1986, 1996, 2015 et 2018. S’il y a quatre dates que tout supporter de River chérit, ce sont celles de ces succès en Copa Libertadores. À l’heure où River va chercher à décrocher sa cinquième étoile, retour sur les quatre précédentes.
1986, la malédiction brisée
Il y a eu 1966 avec la naissance des Gallinas lors d’un match d’appui perdu de manière folle au Nacional de Santiago par un River qui n’était clairement pas favori face au Peñarol d’Alberto Spencer et traversait alors un désert en termes de résultats. Il y a eu 1976 avec une finale au cours de laquelle les hommes d’Ángel Labruna et qui comptent dans leurs rangs des légendes telles qu’Ubaldo Fillol, Roberto Perfumo, Daniel Passarella, Norberto Alonso, Juan José López, Alejandro Sabella ou encore Leopoldo Luque, tomberont au terme d’un nouveau match d’appui face au Cruzeiro de Jairzinho et Palhinha (et n but de Joãozinho inscrit à la 88e). Autant dire que lorsque l’édition 1986 arrive, les amateurs signes voient River revenir en finale. Pourtant les années précédentes ne sont pas folles. River avait remporté le Nacional de 1981 avec Kempes sur le pré, Di Stéfano sur le banc, mais la suite est plus que chaotique alors qu’un jeune uruguayen nommé Enzo Francescoli fait ses débuts en rouge et blanc en 1983. La même année, l’équipe fait une grève de 47 jours, le club termine avant-dernier du Metropolitano 83. Mais tout change en 1985. La réforme du championnat, qui se calque sur la formule européenne avec une phase aller-retour, va faire du bien à River qui débute doucement avant de commencer à briller. Les hommes del Bambino Veira frappent fort face à Newell’s (5-1), écrasent Vélez (4-1) et n’en finissent plus de renverser l’Argentine. Jusqu’à Boca, tombé 1-0. Au début de la phase retour, River compte dix points d’avance sur son dauphin Newell’s, la bande à Francescoli sera sacrée. Elle retrouve ainsi la Libertadores pour 1986 après quatre ans d’absence.
Francescoli parti en France, River aborde cette compétition avec cinq champions du monde, deux en 1978 (Beto Alonso et Américo Gallego), trois en 1986 (Enrique, Ruggeri et Pumpido) et recrute deux attaquants, Juan Gilberto Funes (qui marquera à l’aller et au retour en finale) et Antonio Alzamendi (qui marquera l’unique but de l’Intercontinentale). Ce River n’est pas une machine à produire du jeu, à étouffer l’adversaire, mais c’est une machine froide, clinique, disciplinée, reine du contre. Elle domine largement son groupe, ne concédant qu’un nul en six matchs, à la Bombonera, avant de décrocher sa place en finale sur le fil, grâce à un nul sans but face à Argentinos Juniors, le tenant du titre lors d’un match d’appui. Ne restera qu’un obstacle, l’América de Cali, qui n’en sera pas un. Deux victoires, à Cali (2-1) et au Monumental (1-0) et River décroche enfin sa première étoile, mettant fin à une malédiction qui semblait poindre. Quelques mois plus tard, les Millonarios iront décrocher la couronne mondiale face au Steaua.
1996, le Prince est de retour
Dix ans plus tard, River va décrocher sa deuxième couronne. Avec un style bien différent. Ramón Díaz est aux commandes, il dirige une formation où les talents du moment et du futur se bousculent, où les génies dans la pure tradition River s’accumulent : aux côtés du Principe Francescoli, on va ainsi croiser des noms tels que Juan Pablo Sorín, Matías Almeyda, Ariel Ortega, Marcelo Gallardo et un gamin qui lui est titulaire en pointe, Hernán Crespo. River est arrivé en Libertadores après avoir totalement écrasé l’Apertura 1994 (champion invaincu (12 victoires, 7 nuls), Francescoli meilleur buteur) et gère tranquillement sa phase de groupes avec deux nuls face à San Lorenzo et quatre victoires face aux deux représentants vénézuéliens (Minervén et Caracas). En huitièmes, se dresse un rude obstacle, le Sporting Cristal de Nolberto Solano et Julinho qui s’offre les Argentins à Lima (buts de Solano et Julinho), mais qui explose totalement au retour, balayé par ce rouleau compresseur et ce jeune buteur fou (5-2, doublé de Crespo dont un retourné resté dans l’histoire). Les quarts permettent à River de retrouver San Lorenzo qu’il n’avait pas battu en phase de groupes et les Millionarios s’en sortent grâce à une précieuse victoire au Nuevo Gasómetro, Crespo et Ortega répondant à l’ancien de la maison, champion dix ans plus tôt, Ruggeri, suivi d’un nul au Monumental, Crespo et Ruggeri inscrivant encore leurs noms à la table de marque. Ne reste alors plus qu’un obstacle, une Universidad de Chile dans laquelle évolue un Matador nommé Marcelo Salas. Mais deux buts au Nacional et un but du Pelado Almeyda au retour ont raison des Chiliens, dix ans après sa première victoire, River est de nouveau finale, l’adversaire est le même, l’América de Cali.
Face à River se dressent Óscar Córdoba, Jorge Bermúdez et autre Anthony de Ávila. Ces derniers s’imposent au Pascual Guerrero et croient enfin briser leur malédiction (l’América a déjà perdu ses trois précédentes finales qu’il a disputées en 1985, 1986 et 1987). Mais le 26 juin, au milieu des papelitos qui tapissent la pelouse du Monumental, Hernán Crespo est inarrêtable. Il s’offre un doublé et décroche la deuxième étoile de son club. Crespo s’en ira quelques mois plus tard, rejoignant l’Italie comme Almeyda, Ramón Díaz reconstruira un nouveau River en associant notamment un quatuor Francescoli-Ortega-Cruz-Salas et en s’appuyant davantage sur les jeunes Gallardo et Solari. River dominera l’Apertura en reléguant l’Independiente de César Luis Menotti à neuf points, confirme en décrochant le Clausura suivant puis l’Apertura 97 devant le nouveau Boca de l’ère Macri, dirigé par Bilardo et avec Diego Maradona, Nolberto Solano, Diego Latorre, Martín Palermo, Claudio Caniggia et Juan Román Riquelme dans ses rangs. River poursuivra cette époque dorée par deux derniers titres, la Supercopa Sudamericana, compétition qui n’accueillait que les anciens champions de la Libertadores et sur laquelle le rideau allait alors tomber.
2015 et 2018, la gloire éternelle
Jusqu’en 2009, River Plate participe ensuite régulièrement à la Libertadores mais subit généralement la domination de l’ennemi Boca Juniors, ces derniers s’amusant à les sortir régulièrement de leur route (quart de finale 2000 écrasé par les Xeneizes de la main de Riquelme, demi-finale 2004 marquée par la célébration de la poule signée Tevez et une folle séance de tirs au but). Il n’y a même pas la jeune Sudamericana pour se revigorer, la seule finale disputée, en 2003, se terminant sur une improbable défaite face aux Péruviens de Cienciano. Pire, en 2011, River Plate est relégué pour la première fois de son histoire en Primera B, la honte est totale, River devient RiBer pour ses ennemis. Mais River se relève. Almeyda a ramené son club dans l’élite en une saison, Ramón Díaz a ramené un titre avec le Torneo Final 2014 qui ouvre les portes à un retour en Libertadores six ans après la dernière disputée. Entre-temps, un jeune entraîneur nommé Marcelo Gallardo a posé ses valises, commence sa révolution par un succès en Sudamericana, compétition au cours de laquelle il a commencé à chasser les vieux démons en sortant notamment Boca en demi-finale. Le premier tour n’est pas des plus convaincant pour les hommes del Muñeco : une défaite à Oruro face à San José, une