Ça joue bien pendant 90 minutes, ça dribble, ça passe, les gardiens sont héroïques. Des dizaines de tirs arrêtés, des poteaux, on pense arriver au 0 à 0 qui ne rend pas justice aux joueurs, puis, miraculeusement, à la 94ème, sur un ballon contré, re-contré, cafouillé, ouverture du score, victoire ! Résumé du football uruguayen par sa quatrième journée du Clausura 2018.

banlomag

Progreso 1 – 0 Fénix

Juan Ramón Carrasco n'est pas quelqu'un de recommandable. Il est détesté par les supporters de Nacional, son club de cœur, mais aussi par les supporters de Peñarol, évidemment. Sachant cela, pas grand-monde ne l'aime en Uruguay. Après un passage à River Plate durant lequel l'équipe avait été extraordinaire (Michael Santos, un 4 à 0 contre Peñarol...), il avait quitté le club Darsenero suite à une série de défaite. Il a longtemps attendu l'appel d'un challenge meilleur et lucratif, avant d'accepter de signer pour Fénix. Résultat : une victoire 5 à 0 contre Cerro, puis une défaite 3 à 0 contre Nacional. Deux matchs résumant l'esprit JR : trois attaquants. Si le milieu survit, ça roule sur l'eau. Si le milieu prend l'eau... Pour cette quatrième journée, Fénix joue donc au Paladino contre Progreso, un dimanche matin à 10h15. Personnellement, les matchs du matin me manquaient, et le stade était plutôt bien rempli, l'avantage du dimanche matin étant qu'il n'y a rien d'autre à faire. Progreso est une équipe « surprise » du championnat, étant promu et huitième au classement, dans le coup pour une qualification en Sudamericana. Mendez arrive a bien organisé son équipe, avec un milieu particulièrement intéressant. Duel à suivre donc, dans le quartier du port.

Et que dire, sinon qu'il est incroyable que le score soit de 0 à 0 après 90 minutes. Le match a été un peu conditionné par un carton rouge donné sévèrement à Barboza côté Fénix dès la dixième minute de jeu. La suite de la première mi-temps a été une domination de Progreso avec de nombreuses occasions de Coleman, Lemmo ou Labandeira, mais le poteau ou Dario Denis ont tout arrêté, miraculeusement. La deuxième mi-temps va être bizarrement dominé par Fénix, avec une équipe de Capurro couvrant tout le terrain, courant, effrayant son adversaire. Vigneri (que l'on voit de retour en Uruguay après avoir beaucoup, beaucoup, beaucoup voyagé), Cantera, Olivera... Fuentes arrête tout, dont certains arrêts (cette tête d'Olivera) sont incroyables. Donc 0-0 à la fin du temps réglementaire, JR trouve le moyen de se faire exclure sur contestation (en profitant, vers la sortie, pour faire une petite interview en direct déclarant « je m'en vais, parce que j'en ai marre »). Puis, à la 94ème, dans un match empli de bons centres, de passes biens calibrées, d'attaques précises et de têtes bien placées, de belles parades des gardiens, Progreso ouvre la marque sur un cafouillage sur la ligne des six mètres où une dizaine de joueurs doivent toucher le ballon dans un laps de temps de cinq secondes. Le football uruguayen résumé en 90 minutes.

Côté Fénix, bon match malgré le fait de l'avoir joué à dix. Denis a été extraordinaire, comme souvent. La défense a tenu le coup. Bons matchs de Roberto Fernández, d'Alex Silva, de Maxi Cantera. En attaque, Leo Fernández n'a pas été mauvais en première mi-temps, mais JR aime changer ses attaques entre les deux mi-temps de chaque match. Côté Progreso, le joueur du match est aussi le gardien, Sebastián Fuentes. Devant, bon match à nouveau de l'ensemble de l'équipe avec quelques révélations comme Lemmo ou Makuka. On les reverra la semaine prochaine contre Nacional dans un choc entre le premier et le troisième du championnat.

Joueur du match : Sebastián Fuentes.

