Convaincant face à la Croatie, le Pérou l’a été tout autant face à l’Islande pour son deuxième match de la tournée américaine. Le bilan est positif, l’espoir est grand tant la machine mise en place par Ricardo Gareca ne cesse de progresser. Bilan d’une folle semaine.

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« Nous avons tellement souffert pendant des années que pour une fois il bon de se réveiller péruvien », « La sélection nationale a gagné le respect et l’admiration de tous » : telles étaient les propos recueillis à Lima après les deux victoires nettes et sans bavures contre la Croatie et l’Islande portant une série incroyable d’invincibilité à douze matchs égalant la celle de 1941 ! Le Pérou est aussi la seule équipe de son groupe (composé de la France, du Danemark et de l’Australie) à avoir remporté ses deux matches amicaux. Le Pérou a réussi sa tournée américaine et rentre au pays le torse bombé avec plein de certitudes.

Incas contre Vikings

Du beau jeu mais surtout un plan tactique dessiné par le professeur Gareca et parfaitement exécuté par ses hommes. Il y a quelques jours, nous vous avions parlé du jeu en contre mis en place pour contrecarrer les plans de la Croatie (lire Coupe du Monde 2018 : Le Pérou à la conquête de l’Europe), nous allons nous pencher maintenant sur la tactique utilisée pour vaincre l’Islande.

Ce pays nordique est réputé pour sa rigueur défensive et sa bonne cohésion d’équipe. Ricardo Gareca mise donc sur un 4-1-4-1 ultra offensif avec une ligne d’attaque, tenez-vous bien, composée de Flores, Cueva, Farfán, Carillo et complétée par Ruidíaz en pointe. Renato Tapia unique milieu défensif et une défense inchangée avec Advíncula et Trauco sur les côtés, Ramos-Santamaría dans l’axe.peruisl

Il ne fallait pas arriver en retard à la Red Bull Arena car au bout de deux minutes à peine, Tapia s’élève plus haut que tout le monde sur un coup franc lointain tiré par Trauco et ouvre le score de la tête. Mais le Pérou s’emballe et produit un jeu trop brouillon, l’Islande en profite pour s’approcher de plus en plus des cages péruviennes. C’est un corner qui va amener l’égalisation islandaise par Fjóluson et mettre un peu de piment dans ce match. Ça tombe bien car nous avons envie de savoir comment ce Pérou va réagir dans une telle situation. Pour la deuxième période, Ricardo Gareca n’opère pas de changement et fait confiance à ses hommes sur le terrain. En revanche la tactique évolue quelque peu, Farfán glisse à gauche et permute avec Carillo ce qui a pour effet de fluidifier le jeu grâce aux magnifiques appels et dribles de ce dernier qui absorbent la défense. Mais le plus remuant sera Edison Flores et sa vision du jeu. Le second but vient d’une merveille de passe de Flores pour Farfán dans la surface qui remet de la tête à Ruidíaz qui place le ballon entre le premier poteau et le gardien. Sur le troisième but c’est encore Flores qui déstabilise deux défenseurs sans même toucher le ballon en laissant filer une passe de Trauco pour Farfán qui marque. 3-1 la messe est dite.

Que ce soit contre la Croatie ou contre l’Islande, Gareca a réussi à imposer sa tactique mais surtout à la transmettre à son groupe et créer un collectif soudé, une équipe unie qui marche comme un seul homme. Il a réussi à créer une machine infernale.

Des Incas en Russie

Au niveau des joueurs certains ont assuré leur place quand d’autres l’ont probablement gagnée. Le point joueur par joueur.

Carlos Cáceda

Le gardien titulaire, Pedro Gallese était blessé pour ces deux matches mais reste le numéro 1 dans la tête de Gareca. Il a toujours répondu présent en sélection avec des matches XXL (on pense notamment au match contre l’Argentine à la Bombonera où il a tout stoppé). Mais cela se bouscule un peu plus derrière Gallese avec beaucoup d’incertitude quant à la forme de Cáceda. Apres un transfert à Veracruz en début d’année, avec un rôle de doublure de Gallese, il a décidé de retourner au Pérou au Deportivo Municipal pour avoir du temps de jeu. Gareca lui donne donc l’opportunité de se montrer en sélection avec la blessure de Gallese. Il a saisi sa chance des deux mains comme les nombreux ballons qu’il a attrapés pendant ces deux matchs. Rassurant et auteur de bonne prestation, il devrait faire le voyage en Russie.

Anderson Santamaría

Titularisé pour remplacer Alberto Rodriguez aussi blessé (mais qui reste indéboulonnable du onze type et devrait faire vite son retour et est aussi derrière Paolo, dans la hiérarchie des capitaines. L’ancien joueur de Melgar, aujourd’hui chez les Mexicains de Puebla, a été LA bonne surprise de ces matchs. En l’absence de Rodriguez, il a débuté contre la Croatie et a été un des artisans de cette victoire de prestige. Véritable muraille, comme le surnomme les hinchas de Puebla, il a écœuré les attaquants croates mais aussi islandais. On espère le voir plus souvent titulaire en sélection tant il apporte une solidité en défense.

Cristian Ramos

Titulaire indiscutable, il a endossé le brassard de capitaine en l’absence de Guerrero et Rodriguez. Il a apporté toute son expérience aux côtés du jeune Santamaría et les deux compères ont formé une charnière digne d’un pays mondialiste.

Miguel Trauco

Le jeune latéral gauche a été plusieurs fois écarté du groupe par Flamengo (pour des raisons pas toujours justifiées) et a pris ces matchs en sélection comme une revanche. Un des meilleurs sur le terrain, il est à l’origine de trois des cinq buts marqués. Ultra offensif, il donne le tournis à son vis-à-vis et s’inscrit parfaitement dans la stratégie de Gareca. Pour l’anecdote, il fait partie du onze type des deux matches FIFA pour France Football.

Luis Advíncula

Le joueur le plus rapide du monde depuis son sprint en match de Liga mexicaine a donné pleine satisfaction et surtout replacé Aldo Corzo sur le banc. Une saine concurrence existe entre les deux hommes qui se surpassent pour devenir titulaire pour le plus grand bonheur de Gareca. Avantage Advíncula pour le moment.

Yoshimar Yotun

Yoshi jouait presque à domicile aux États-Unis puisqu’il évolue en MLS dans le club d’Orlando City. Il a été parfait aux côtés de Tapia dans la relance et la bataille du milieu contre la Croatie. Mais un excès de colère contre un Croate venu le « taquiner » l’a envoyé prendre sa douche avant tout le monde. On n’a donc pas pu le voir sur les deux matchs mais le peu que l’on a vu suffit à en faire un titulaire en Russie.

Renato Tapia

Le boss du milieu. Si dans son club de Feyenoord il est un simple remplaçant qui joue les pompiers de service au milieu et en défense, en sélection il est considéré comme « el capitan del futuro ». Son sens du leadership et son omniprésence au milieu en fond en joueur redoutable dans les duels et les relances. Sans le brassard du capitaine, il replace quand même ses coéquipiers et vient jusqu’à sermonner ceux qui n’appliquent pas les consigne du chef. Une des pièces maitresses de la machine Gareca.

Cristian Cueva

On attendait plus de Cueva, on voulait plus de drible, d’arabesque, de gestes fous… Mais le chouchou de Gareca a joué simple et surtout a joué juste avec quelques passes lumineuses pour lancer ses attaquants dans la profondeur. Il aurait pu être plus tranchant quand on connait son véritable niveau mais il reste du temps pour régler et ajuster notre numéro 10.

Edison Flores

Digne descendant de Cesar Cueto, el Poeta de la zurda, par sa vision du jeu et son attitude humble sur le terrain comme en-dehors. Edison est la mascotte des péruviens. Appelé la première fois par Gareca lorsqu’il évoluait dans le club liménien d’Universitario, il est devenu titulaire indiscutable et un véritable bol d’air frais pour le football péruvien. Nul doute que ce mondial fasse exploser son talent aux yeux des plus grands clubs qui voudront l’arracher au club danois d’Aalborg.

Andre Carillo

Le joueur de Watford en Premier League a étonnamment brillé lors de ces affrontements. Il a été le meilleur en attaque, lui qui avait la fâcheuse tendance à faire le dribble de trop ou la passe mal ajustée. Il ouvre le score contre la Croatie après un bon pressing de Farfán et une perte de balle croate aux abords de la surface adversaire. Carillo reprend le ballon et frappe sans se poser de question. C’est ce que l’on attend de ce joueur. Être plus simple et se diriger plus vers le but. On remarque plus de maturité aussi dans ses choix en essayant de jouer plus collectif.

Jefferson Farfán

Le héros de la qualification arrachée face aux Néo-Zélandais a encore frappé et fait parler tout son talent. L’ami d’enfance de Paolo Guerrero a prouvé qu’il était toujours affuté et plus que jamais indispensable dans le jeu. Remuant en attaque contre la Croatie, il a été repositionné derrière Ruidíaz contre l’Islande avant de permuter sur la gauche avec Carillo. Il a été impeccable dans ces trois positions. C’est ça qui fait sa force car avec le retour de Paolo en point de l’attaque, Jefferson sera plutôt positionné derrière lui ou sur un côté. Le duo formé ensemble à l’Alianza Lima devrait faire parler la poudre une nouvelle fois pour notre plus grand bonheur.

Raul Ruidíaz

Sur un nuage avec son club de Monarcas Morelia au Mexique, il rentre un peu dans le rang en sélection. Remplaçant attitré de Paolo en attaque, il a pourtant été laissé sur le banc au profit de Jefferson Farfán contre la Croatie mais a été titulaire dans cette attaque de feu contre l’Islande. Match difficile pour lui car souvent sevré de ballon à cause d’une formidable défense islandaise. Malgré tout il a réussi à sortir son épingle du jeu en marquant sur une passe lumineuse de Farfán. Au retour de l’idole Paolo, il sera sans doute sur le banc et fera office de « supersub » avec on l’espère des entrées fracassantes.

D’autres joueurs peuvent être ajoutés à cette lsite : Miguel Araujo (défenseur, Alianza Lima), Paolo Hurtado (milieu offensif, Vitoria Sport Clube), Andy Polo (attaquant, Portand Timbers), Sergio Peña (milieu, Granada), Nilson Loyola (lateral, Melgar), Pedro Aquino (milieu, Lobos de Puebla).

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Derniers tickets pour Moscou

Des doutes subsistent tout de même sur quelques joueurs qui vont se disputer les dernières places dans le groupe qui s’envolera au mondial. Parmi ces joueurs, Christian Benavente. El Chaval, Péruvien né en Espagne, a longtemps été considéré comme le future de la sélection péruvienne. Ayant fait ses classes au Real Madrid Castilla sous l’ordre de notre Zizou national, on a souvent beaucoup attendu de Benavente le considérant même comme un futur crack. Après un bon début de saison avec son club belge de Charleroi, Gareca le convoque à nouveau après un an d’absence. Entré en fin de match contre la Croatie, il dispute quelques minutes sans toucher beaucoup de ballon. Contre l’Islande, il est encore remplaçant et joue presque toute la deuxième mi-temps. Pas suffisant pour prouver l’étendue de son talent avec pas grand-chose à se mettre sous le pied. Convocation frustrante donc pour Benavente qui ne baisse pourtant pas les bras et déclare encore son amour pour le maillot du Pérou. Gareca aussi ne le laisse pas de côté et affirme qu’il a encore toutes ses chances de figurer dans la liste des 23. Si el profe le dit…

Deux questions se posent maintenant pour le sélectionneur : comment garder ce groupe soudé et cette bonne dynamique à environ deux mois du mondial ? Mais aussi comment réintégrer le numéro 9 et capitaine Paolo Guerrero dans ce collectif ? Cette dernière question est sur toutes les lèvres car le prochain match amical arrive fin mai contre l’Écosse et el Depredador aura purgé sa peine. L’occasion donc pour un retour en fanfare dans le stade Nacional de Lima. Mais comment le faire jouer ? Sera-t-il en forme ? Quel joueur sortir d’un onze qui a tant brillé depuis les quatre derniers matchs ?

Gareca aura encore trois matches de préparation pour répondre à ces questions. La seule certitude que nous avons c’est sur le charisme qu’apporte le joueur et sa place de cadre dans le groupe. Nous avons vu un Pérou conquérant qui peut parfois plier sous les attaques adverses mais qui ne rompt pas.  Ricardo Gareca a presque complété sa recette et il ne manque plus que son ingrédient principal. La hargne du guerrier et la soif de victoire du Capitaine Paolo Guerrero. Rendez-vous le 28 mai à Lima pour avoir la réponse à toute ces questions.

Romain Lambert
Romain Lambert
Parisien expatrié sur les terres Inca, père d’une petite franco-péruvienne, je me passionne pour le football de Lima à Arequipa en passant par Cusco. Ma plus forte expérience footballistique a été de vivre le retour de la Blanquirroja à une coupe du monde après 36 ans d’absence.