seule victoire, face à ces mêmes Boliviens au Monumental, et quatre nuls dont deux face aux Péruviens de Juan Aurich. River termine deuxième derrière Tigres, sauvé par les Mexicains qui s’en vont chercher une folle victoire 5-4 au Pérou lors de l’ultime journée alors qu’ils étaient menés 3-2 à vingt-cinq minutes de la fin et que la qualification était déjà acquise pour eux. Les hommes de Ferretti regretteront ce choix quelques mois plus tard. Plus mauvais second, River se voit alors dans l’obligation de passer le meilleur premier (à l’époque, il n’y avait pas de tirage au sort) en huitièmes : un certain Boca Juniors. C’est l’heure de la revanche du Superclásico de la Sudamericana de l’année précédente, Gallardo renforce son milieu en plaçant Ponzio aux côtés de Kranevitter, domine la partie et s’impose d’un but. Au retour River maîtrise totalement la rencontre à la Bombonera, le premier acte étant totalement fermé, les deux équipes rentrent aux vestiaires sur un 0-0, au retour de ceux-ci, les joueurs de River son victime d’une attaque au gaz pimenté. S’ensuivent plusieurs minutes de palabres et hésitations. Mais jamais le match ne reprendra. River sera déclaré vainqueur 3-0 sur tapis vert, il file vers les quarts où il signe un nouvel exploit, celui de s’imposer à Belo Horizonte face à l’ogre Cruzeiro (3-0) après avoir perdu l’aller chez lui (1-0). Plus rien n’arrêtera les Millonarios, Guaraní est tranquillement géré en demies, la finale sonne l’heure des retrouvailles avec Tigres. Si les Mexicains, alors renforcés par André-Pierre Gignac dominent le match aller, ils ne pourront rien au retour. Les Felinos avaient été accrochés sans but dans leur Volcán, ils explosent dans la fournaise du Monumental au retour. Victoire 3-0 de River, trois comme troisième couronne. Mais pas la dernière.
Si 2016 voit la sensation Independiente del Valle réussir un miracle au Monumental pour conserver son avance de deux buts et sortir River en huitièmes, si la folle campagne de 2017, marquée par l’incroyable 8-0 en quarts face à Jorge Wilstermann, se termine par une improbable défaite 4-2 face à Lanús, 2018 conduit River vers la gloire éternelle. Un premier groupe parfaitement géré avec notamment deux nuls face au concurrent direct Flamengo, deux leçons délivrées aux voisins d’Avellaneda, le Racing en huitièmes, Independiente en quarts avant une demi-finale folle l’opposant au tenant du titre Grêmio. À l’aller au Monumental, River est totalement asphyxié, totalement maîtrisé par le Tricolor gaúcho qui, parfaitement organisé contient River et frappe sur coup de pied arrêté. On se dit alors que les Millonarios ne peuvent pas renverser la tendance tant Grêmio parait tout en maîtrise. Le retour à Porto Alegre semble l’indiquer. Si River domine, Grêmio ouvre le score sur un nouveau coup de pied arrêté et allait ensuite dominer de nouveau la partie. Jusqu’au face à face Everton – Armani perdu par la fusée brésilienne. Paulo Miranda, qui avait pris la place de Kannemann, suspendu, aux côtés de l’impeccable Pedro Geromel devait sortir perclus de crampes, son remplaçant Bressan allait vivre un calvaire. D’abord en recevant un carton jaune alors que sur le terrain depuis dix secondes et que le jeu n’avait pas encore repris, ensuite en assistant à l’égalisation de Borré sur un coup franc parfait de Pity Martínez à l’entrée des dix dernières minutes, enfin en détournant une frappe de Scocco de la main pour provoquer le dernier tournant du match, l’intervention du VAR. Andrés Cunha, l’Uruguayen qui avait été l’homme de l’élimination en demi-finale la saison précédente, s’en allait visualiser le ralenti qui montrait l’indiscutable penalty pour River. Après huit minutes de palabres, Pity Martínez envoyait River en finale. Une finale encore plus folle, décrite comme la finale du siècle, un Superclásico comme ultime finale aller-retour de l’histoire. L’histoire est connue, un spectaculaire 2-2 dans une Bombonera en fusion, une finale retour délocalisée après le caillassage du car des joueurs de Boca aux abords du Monumental, et un sacre à Madrid pour des Millonarios qui décrochaient alors leur quatrième étoile, celle de la gloire éternelle. Et qui rêvent désormais d’aller chercher la cinquième, pour réussir un doublé que Boca, de nouveau éliminé cette année, est le dernier à avoir réussi.