Liverpool 2 – 4 Peñarol

Les joueurs carboneros devaient gagner pour sauver la tête de leur entraîneur, Diego López, fortement critiqué suite à la défaite logique 6 – 1 sur les deux matchs face à l’Atlético Paranaense. Fin du rêve continental donc, on pensait que la Sudamericana se prêterait plus aux possibilités de Peñarol que la Libertadores, il n'en a rien été. Et donc évidemment, après seulement cinq matchs sur le banc de Peñarol (dont, hormis les deux matchs de Sudamericana, trois victoires et un nul en championnat), Diego « Memo » López était déjà plus que contesté. C'est sur la pelouse du Belvedere de Liverpool que le Manya devait se relever, et ce n'est pas une mince affaire au vu de la qualité de jeu développé par l'équipe de Pezzolano depuis quelques temps. Malheureusement, comme c'est souvent le cas avec les équipes dites inférieures, Liverpool va beaucoup déjouer durant le match, et ainsi laisser la victoire à Peñarol.

Les Carboneros vont rapidement dominer, grâce aux deux attaquants alignés en pointe apportant un danger permanent sur la défense de Liverpool. Après quelques occasions, Viatri se bat pour un ballon au milieu de terrain, le jouant à terre vers Hernandez qui passe directement dans le couloir à Nacho Lores, nouveau venu côté gauche à Peñarol. Lores effectue un centre plutôt bas, mais qui trompe piteusement Rivas et González puisque c'est bien Fernández qui reprend le ballon aux six mètres pour tromper Bava. Viatri, durant cette action mais aussi durant tout le match, est très important dans un rôle de pivot, de passeur, de numéro 10 jouant en pointe. Son compère argentin Maxi Rodríguez étant sur le banc, c'est lui qui distribue le jeu et fait jouer son équipe plus haut que lors des derniers matchs. À part un ou deux tirs de Figueredo, Liverpool se montre inoffensif. Souza, par exemple, sur son côté gauche, est complètement absent. La deuxième mi-temps marque le réveil de Liverpool, Martínez égalise au terme de l'un des seules actions bien construite par les locaux, sur un très bon centre légèrement en retrait de Souza, Federico Martínez la reprend bien de volée et trompe Dawson. Peñarol tremble, l'entraîneur se fait insulter copieusement par les tribunes. Quelques minutes plus tard, Viatri effectue un amour de passe à Fernández en profondeur face à une défense trop avancée. On parle souvent d'instinct pour les attaquants, mais le contrôle ainsi que la frappe de Fernández montrent ici l'importance de la technique. Son contrôle est effectué précisément pour garder le ballon proche de lui, le gardien se rapprochant dangereusement. Il effectue ensuite un amour de frappe de l'extérieur du droit. Fernández, qui était un temps annoncé au Brésil à la suite d'une très bonne saison au Racing, avait ensuite dû se faire opérer des ligaments croisés et sa carrière en avait logiquement pris un coup. Il revient en pleine forme, fait plaisir à voir, et au-delà de son physique qui lui a valu le surnom de « taureau », il montre de belles qualités depuis quelques matchs. Cinq buts déjà dans ce tournoi. Rapidement derrière, Cebolla tue le match en marquant de la tête sur corner. Encore une fois, la défense n'est pas assez attentive et Rodríguez dépose le ballon à côté du poteau. Liverpool obtiendra bien de réduire la marque sur penalty par Ramírez (ex-futur grand espoir, assez décevant encore sur ce match contrairement à ce que pourrait laisser penser sa célébration du 3-2), mais Peñarol marque à nouveau dans les toutes dernières minutes sur un contre et une bonne passe de Maxi Rodríguez vers Fernández à nouveau. Score Final 4-2, triplé de Fernández.

Côté Liverpool, l'équipe a été décevante, n'arrivant pas à construire face aux deux milieux défensifs de Peñarol. Des bons joueurs ont fait des mauvais matchs, comme Gabrielli, Ramírez ou Souza. La charnière centrale est coupables sur tous les buts. Ainsi, l'équipe de Liverpool ne pouvait gagner. Côté Peñarol, bon match de l'équipe dans son ensemble dans l'organisation bien sentie de López. Les deux attaquants ont pesé, le milieu dans l'axe a été solide comme à son habitude, les côtés ont apporté ce qu'il fallait, surtout Lores. 

Joueur du match : Gabriel Fernández

Fin 2016, le joueur devait signer à Grêmio pour aller enchanter le championnat brésilien. Lors de la visite médicale, les Brésiliens tombent des nues, le joueur a une rupture des ligaments croisés, il joue malgré tout et le Racing ne leur a rien dit. Évidemment. Le transfert tombe à l'eau et le joueur se rend à l'évidence, il va falloir se faire opérer. Après une année de galère, le joueur revient et signe en 2018 à Peñarol, tout d'abord en remplaçant, derrière d'autres joueurs dont Palacios. Suite au départ de ce dernier, et il monte petit à petit en puissance, il en est à cinq buts en trois matchs, et il fait plaisir à voir.

Cerro 1 – 2 Nacional

Le Bolso continue son excellent petit bonhomme de chemin puisque le club entraîné par Medina enchaîne un quatrième succès de suite. Cela fait 21 matchs sans défaite d'affilé en championnat, série en cours. Cerro, au Tróccoli, était pourtant un adversaire redoutable mais qui venait de jouer en semaine en Sudamericana. Cerro a bien dominé la première mi-temps et a ouvert le score dès la troisième minute par Franco López de la tête sur corner. On se dit alors que le match pourrait être compliqué pour Nacional, d'autant plus que l'équipe albiceleste a d'autres occasions et montre plus de capacités de constructions, par Paiva au milieu souvent. Tout change en deuxième mi-temps avec quelques changements côté Bolso, dont l'entrée déterminante de Viudez et du jeune Ocampo. Nacional, toujours aussi solide défensivement, commence alors sa transformation, bien aidée en cela par la fatigue de Cerro (le jeu de Pellejero n'est plus aussi fluide à 41 ans...). Après de nombreuses occasions, Nacional va retourner le match en cinq minutes. Tout d'abord, Ocampo centre pour Bergessio qui marque ainsi son seizième but du championnat. Dans la foulée, et face à un milieu du Cerro apathique, Viudez frappe des 20 mètres dans le petit filet opposé et offre les trois points à son équipe. Nacional enchaîne donc une quatrième victoire, dans la difficulté comme toujours mais avec un banc qui lui permet de dominer ses adversaires en deuxième période. Cela devrait être précieux contre Sol de America dès ce mardi soir en Copa Sudamericana, pour sauver l'honneur de l'Uruguay sur le continent.

Côté Cerro, bon match d'Irrazabal, de Paiva, sinon l'équipe a paru très fatigué au milieu notamment. Côté Nacional, heureux du retour de Fucile, mais le meilleur homme du match est son pendant, Espino, en pleine forme depuis quelques temps. Viudez a également marqué un magnifique but.

Joueur du match : Luis Espino

Pour le reste

Toujours pas de nouvelles de l'AUF, même si les choses se sont calmés. Les grands sont d'accords pour qu'il y ait de nouveaux candidats, et surtout pour qu'Abulafia ne soit jamais président. On en a appris plus sur les fameuses « cassettes » secrètes ayant entraînés la chute de Valdez. On parle d'un pourcentage pris en espèce par Valdez lors de l'illumination du Franzini et de la pression mis par le ministère des sports pour l'acceptation d'une entreprise plutôt qu'une autre pour le contrat de vidéosurveillance à reconnaissance faciale des stades... Affaires à suivre. Edgar Welker, président intérimaire, ex vice-président de Peñarol, assure un bon travail en étant ferme avec Tenfield et en cherchant à prolonger le Maestro rapidement (même si ce sera Coito qui assurera l’intérim pour les amicaux de fin août). Dommage qu’étant l'homme d'un des deux grands clubs, il ne puisse être président élu...

Les buts

Résultats

uruj4r

Classement

uruj4c

Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba