Vainqueur de l’Apertura mais dernier du Clausura, Rentistas a battu un Liverpool très malchanceux au bout du suspense. Avec cette victoire, Rentistas s’assure sa première participation à la Copa Libertadores, directement en phase de groupes, envoyant Peñarol en Sudamericana. Il ne reste plus à jouer que la finale face à Nacional.
Cette première finale est étrange, une anomalie. Évidemment à huis-clos, mais avec aussi la certitude que si le public avait été autorisé, il n’y aurait pas eu plus de dix mille personnes dans un Centenario qui aurait sonné bien creux. Les deux adversaires du jour, le vainqueur de l’Apertura et celui du Clausura, étaient sur des courbes inversées. Rentistas avait gagné l’Apertura grâce à un très bon début de championnat mais avait vu la majorité de son effectif partir, au Chili, en Espagne, au Paraguay, et la suite du championnat a été cauchemardesque avec une dernière place au Clausura et un maintien obtenu lors de la dernière journée ! On ne donnait donc pas très cher de la peau de la bébête rouge, face à un Liverpool champion du Clausura, deuxième du classement annuel, invaincu pendant quatorze matchs et restant sur de très belles performances notamment contre Nacional ou Torque. Mais depuis trois mois Rentistas le crie haut et fort : ils ne regardent plus le classement, et vont tout jouer sur un match pour tenter de se qualifier à la Copa Libertadores. Tous les supporters de Peñarol espéraient ouvertement que Liverpool gagne, seul moyen pour leur club de retrouver la Libertadores.
Dans un sens, le match s’est déroulé exactement comme prévu. Peu de surprise : Liverpool a roulé sur son adversaire. La première mi-temps a été une longue suite d’actions et de domination. Ramírez a manqué deux fois d’ouvrir le score, donnant parfois l’impression de trop vouloir rentrer avec le ballon dans le but adversaire, mais le gardien de but remplaçant de Rentistas, Jonathan Rossi (en l’absence d’Irrazabal blessé) a miraculeusement tenu la maison. L’arbitrage a fait parler avec un carton rouge distribué à Guillermo Fratta juste avant la mi-temps pour un tacle pas si dangereux que cela. La mi-temps a alors bruissé de complots que l’AUF voulait faire gagner à tout prix Liverpool pour que Peñarol aille en Libertadores… Cette théorie ne semble pas avoir prospéré puisqu’on ne l’entend plus aujourd’hui. Liverpool a alors joué à onze contre dix, avec un avantage au niveau des actions et de la possession. On ne voit alors pas de scénario possible dans lequel cette défense, emmené par Damian Malrechauffe, tiendrait pendant une heure face à ce Liverpool. Et en effet, au terme d’un énième coup de pied arrêté, Rossi sauve son équipe d’une main ferme, le ballon part au deuxième poteau où Franco Romero centre fort devant le but. Le pauvre Ramiro Cristóbal envoie le ballon dans son propre but, trompant Rossi pour la première fois du match. À dix minutes de la fin du match, on se dit que les carottes sont cuites pour Rentistas et que franchement, c’est plutôt logique et bien, parce que cette équipe-là, en Libertadores, ce serait très compliqué et pas très logique au vu des performances des autres. Jouer comme cela tout sur un match n’est pas vraiment l’esprit du football. D’autant plus que la finale risque d’être déséquilibrée, alors qu’un Nacional - Liverpool aurait vraiment de la gueule.
Je pensais tout cela en regardant le match et je ne devais pas être le seul car, à un moment donné, Camilo Candido a décidé de ne plus s’intéresser au match, de perdre sa place dans mon équipe type de la saison au poste de latéral gauche, et de laisser Franco Pérez reprendre du gauche une balle bien remise de la tête par Salomón Rodríguez pour égaliser sur la deuxième occasion du match de Rentistas… Un partout à la fin du temps réglementaire, Rentistas construit alors un mur infranchissable pendant une demi-heure, pour nous amener au bout du suspense aux tirs au but. À la tête de Ramírez, on sent déjà qu’une partie de Liverpool a perdu. Car en face, un homme entre en piste pour sauver son équipe pour la deuxième fois de cette saison, le gardien Nicolás Rossi. Rossi, remplaçant d’Irrazabal, a joué neuf matchs cette saison, sa première chez les pros. Le 22 février 2020, bien avant le début de la fin du monde qu’a été le restant de l’année, il avait connu ses premières six minutes professionnelles lors d’un match contre Boston suite au carton rouge reçu par le gardien titulaire. À son entrée, il y a deux partout entre les deux équipes mais Boston avait l’occasion de prendre les commandes sur penalty à six minutes de la fin. Rossi avait alors sorti le penalty tiré par Guillermo Fratta (son collègue aujourd’hui, qui a pris un rouge à la 45e) et finalement, Maxi Lemos avait offert la victoire aux siens à la 95e minute, une victoire qui sera évidemment essentielle dans la quête de l’Apertura. Après cette victoire, Rossi n’a pas beaucoup rejoué, jusqu’à la fin du Clausura durant lequel il a repris la place d’un Mono Irrazabal blessé. Et nous voilà donc, en ce 31 mars, plus d’un an après son premier match mais dans la même saison, qui reprend sa place dans les cages, bien préparé, un pied derrière sa ligne pour prendre son élan. Au final, il arrête trois tirs au but et devient alors essentiel dans la victoire de son équipe qui se jette sur lui après le dernier essai de Liverpool. Tout Rentistas, son entraîneur, ses joueurs, son président, peuvent pleurer, le club a réussi un exploit. Il va retrouver Nacional en finale, en match aller-retour, sans avoir rien à perdre. Mais surtout il va rencontrer les grands du continent en phase de groupes de la Copa Libertadores. On espère que le niveau ne soit pas trop haut et que l’on évite les trop fortes déconvenues.
Rentistas a joué sa partition à la perfection avec énormément de chance. C’est le jeu. La joie de Rentistas fait plaisir à voir et compense les interrogations sur le futur. Car tel est le football, c’est ces larmes. Que peut se reprocher de plus Liverpool, avec ses un-contre-un perdus, ses deux poteaux, et sa myriade d’occasions en général ? Une certaine rigueur après le premier but sans doute, mais pas grand-chose d’autre. Beaucoup de joueurs de cette équipe vont partir, on espère qu’ils garderont un bon souvenir de cette saison historique, de cette deuxième place, de ce Clausura qu’ils n’ont même pas pu fêter dignement. Ainsi va 2020. La finale se jouera ce week-end et mercredi prochain. Une finale historique.


