Nacional s’est incliné contre River Plate et a donné les clés à un nouvel entraîneur. Plaza a confirmé et a pris un avantage certain pour le classement annuel, pendant que Peñarol et Sud América livraient un match terne. Mais la vraie nouvelle cette semaine est le retour du public et donc le retour du football.

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Tábarez disait récemment en interview que ce qui était fait en ce moment n’était pas du football. « Pour moi, le football sans public n’est pas le football que j’ai connu ni celui que j’aime. Les matchs sont revenus, mais pas le football. C’est une sorte de football universel, très atténué, très impacté par la pandémie » disait il à La Diaria en mai.  D’un autre côté, le jeune Agustin Álvarez Martínez crève l’écran depuis un an. Il en est déjà à cinquante-trois rencontres avec Peñarol, pour un total de vingt-sept buts dont neuf en Sudamericana cette année, compétition pour laquelle il va sans doute être meilleur buteur. Contre le Sporting Cristal, il a joué cette semaine son premier match professionnel avec public. N’ayant pas marqué, il ne sait toujours pas ce qu’est de célébrer un but devant un public en liesse. L’être humain s’adapte à tout, mais quand même. Tel Tábarez, qui devait être devant son écran cette semaine pour les deux matchs avec public, on peut se réjouir du retour du football, d’un football qui commence à ressembler à ce que l’on connaissait dans ce fameux monde d’avant. Le public revient pour le moment sur des « exceptions » comme ce quart de finale de Sudamericana remporté mercredi dernier par Peñarol devant cinq mille personnes réparties sur les quatre tribunes, puis dimanche à Colonia ou trois cents spectateurs sont venus fêter le titre de l’équipe patablanca, une coupe importante et qui permet de viser d’autres sommets pour Plaza. Dans ce club « de province », il fallait voir les petites filles venues au stade avec des petits bouts de papier prédécoupées pour les lancer en l’air à l’entrée des équipes, le bonheur dans leurs yeux. Le monde de demain.

Plaza Colonia 2 – 0 Rentistas

Plaza Colonia a donc fêté comme il se doit (ou presque) son titre de champion de l’Apertura. Sans Dibble suspendu, l’équipe recevait le vainqueur de l’Apertura 2020, Rentistas, et l’on avait peur que les joueurs de Colonia n’aient un peu trop célébré leur titre durant la semaine. Ce ne fut pas le cas, et ce fut même un match représentant parfaitement ce que sait faire Plaza Colonia. Les verts et blancs ont dominé tout le match, n’étant jamais mis en danger par un bicho colorado décevant dans lequel des joueurs comme Tabaré Viudez ou Jonathan Urretaviscaya font très pales figures… Avec une assise défensive forte basée sur ses trois défenseurs Risso, Olivera et Ruiz Díaz, l’équipe porte le ballon petit à petit en faisant notamment confiance à deux milieux : Leonai Souza et Álvaro Fernández. Hier, en l’absence de Dibble, c’est Diogo et Leandro Suhr qui jouaient en attaque, comptant notamment sur la puissance du premier. Tout a très bon fonctionné, avec deux buts du Brésilien dont un premier magnifique, où il part tout en puissance, prend le dos du défenseur avant de mettre le frein et de tirer pour tromper Nicolas Rossi. Derrière, Rentistas n’a pas réussi à mettre en danger un Santiago Mele qui enchaîne son sixième match sans prendre de but, excusez du peu.

Le onze champion

Espinel fait jouer son équipe avec cinq joueurs en défense. En étant un peu menteur, il pourrait faire croire que c’est cinq milieux et trois défenseurs. La vérité est entre les deux, mais les deux latéraux ont ici un profil plus défensif que ce que l’on peut voir par ailleurs, par exemple au RC Lens de Franck Haise. Après, les chiffres ne veulent jamais rien dire, c’est le positionnement final au cours du match entre le positionnement offensif et défensif qui compte vraiment.

Le gardien : Santiago Mele

Que de chemin parcouru déjà pour le joueur de vingt-trois ans. Champion sud-américain U20 en Équateur en 2017 en étant titulaire, quatrième de la Coupe du Monde de la catégorie en Corée du Sud. Pas toujours titulaire avec Fénix, notamment à cause des matchs qu’il manque en raison de sélections U20, il part dès 2017 à Ankaragücü, club de la capitale Turque, dans lequel il ne joue pas. Il n’a pas vingt ans. Il quitte rapidement Ankara pour l’Espagne et le club Lleida en troisième division, avant de revenir à Ankara ce coup-ci du côté de l’Osmanlispor. Il n’y joue que quelques matchs, et à la fin de son contrat en Turquie, sans engagement, il revient en Uruguay presque prêt à arrêter le football. Carlos Manta a alors le nez creux et le fait signer sans pression, le temps de se remettre, à Colonia. Il y passe la pandémie et se remet tellement en forme qu’à la fin de la saison 2020, Peñarol lui propose d’être le remplaçant de Dawson à Peñarol. Mais Santiago semble avoir compris : à vingt-trois ans, jouer est devenu important, voir même essentiel. Il est resté, et il a bien fait, n’ayant été battu que sept fois en quinze matchs ! Il est très bon sur sa ligne comme dans les airs, bien aidé par sa défense.

Les défenseurs

Mario Risso. Le pilier de cette défense, trente-trois ans, passé principalement par le Defensor avec lequel il réussit de belles choses, que ce soit des tournois courts mais aussi en Copa Libertadores. Il part ensuite pour le Botafogo, mais ne s’y impose pas, et comme de nombreux autres joueurs commence alors un long voyage entre l’Argentine et le Mexique. Il pose finalement ses valises à Colonia en 2019 et s’y impose rapidement comme un pilier de la défense, s’imposant toujours dans les airs grâce à sa grande taille et en étant aussi propre dans les petits espaces. Il est aussi capable de marquer quelques buts de la tête sur une saison comme ça a été le cas cet année avec ce but en fin de match contre Liverpool qui permettait à Plaza de se placer en tête du classement.

Haibrany Ruiz Díaz. Quel drôle de prénom. Défenseur côté droit, il avait auparavant l’habitude de jouer arrière droit. D’après sa fiche, il est passé par le Liban en 2016 au Salam Zgharta, seule expérience à l’étranger. Propre techniquement, il est à Colonia depuis 2019 et ne laisse jamais venir le danger de son côté. La définition de ce que l’on demande à un défenseur.

Nicolás Olivera. Formé au Bolso, il est arrivé sur la pointe des pieds en début d’année alors que l’effectif manquait de défenseurs centraux de métier dans la stratégie à trois défenseurs d’Espinel. Véritable stoppeur au côté de Risso, il apporte, un peu comme ses deux compères, sa grande taille pour repousser les ballons dans le jeu aérien défensif.

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Les deux latéraux

Gonzalo Camargo. On le connaissait arrière gauche, le voici dans un rôle avec un peu plus de projection. Trente ans et déjà aussi un paquet de clubs dans lesquel il n’avait pas laissé une impression indélébile. Il sortait d’une saison compliquée en 2020 avec les Venados du Yucatán en deuxième division mexicaine. Très bon dans son rôle défensif.

Emiliano Zeballos. Comme Camargo, il avait fait toutes ses apparitions comme arrière droit jusqu’à présent. Formé au Defensor dans lequel il est resté longtemps, il n’y a ensuite pas été conservé malgré des performances plutôt intéressantes, il a ensuite rejoint Progreso puis revient à Defensor avant de descendre avec les violets et donc de rejoindre Colonia. Comme son collègue Camargo, il ne monte que rarement, mais de façon contrôlé et coordonné avec le reste de la défense qui, dans ce cas, coulisse. 

Les trois milieux

Yvo Calleros. Formé au club, le joueur de vingt-trois ans est un peu une surprise car il est monté en puissance petit à petit, étant d’abord de temps en temps remplaçant jusqu’à devenir titulaire indiscutable. Gratteur de ballon, c’est le pendant idéal du joueur qui avait avec lui dans l’axe à la récupération, Souza, qui a plus un profil de projection.

Leonai Souza. Il a été recruté pour trois francs six sous au Brésil, dans un club de Taquaritinga des fins fonds du championnat paulista. Carlos Manta (président du club) voulait le voir avant de le signer et a donc proposé à sa femme de partir quelques jours en vacances au Brésil, sans lui parler de football. Un matin, il dit à sa femme qu’il revient, qu’il va juste voir un match… il reviend finalement le lendemain et doit repartir pour signer le joueur, générant la colère noire de Madame… Manta signe aussi Diogo, de la même équipe, pour que Leonai ne soit pas trop seul en Uruguay en hiver, et parce que ce brave attaquant à l’air pas très technique mais sa puissance pourrait faire mal. C’était début 2020. Depuis, Leonai Souza est devenu l’un des meilleurs joueurs du championnat du haut de ses vingt-six ans et il devrait rapidement sauter vers une équipe un peu plus huppée, ou jouant du moins des compétitions continentales. Très bon joueur, capable d’être présent en défense, mais aussi de se projeter en attaque par la course (puissante) et par la passe (précise). Un vrai poumon pour une équipe plutôt défensive dans son organisation.

