Le championnat du pays dont le cœur bat pour le football reprend et il se présente comme un sac de bonbon dans lequel piocher et rencontrer des plaisirs sans cesse renouvelés.

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Guide de la saison

Fray Bentos est un drôle d’endroit, un lieu unique. Certes, la ruine est un destin universel. Mais qui aurait pu croire, durant la première moitié du XXe siècle, que cette zone industrielle s’éteindrait aussi rapidement ? Il faut imaginer qu’il n’y avait pas d’endroit pareil sur terre. Reprenant les concepts déposés par un industriel allemand du début du XIXe siècle nommé Justus von Liebig, un vaste complexe s’était installé sur cette rive du Río Uruguay, fabricant et exportant des boites de Corned Beef et des bouillons de viande en cube. D’abord entreprise allemande, le complexe avait été repris par des Anglais et il alimentait en Corned Beef de marque Fray Bentos le monde entier. L’Uruguay, qui auparavant produisait beaucoup de cuir, y trouvait un moyen de valoriser à très grande échelle les bas morceaux de viande. Ces boîtes arrivaient sur le vieux continent et on les retrouvait en stock immense, notamment pour les soldats anglais des Première et Seconde Guerres mondiales, les soldats considérant encore à l’époque que la viande était un produit de luxe. Un kilo de Corned Beef, c’était la valeur nutritive de trente-deux kilos de viande ! Un condensé bienvenu en temps de pénurie. Fray Bentos était alors l’endroit où l’on disait que la seule chose qu’on n’utilisait pas d’une vache était son meuglement. Fray Bentos était un nom que chaque soldat des tranchées anglaises du nord de la France connaissait entre 1914 et 1918. Fray Bentos était un monde en soi. Dans cette même moitié de XXe siècle, un club de football est fondé dans une banlieue lointaine de Montevideo qui n’a pas accès à l’électricité hormis dans un bar que l’on appelle alors La Luz, l’électricité. Dans ce bar est fondé un club, l’équipe de ce quartier d’Aire Puros : La Luz FC. Près de cent ans plus tard, ce club accède pour la première fois à l’élite du football uruguayen. N’ayant pas de vrai stade, il choisit de se délocaliser en province et choisit le Parque Liebig de Fray Bentos, qui accueille pour la première fois un match de première division uruguayenne. Le Liebig était jusqu’à présent plus habitué aux joutes entre l’Anglo FC et le Laureles FC de la ligue régionale. L’Anglo FC, ex Liebig FC. Ces clubs du football de l’intérieur ne sont jamais entrés au sein de l’AUF. En ce dimanche 5 février, le Liebig voit donc s’opposer La Luz au Montevideo Wanderers des frères Sardeson. Une tout autre histoire.

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À 9h45 ce dimanche, il n’y a pas grand monde dans le public qui pense encore à ces vieilles histoires. Wanderers aligne une équipe alléchante avec l’Argentin Ramiro Costa en pointe entouré du jeune Diego Hernández et de Santiago Ramírez (frère de). Peu de noms connus côté La Luz et les deux plus connus sont sur le banc : un certain Álvaro González demi-finaliste de Coupe du Monde et une jeune pépite, Nicolas Schiappacasse. Les vingt premières minutes sont éclairées par Diego Hernández. Il trouve tout d’abord Costa sur un coup-franc, la tête de l’Argentin au deuxième poteau fusille Ramiro Méndez. La Luz attaque alors pour égaliser mais se fait prendre en contre. Costa qui était jusqu’à présent très haut sur le terrain se rapproche du rond central et passe dans son dos pour Hernández qui trompe à nouveau Méndez en face à face. Avec deux buts d’avance pour Wanderers au quart d’heure de jeu, le match est déjà plié. Costa se blesse rapidement et est remplacé par Santurio qui va jouer plus bas et déranger ses ailiers. Juste après la mi-temps, Schiappacasse entre et il ne doit attendre que trente-cinq minutes pour réduire l’écart, à dix minutes du terme sur une magnifique déviation de l’extérieur du pied dans la surface. Mais Leonardo Pais redonne deux buts d’avance dans la foulée sur une erreur de la défense. Le match est plié, et on ne voit même pas Tata González fouler la pelouse.

Wanderers a montré une bien belle équipe, solide, avec un Mario Risso toujours aussi impressionnant dans l’axe, Francisco Cerro et Matias Fonseca précis au milieu, et une attaque décisive comme on l’a vu. Le petit Diego Hernández est un joueur qui donne du plaisir. On veut les revoir rapidement face à une équipe de plus haut standing. La Luz s’est sabordé en début de match et n’a pas semblé maitriser la défense à trois et l’avantage de taille qu’avait Wanderers, ce qui est problématique pour un premier match de saison. Des joueurs comme Luis Machado ou évidemment Schiappacasse ont effectué le travail, il faudra revoir ce onze avec une vrai défense.

Pour le reste…

Avant le but de Schiappacasse, il y avait eu celui d’Arezo samedi pour Peñarol. Les Carboneros ont battu dans les grandes largeurs un Cerro qui a tenté de jouer haut et qui s’est loupé. Si les jeunes de Peñarol (Rossi, Homenchenko) avaient été précis en deuxième mi-temps, le score aurait pu être beaucoup plus lourd que ce 2-0. La saison commence bien dans tous les cas pour Peñarol alors que, côté Cerro, la défense fait peur. Nacional a bien démarré la saison après la chute en Supercoupe. Cette fois, le Bolso a battu Liverpool sur son terrain grâce notamment à deux buts rapides de Gigliotti sur penalty et de l’ex-River Marcos Montiel. Liverpool a ensuite poussé mais Nacional a été solide, n’encaissant un but qu’en toute fin de match de Federico Pereira.

Boston River a aussi commencé sa saison par une belle victoire contre le promu Racing. Il a fallu attendre la deuxième période pour assister au doublé de l’ex-futur grand espoir Emiliano Gómez. Cerro Largo a créé la surprise en battant à domicile River Plate avec des buts magnifiques dont un en toute fin de match de Tiago Galletto pour la victoire. Santiago Rodríguez pensait offrir une victoire à Torque pour son retour temporaire en Uruguay depuis les USA mais Millan a égalisé en toute fin de match pour Danubio. Maxi Cantera a quant à lui offert les trois points à Maldonado grâce à son but contre Plaza, et Fénix a battu Defensor (1-3).

Les buts

Résultats et classement

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Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba