de mayo avait mis fin à une disette de titres, elle l’avait conservé lors de l’édition suivante. Reste que sur le papier, le pays aux cinq finales sur les huit éditions du XXIe siècle est un grandissime favori. Au lendemain de la Coupe du Monde, Lionel Scaloni s’était demandé comment poursuivre, comment faire pour écarter des joueurs champion du monde, il a finalement poursuivi et fait quelques choix, minimes. Vingt-et-un champions du monde sont présents (ne manquent qu’Ángel Correa, Papu Gómez, Paulo Dybala, Juan Foyth et Thiago Almada – ce dernier se rendant aux JO), vingt-et-un joueurs présents en 2021 au Brésil (sept sont absents, Agustín Marchesín, Juan Musso, Nicolás Domínguez, Papu Gómez, Sergio Agüero, Ángel Correa et Joaquín Correa) sont du déplacement. C’est donc avec une machine à la mécanique parfaitement huilée que l’Argentine se présente pour ce qui est le dernier tour de piste en albiceleste de la légende Ángel Di María, la dernière continentale de Messi. Une dernière que l’Argentine aimerait parachever d’un seizième titre.

Pour débuter sa campagne, l’Argentine se retrouve dans un groupe au sein duquel les trois autres membres cherchent avant tout à reconstruire. Après une Coupe du Monde qui a généré quelques frustrations, en particulier par rapport aux espoirs nés d’une phase de qualification des plus enthousiasmante, le Canada a quelque peu vacillé. Il a d’abord fallu digérer le retour en phase finale de la plus grande compétition mondiale. Il a ensuite fallu gérer les risques de banqueroute d’une fédération embarquée également par des conflits internes, notamment avec sa sélection féminine. Il a ensuite fallu trouver un successeur à John Herdman, parti diriger en MLS en août dernier, alors que les finances restaient exsangues. Il n’a été trouvé qu’il y a quelques semaines. Jesse Marsch est en effet arrivé à la tête des Rouges le 13 mai dernier et commence déjà à préparer 2026. En témoigne une sélection dans laquelle on ne trouve que deux trentenaires, Martin Crépeau dans les buts et Jonathan Osorio au milieu, quand quinze ont moins de vingt-cinq ans. Marsch veut implanter ses philosophie, fête d’agressivité et de haute intensité au pressing et de verticalité et de vitesse dans les transitions. Il dispose des armes nécessaires pour jouer les trouble-fêtes lors de sa première Copa América et peut imaginer viser la deuxième place.

Car à ses côtés, les deux rivaux de l’Ouest sud-américain arrivent avec quelques maux de tête. Absent de la dernière Coupe du Monde, le Pérou est un orphelin qui hésite entre basculer dans la nostalgie et essayer d’avancer. Et qui semble avoir surtout préféré la nostalgie. Arrivé à la tête d’une sélection qui n’a pris qu’un point et marqué qu’un but en six matchs d’éliminatoires pour 2026, lors de sa dernière sortie, Jorge Fossati a certes réussi une belle année 2023 au pays avec Universitario, mais il n’a en rien le profil d’un bâtisseur. Un coup d’œil à sa sélection ajoute un argument supplémentaire. Certes, le diamant Piero Quispe est bien là. Mais sur bien des postes, la sélection semble chercher à retrouver un souvenir. Pedro Gallese, Luis Cáceda, Luis Advíncula (il est vrai performant à Boca), Anderson Santamaría, Alexander Callens, Aldo Corzo, Carlos Zambrano, Gianluca Lapadula, André Carrillo et le duo Christian Cueva (sans club et qui n’a plus joué le moindre match depuis octobre 2023) - Paolo Guerrero, ils sont onze à avoir plus de trente-deux ans et on a du mal à voir la direction dans laquelle ce Pérou veut aller tant il semble que cette Copa soit plus un one-shot de que la préparation de l’avenir. Un avenir que Ricardo Gareca ne semblait plus représenter à Lima mais qu’il veut installer à Santiago. Arrivé à la tête de la Roja en janvier dernier, le Tigre commence une transition que le Chili peinait à vouloir faire : celle de la fin de la génération dorée. Pas d’Arturo Vidal, de Charles Aránguiz, ni de Gary Medel, ne restent que quatre survivants : Claudio Bravo, Mauricio Isla et le légendaire duo Alexis Sánchez - Eduardo Vargas. À leurs côtés, un savant mélange de jeunes trentaines, citons les Americanistas Igor Lichnovsky – Diego Valdés, les solides Guillermo Maripán et Paulo Díaz, le nettoyeur Erick Pulgar, et quelques plus jeunes, de Gaby Suazo à Marcelino Núñez en passant par Víctor Dávila et par le joyau Darío Osorío. En d’autres termes, une équipe bâtie pour préparer 2026, construire l’avenir. Et une équipe qui semble prendre rapidement ses marques, ayant passé deux 3-0 secs à l’Albanie et au Paraguay et bien résisté aux Bleus. Et qui donc pourrait nourrir quelques espoirs.

Dans une édition 2024 au format assez étrange puisque les membres du Groupe A ne croiseront que les membres du Groupe B dans le tableau final, l’un des grands objectifs pour ces derniers est d’aller affronter l’Argentine le plus tard possible, donc en demi-finales. Un stade que l’Équateur n’a connu qu’à une seule reprise, chez lui en 1993. Une Tri équatorienne qui a tout de même connu deux quarts lors des trois dernières éditions et qui, derrière de rares anciens que sont les gardiens Hernán Galíndez et Alexander Domínguez, Ángel Mena et la légende Enner Valencia ne compte aucun autre trentenaire, faisant largement place à une nouvelle génération programmée pour l’avenir. Certains se sont déjà faits un nom en Europe, Piero Hincapié, Willian Pacho, Moisés Caicedo, d’autres sur le continent américain, Félix Torres, José Cifuentes, Alan Franco. Impossible enfin de ne pas citer l’enfant prodige, Kendry Páez, recruté par des Blues toujours les plus prompt quand il s’agit de s’adonner au trafic de mineurs… Et s’il est toujours quelque peu discuté depuis sa prise de fonction, Félix Sánchez est l’homme idoine pour construire avec les jeunes, les préparer à 2026. Et pourquoi pas être ambitieux. Car finalement, dans un groupe sans géant local, tout est possible, même s’il faudra se méfier d’un autre sud-américain aux grandes ambitions et chez qui la politique de jeunes commence également à porter ses fruits : le Venezuela.

La Vinotinto de Fernando Batista s’appuie sur quelques cadres, Tomás Rincón son capitaine au milieu ou l’immense Salomón Rondón, auteur d’un premier semestre absolument fou avec Pachuca (dix-neuf buts en vingt-huit matchs, une CONCAChampions décrochée avec un titre de meilleur buteur). Mais compte dans ses rangs de la jeunesse et du talent assez rares avec des Cristian Cásseres ou Telasco Segovia et Matías Lacava, symboles de la nouvelle génération. Ajoutez à cela quelques dynamiteurs que sont des Jefferson Savarino, Yeferson Soteldo, Darwin Machís, des machines à nettoyer les ballons au milieu, Yangel Herrera et surtout José Andrés Martínez, et vous commencerez à mesurer le danger que représente une sélection qui a accroché le Brésil à Cuiabá et pulvérisé le Chili à Maturín en éliminatoires. Et qui n’a perdu que d’un but face à la Colombie ou l’Italie. D’autant plus que le Venezuela, quatrième de la Copa América argentine en 2011 reste sur deux quarts de finale sur les trois dernières éditions (à chaque fois sorti par l’Argentine)

L’occasion de passer est d’autant plus présente dans les têtes que les deux autres membres du groupe viennent de la CONCACAF et se retrouvent dans des dynamiques compliquées. Demi-finaliste de la dernière Gold Cup, largement battue par le futur vainqueur, le Mexique, demi-finaliste de la Nations League, battu sur le fil par le futur vainqueur, les États-Unis, la Jamaïque est en plein drama avec l’affaire Leon Bailey. L’attaquant de Villa a été inclus dans la liste des vingt-six pour la Copa alors qu’il ne souhaite pas se présenter, pointant le manque de professionnalisme de la fédération, l’ombre de Craig Butler, son père adoptif et agent, planant encore dans cette histoire. Et de se souvenir que la phase finale de Nations League s’était disputée sans Michail Antonio, qui s’était retiré de l’équipe sans raison, ni Demarai Gray et Shamar Nicholson, suspendus. La réaction du sélectionneur Heimir Hallgrímsson peut laisser pantois, ce dernier expliquant qu’il l’a inclus mais qu’il accepte le fait qu’il ne vienne pas, et évoquant aussi les cas Amari'i Bell et Andre Blake (tous deux blessés), appelés également au cas où, alors que pour lui, « la Jamaïque n’a pas besoin de vingt-six joueurs ». Sur le terrain, ses Reggae Boyz savent tout de même se montrer performant même si affronter les géants de la zone CONCACAF semble être toujours un plafond de verre (la Jamaïque n’a par exemple plus battu le Mexique depuis juillet 2017, année de leur dernière finale de Gold Cup). Difficile dans ces conditions d’espérer grand-chose pour des Reggae Boyz qui vont disputer leur troisième Copa América et attendent encore d’y célébrer un but.

La dynamique n’est guère meilleure plus au nord, au Mexique. Incapable de battre le voisin américain depuis cinq ans, sorti de la phase de groupes au Qatar après avoir été incapable de battre la Pologne, le Tri a un temps cherché un sélectionneur pour succéder à Diego Cocca au lendemain de la déroute face aux USA en demi-finale de Nations League, son septième match, le quatrième en compétition officielle, avec une annonce assez lunaire de Juan Carlos Rodríguez sur les réseaux sociaux. Et si Jaime Lozano, auréolé d’une médaille de bronze à Tokyo avait des airs d’intérimaire – c’est d’ailleurs ainsi qu’il avait été annoncé – près d’un an plus tard, il a été confirmé dans ses fonctions après avoir remporté la Gold Cup suivante, et se retrouve désormais lui aussi en danger. Si l’on ajoute à cela les failles béantes pesant sur le football de jeunes (le Mexique ne disputera pas les JO pour la première fois depuis 2008, les U20 étaient absent de la dernière Coupe du Monde de la catégorie, une première depuis 2009, les U17 n’ont gagné qu’un match à la dernière Coupe du Monde, face à la Nouvelle-Zélande, avant d’être balayés par le Mali en huitièmes), on mesure la mauvaise posture dans laquelle semble se trouver le Mexique. Pourtant, sur le papier, ses clubs continuent de sortir des talents et le Tri possède de la qualité individuelle : malgré la blessure de son meilleur gardien, Luis Malagón, suppléé par un Carlos Acevedo auteur d’un tournoi assez moyen avec Santos, qui pose la grande question du choix du portier durant l’épreuve, sur les autres lignes, les César Montes, Gerardo Arteaga, Edson Álvarez, Luis Romo, Érick Sánchez, Roberto Alvarado, Julián Quiñones et surtout Santi Giménez ont du talent à revendre (encore faudrait-il les faires jouer, le buteur de Feyenoord n’ayant par exemple que six titularisation en dix-sept matchs sous Lozano). Mais la mayonnaise ne semble pas prendre, le Mexique se cherche une identité et LamborJimmy pourrait vivre ses dernières heures en cas de compétition ratée, à deux ans d’une Coupe du Monde que le Mexique va accueillir…

S’il est un groupe plus intéressant qu’il n’y parait, c’est bien le groupe C. D’aucuns le prédisent promis à l’Uruguay. Il faut dire que la Celeste sauce Bielsa est l’un des favoris de la compétition. D’une part car à l’exception d’une défaite en Équateur et un match plutôt raté alors, elle est quasi-insubmersible, les deux victoires face au Brésil et l’Argentine, unique défaite de la bande à Scaloni depuis le match d’ouverture au Qatar, ont appuyé cette impression. Une Celeste qui vient d’en passer quatre au Mexique et qui s’offre le luxe de se passer des champions du monde U20 qu’el Loco n’a pas appelés. Il faut dire que le talent déborde à chaque ligne, du leader de la défense JoseMa Giménez à un milieu dont la composition donne le vertige (Ugarte, Bentancur, de la Cruz, de Arrascaeta, Canobbio, Valverde, Pellistri, etc.) jusqu’à un potentiel offensif sur le trône duquel siège un Darwin Núñez qui se plait à merveille dans cette position d’unique avant-centre comme Bielsa les aime tant et qui voit aussi Luis Suárez venir profiter d’un dernier tour de piste en guise de magnifique tournée d’adieux.  Oui, cet Uruguay est un monstre, il est, sur le papier, désigné comme le grand prétendant avec l’Argentine. À la condition pour Bielsa d’éviter les fracas comme le furent la Coupe du Monde 2002 et les deux Copas América avec l’Argentine ou, plus récemment, le Preolímpico disputé avec les jeunes uruguayens. Soit des compétitions dans lesquelles el Loco arrivait favori.

Sur le papier, le principal adversaire se nomme États-Unis et sera scruté avec grande attention. Car le troisième pays-hôte de la prochaine Coupe du Monde accueille tout le continent et voit peser quelques pressions sur les épaules de son sélectionneur, Gregg Berhalter. Il y a le côté pile, les trois victoires de rang en Nations League, à chaque fois en tapant le Mexique en étant le côté le plus brillant. Mais il y a le côté face : le contenu des rencontres, souvent assez moyen et le choix des hommes. Car le matériel humain à disposition est d’une rare richesse et les choix faits par le sélectionneur font évidemment parler. Certains choix ont été faits dans l’optique des Jeux (citons ainsi John Tolkin, Caleb Wiley, Jalen Neal, Aidan Morris), d’autres interrogent comme celui de se passer d’un Brandon Vazquez qu’il semble avoir oublié depuis sa signature au Mexique, tout comme Alejandro Zendejas, l’un des éléments forts de l’América. Ce qui est certain, c’est que Gregg Berhalter doit encore faire ses preuves et démontrer qu’il peut porter cette sélection en 2026. Les attentes sont immenses pour la cinquième Copa América de l’histoire de Team USA. Car la dernière, disputée à la maison, s’était terminée en demi-finale après un 0-4 face à l’Argentine. Une Albiceleste que les USA ne pourraient pas retrouver avant une hypothétique finale, loin des pronostics d’avant compétition. Une demi-finale qui est l’objectif fixé au sélectionneur par tout un peuple qui attend encore la victoire référence de sa sélection et que le carton reçu face à la Colombie, un potentiel adversaire en quarts, n'a pas grandement rassuré.

Attention cependant à ne pas enterrer trop vite les deux autres membres du groupe. En particulier Panamá. Si les Canaleros viennent de perdre officiellement leur capitaine Anibal Godoy, forfait après la blessure contractée lors du dernier amical face au Paraguay, il faut toujours garder à l’esprit l’immensité du travail effectué au pays. Il y a évidemment la révolution opérée par les frères Dely Valdés au milieu des années 2000, celle de transformer la sélection en un club, à l’image du processo Tabárez en Uruguay, il y a ensuite le soutien financier de l’État, qui passe par la rénovation des infrastructures (plus de 170M€ investis), et d’entreprises privées, qui financent académies et compétitions de jeunes, à l’image de l’incroyable Torneo Nacional Infanto Juvenil Copa McDonald´s, vaste championnat national pour les U14 et les U16 (pour en savoir plus, nous vous invitons à relire l’article rédigé lors du Tournoi Maurice Revello sur le sujet). Il y a enfin l’arrivée de Thomas Christiansen. L’Hispano-danois, qui a grandi au pays jusqu’à ses cinq ans, a changé la philosophie de jeu d’une sélection qui misait alors beaucoup sur le jeu de transition et la vitesse pour lui préférer un jeu basé sur la possession et la technique, au cœur duquel un Coco Carrasquilla est un élément central et où les hommes de couloir, Erick Davis et Michael Murillo, ont leur importance par leurs qualités de percussion et de centre. Reste que Panamá affronte un groupe difficile mais peu, s’il parvient à faire chavirer une Team USA qui ne lui réussit pas beaucoup (malgré la victoire aux tirs au but en demi-finale de Gold Cup), peut alors espérer accomplir ce que souhaite son coach : « être le Maroc de la Copa América ».

Reste enfin le cas de la Bolivie. Une sélection au sein de laquelle si l’on trouve encore quelques anciens, à l’image de Carlos Lampe, José Sagredo, Leonel Justiniano, Adrián Jusino et Fernando Saucedo (même si ces derniers comptent finalement peu de sélections) ou Rodrigo Ramallo, une transition s’opère, de nouvelle tête prenant de plus en plus de place à l’image d’un Ramiro Vaca, d’un Gabriel Villamil ou de l’excellent Lucas Chávez, si brillant au Sudamericano U20 et qui pointe le bout de son nez dans le groupe (espérons le voir gratter quelques minutes). La Verde doit désormais vivre l’après Marcelo Martins, l’immense arbre qui a longtemps caché la forêt, et présente une sélection finalement assez peu expérimentée à cette Copa. Mais surtout, arrive avec un bilan assez catastrophique. La Bolivie ne compte que quatre victoires et un nul depuis janvier 2022, soit vingt-deux matchs, face à Trinidad y Tobago, l’Arabie saoudite, le Pérou à La Paz et Andorre. La bonne nouvelle est que la moitié de ces victoires a été obtenue par Antônio Zago, en neuf matchs avec la sélection. Mais à la veille de son départ pour les USA, la sélection a même été informée qu’elle ne recevrait pas de prime de présence à la Copa et Fernando Costa, président de la fédération, voit la Copa América comme une préparation à la campagne d’éliminatoires où l’objectif fixé est de prendre neuf points à domicile cette année. Difficile de motiver davantage une Verde qui n’a gagné qu’un seul de ses trente derniers matchs de Copa América, c’était en 2015 face à l’Équateur.

Il est toujours impossible de ne pas faire du Brésil un prétendant logique au titre. Vainqueur en 2019, finaliste en 2021, la logique des résultats s’ajoute à cela. Mais pour le retour sur des terres qui ont laissé une vraie cicatrice en 2016 et l’élimination dès la phase de groupes sur un but polémique de Raúl Ruidíaz – une mano de Dios sauce péruvienne – le Brésil arrive aux États-Unis avec un sélectionneur nommé il y a six mois qui n’est absolument pas celui initialement prévu – au revoir Carlo Ancelotti, bonjour Dorival Júnior – et quelques incertitudes. Il faut dire que la gestion de l’entre-deux, la CBF était persuadée d’avoir Ancelotti pour la Copa América, a été des plus délicate, cette dernière décidant de nommer Fernando Diniz qui est tout sauf un intérimaire tant son style de jeu est particulier, trop brésilien pour les nombreux joueurs formatés à l’Europe que la Seleção compte dans ses rangs. Ainsi, le Brésil avait terminé 2023 avec trois défaites consécutives en éliminatoires et se retrouve à la sixième place, deux points seulement devant le Paraguay. Avec cette sensation d’avoir été un peu nommé par défaut, Dorival Júnior se retrouve donc à devoir reconstruire, impulser une nouvelle dynamique. Pour cela, il peut évidemment s’appuyer sur un impressionnant potentiel offensif dont Endrick, Vinícius Júnior, Rodrygo ou Raphinha sont les principaux fers de lance. Mais son Brésil semble moins bien pourvu (toutes proportions gardées) dans son milieu à trois que semble préférer son sélectionneur, manquant d’un véritable facteur X, ou dans les couloirs – même si le sélectionneur aime à ce que ses latéraux repiquent au cœur du jeu plus qu’ils ne débordent. Autre point de fébrilité, la défense, le Brésil encaissant bien plus de buts que sous Tite (près de quatre fois plus en moyenne), sans doute le revers d’une médaille voulant que Dorival Júnior soit plus adepte d’un football offensif. Attention tout de même, car le groupe du Brésil n’est pas des plus faciles et avec la perspective de croiser l’Uruguay en quarts, les ambitions pourraient prendre un coup.

Pas des plus faciles car à ses côtés se trouve l’un des épouvantails annoncés : la Colombie qui apparait comme le plus sérieux outsider de cette Copa América. La sélection cafetera n’a plus perdu depuis le 1er février 2022 (défaite 1-0 en Argentine qui avait scellé sa non-participation au Mondial 2022) et mieux, elle reste même sur huit victoires consécutives, avec, à son tableau de chasse, le Brésil, le Mexique et l’Espagne. La sélection de Néstor Lorenzo s’est imposée largement lors de ses deux matchs de préparation. Si la victoire 5-1 face aux États-Unis est flatteuse parce que la Colombie a souffert pendant trente minutes, elle a surclassé la Bolivie. Au pays il y a donc comme un air de 1994, année où les espoirs étaient immenses avant une grande compétition. Si les espoirs sont aussi hauts c’est parce que tout le monde est là sans exception et en forme. Luis Díaz, la nouvelle grande star de cette équipe, est complètement transformé depuis son doublé face au Brésil en éliminatoires et semble complètement libéré de l’énorme pression qu’il avait sur ses épaules. Brillant avec Fluminense, Jhon Arias l’est tout autant avec le maillot de la sélection et est décisif. Enfin il reste évidemment le facteur X, James Rodríguez, qui a une implication en sélection inversement proportionnelle à celle qu’il a en club. S’il n’a plus marqué depuis octobre dernier d’une part sa totale liberté sur le terrain lui permet d’être le métronome de cette équipe. Une liberté dont bénéficie également Díaz et Arias ce qui génère beaucoup de mouvements et donc de danger. Si la Colombie a ce statut d’outsider (et des airs de 94) c’est aussi parce que ses adversaires lui dressent des louanges, à commencer par Gustavo Alfaro, le sélectionneur du Costa Rica qui voit la Colombie comme « peut-être supérieure au Brésil ». Même son de cloche chez Daniel Garnero, le sélectionneur du Paraguay qui se prépare à affronter « des équipes d’une envergure beaucoup plus complexe comme le sont nos deux adversaires, la Colombie et le Brésil ». La Colombie n’a jamais aimé ce statut d’équipe attendue au tournant et sans aller jusqu’au Mondial 94, le contexte social est évidemment moins pesant, on pourrait citer la Copa América 2019 où elle a craqué face au Chili en quarts de finale. Malgré cela, tout autre performance qu’une demi-finale serait vue comme un échec.

Et comme si cela ne suffisait pas à densifier ce groupe, le troisième représentant sud-américain du groupe se nomme Paraguay. Arrivé à la tête de l’Albirroja en septembre dernier après des résultats plus que convaincants à Guaraní, Olimpia et Libertad (huit titres de champion en sept ans), Daniel Garnero se retrouve une fois encore à reconstruire une formation dont la dynamique n’est pas des meilleures et qui, depuis, peine toujours autant à faire trembler les filets adverses, deux buts inscrits en sept matchs sous la direction de l’Argentin. Mais une formation qui peut faire perdre des points tant elle est difficile à bouger (à l’exception du dernier amical face au Chili pour lequel son sélectionneur avait annoncé un changement de tactique (0-3), le Paraguay de Garnero n’a pris que deux buts en six matchs). Pourtant, sur le papier, le Paraguay peut se montrer ambitieux : s’appuyant sur un axe défensif parmi les plus solides du continent, Fabián Balbuena – Gustavo Gómez, protégé par un double pivot Mathías Villasanti – Andrés Cubas et disposant de banderilles nommées Julio Enciso et Miguel Almirón our alimenter un Adam Bareiro, ce Paraguay est parfaitement équilibré. D’autant qu’en réserve, des Matías Rojas et autre Ramón Sosa sont autant de dangers supplémentaires. Reste à trouver la bonne animation, celle qui permettra à ces étoiles de briller pour permettre à l’Albirroja de poursuivre une formidable série : depuis vingt ans, elle s’est toujours à minima qualifiée pour les quarts, terminant deuxième en 2011 et quatrième en 2015. Mieux, elle peut s’appuyer sur une dynamique lancée par ses U23 qui ont remporté le Preolímpico et préparent donc Paris 2024.

Au milieu de ces trois ogres, quelle place pour le Costa Rica. Pour leur sixième présence en Copa América, les Ticos subissent de plus en plus la montée en puissance de Panamá et cherchent surtout à rester dans le top 4 des membres de la CONCACAF alors que leurs clubs sont de plus en plus rejetés par la confédération. Pour essayer de rebondir, le Costa Rica a donc nommé Gustavo Alfaro en novembre dernier. Après un travail plutôt contrasté mais loin d’être raté à la tête de l’Équateur, le technicien argentin a débuté dans le dur, tombant deux fois face aux Canaleros, mais a sur depuis installer un 5-4-1 efficace, ne tombant finalement que face à l’Argentine (on peut écarter l’amical face à un Uruguay composé uniquement de joueurs locaux). Mais Alfaro arrive à la Copa avec une intention claire, opérer la transition générationnelle, préparer l’avenir. L’objectif affiché est clair, injecter une idée de jeu à une sélection qui a passé deux ans à d’abord défendre. Une sélection qui dispose d’éléments offensifs jeunes et très intéressants à l’image du duo Brandon Aguilera - Josimar Alcócer, le premier étant un formidable maître à jouer avec un pied gauche soyeux, le second possédant de belles qualités de percussion. On suivra avec attention la jeunesse offensive (Kenneth Vargas, Álvaro Zamora, Andy Rojas, Warren Madrigal, Manfred Ugalde, tous U22 voire U20 pour certains) encadrée par Joel Campbell. De là à imaginer les Ticos en quarts comme en 2001 et 2004 il est un pas difficile à franchir, mais les imaginer venir perturber un groupe promis au trio sud-américain est largement possible.

Le programme complet

 

 

Avec Pierre Gerbeaud (Colombie)

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.