Álvaro Fernández. Que dire du flaco ? Ce n’était pas pour rien l’un des joueurs préférés de Tábarez dans les années jusqu’à la Coupe du Monde 2010. Très précis techniquement, il est aussi devenu moins mobile, mais il a tout le reste de l’équipe derrière lui pour compenser donc ce n’est plus trop un problème. Véritable numéro 10, il se balade à droite à gauche pour délivrer quelques caviars comme lors du premier but contre Wanderers la semaine dernière. Originaire de Colonia, ou il est né il y a trente-cinq ans, on lui souhaite de continuer à prendre du plaisir car le plaisir est communicatif.

L’attaque 

Nicolas Dibble. Que dire de Dibble que je n’ai pas déjà dit… en 2016. Cinq ans plus tard, c’est le seul joueur titulaire à vraiment enchaîner les deux titres de 2016 et 2021, tout en ayant quitté le club entre deux. C’est un battant, qui court dans tous les sens, parfois très juste techniquement ce qui a pu lui jouer des tours comme quand il jouait pour Peñarol, mais toujours tellement volontaire que cela paie dans une équipe comme Colonia ayant une vraie assise et laissant des espaces devant. Originaire de Colonia, le voir en larmes à la fin du match contre Wanderers ne peut pas laisser insensible. Il aura éventuellement une tribune à son nom.

Diogo. Arrivé donc en même temps que Leonai, on s’est dit au départ que Colonia avait trouvé un bon vieux bourrin. Au final, depuis le but qu’il a marqué durant le Clausura 2020 contre Peñarol, il monte en puissance et montre petit à petit qu’il a toute une palette à sa disposition dans le contrôle et dans l’intelligence du positionnement. Il a pris la place de Juan Cruz Mascia, qui a aussi été très bon par moment et qui semble enfin s’imposer après des débuts difficiles en tant que futur-star du côté de Nacional.

Les remplaçants marquants

En plus de Mascia, l’équipe a quelques remplaçants « intéressants » comme un certain Oignon Rodríguez qui a marqué deux buts importants durant deux fins de match mais qui n’est qu’un joker de luxe. Un mauvais signe pour la suite de sa carrière. On a aussi vu deux-trois fois un certain Nicolas Albarracin, qu’y ne s’est pas imposé et est donc reparti de l’autre côté du fleuve en Argentine. On notera aussi Leandro Suhr, bon joueur ailier mais qui ne semble pas trouver sa place dans ce schéma (il était en peine contre Rentistas) et qu’on aimerait bien voir dans un plus grand club plus dominateur du ballon.

Pour le reste

Nacional s’est effondré contre River Plate. L’équipe de Capuccio a outrageusement dominé toute le première période, Bergessio loupant même un penalty bien arrêté par Ichazo, puis Matías Arezo vers la 45e a tiré une bombe de trente-trois mètres sur coup-franc, pleine lulu, et le Bolso ne s’en est jamais relevé. Exit donc Capuccio, qui est remplacé par Ligüera que l’on avait déjà vu en toute fin de saison 2020 le temps de gagner le titre… Encore un changement de coach côté Nacional. Arezo a de son côté peut être marqué son dernier but côté River… et quel but. Il est toujours annoncé en Europe dans les prochaines semaines.

Peñarol avait donc l’occasion de devancer au classement son adversaire de toujours. Mais malgré un effectif presque au complet, Peñarol a vu Sud América revenir à un partout et reste donc un point derrière Nacional au classement. Cela reste une bonne demi-saison côté carbonero avec surtout un choc à venir en septembre contre un Brésilien évidemment, l’Athletico Paranaense.

Dans les autres rencontres, Liverpool et son attaque de folie (trente-huit buts en quinze matchs) ont bien terminé leur tournoi avec une victoire trois à zéro facile contre Cerrito. Torque à fait de même en l’emportant 4-1 contre Progreso. Ces deux équipes, tout comme River Plate, ne sont pas très loin au classement annuel, à quelques points des deux grands. Par contre, Colonia a creusé un trou de sept points très intéressant dans la perspective du classement annuel. Le Clausura commencera le week-end du 11 – 12 septembre, après la pause internationale qui pour une fois est respectée.

Les buts

 

Classement final

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Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba