Il ne reste plus qu’un match amical et le Pérou pourra de nouveau goûter à l’ivresse d’une Coupe du Monde. En attendant, le peuple rouge et blanc peut célébrer l’impressionnante série de sa Blanquirroja, emmagasiner de la confiance et surtout savourer le retour de son capitaine.

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Inside Pérou – Ecosse : Au cœur de la Blanquirroja

Six mois se sont écoulés depuis la qualification du Pérou à la Coupe du Monde et le match de barrage contre la Nouvelle-Zélande à Lima. Six mois sans voir la sélection jouer son football sur ses terres, dans ce stade où le miracle s’est produit devant des milliers de spectateurs encore sur un nuage. Avant de prendre l’avion pour le vieux continent, la Blanquirroja se devait d’offrir un spectacle d’adieu chez lui devant son peuple.

La Fédération Péruvienne de Football avait prévu cinq matches amicaux pour se préparer au mieux à ce mondial. Deux matches ont été joués en mars aux États-Unis contre la Croatie et l’Islande avec le succès que l’on connaît (deux victoires 2-0 et 3-1). Deux autres matches sont prévus en Europe une semaine avant le début de la Coupe du Monde contre l’Arabie Saoudite et la Suède. Ce match à Lima contre l’Écosse fait donc office de match d’adieu.

Les Péruviens voulant ne manquer ce match pour rien au monde se sont donc précipités vers la billetterie pour acquérir leurs places et participer à la fête. Car oui, ce match ne ressemblait pas à un match de qualification ou de compétition officielle où on sent une pression insoutenable avec des spectateurs au bord de la crise de nerfs. C’était une véritable fête que les supporters ont préparée pour célébrer leurs héros, célébrer le mondial, célébrer le football tout simplement. Aux abords du stade, les marchands ambulants vendent le célèbre maillot blanc avec cette magnifique frange rouge le plus souvent floqué du 9 de Guerrero et du 10 de Farfán. C’est une véritable marée humaine blanche et rouge qui chante et danse autour d’orchestres improvisés. La fanfare de la police nationale se joint à la fête et joue des cuivres, au milieu des supporters déguisés en indiens de l’Amazone dansent avec énergie. Plus loin, on aperçoit le fameux Fantasma del 69, le fantôme des éliminatoires 1969 pour le mondial 1970. À l’époque le Pérou s’était qualifié en faisant match nul à Buenos Aires qui laissait les Argentins hors de course pour le mondial au Mexique. Des sirènes raisonnent alors et une dizaine de motards policiers déboulent dans l’avenue parallèle au stade pour faire de la place au bus de la sélection arrivant tant bien que mal à se frayer un passage dans cette foule en délire avant de s’engouffrer dans le stade. À une dizaine minutes d’intervalles, l’autocar de la sélection écossaise arrive en étant applaudi par la foule, les joueurs écossais ébahis par cet accueil filment la scène avec leur smartphone.

Il est temps pour moi de faire le même chemin et de rentrer pour m’installer dans la tribune Occidente. Le stade est évidement plein à craquer et les tribunes nord et sud chantent à la gloire de leur sélection. Les joueurs sortent alors sous l’ovation du publique et l’on notera la tenue spéciale vêtue pour l’entrainement : le maillot floqué du numéro 9 avec un message de soutien « Contigo Capitán ». En effet, Paolo Guerrero n’est pas de la fête, il est en Suisse afin d’obtenir de la cour suprême fédérale, l’autorisation de participer au mondial malgré sa suspension de 14 mois infligée par le TAS. Ricardo Gareca compose donc sans son attaquant et homme fort. Mais el Tigre a confiance en son groupe qui a gagné depuis trois matches consécutifs (Nouvelle-Zélande, Croatie et Islande). Son onze type ainsi que sa tactique sont bien définis, il s’appuie depuis presque deux ans sur des joueurs qu’il connaît maintenant très bien et dont il a lui-même été un acteur majeur dans leur encadrement et développement.

Dans les cages, le troisième gardien Jose Carvallo s’offre du temps de jeu pour ce match, Gareca veut que tout son groupe se sente concerné et impliqué. En défense, nous retrouvons Christian Ramos et le capitaine du soir, Alberto Rodríguez, sur le banc lors des deux derniers amicaux. L’homme le plus rapide du monde, Luis Advincula en position de latéral droit et Miguel Trauco, son pendant gauche, auront la tâche d’apporter leur vitesse et justesse offensive. Au milieu, Renato Tapia et Yoshi Yotún seront les plaques tournantes voulues par Gareca afin de gagner la bataille du milieu et d’orienter le jeu. L’armada offensive mise en place par Gareca impressionne toujours autant lorsque l’on connaît les qualités de Carrillo, Flores et Cueva qui dézone sans cesse et donne le tournis aux adversaires. Devant, et en l’absence de Guerrero, c’est son ami d’enfance, la Foquita Farfán qui est préféré à Raúl Ruidíaz pourtant excellent au Mexique. Finalement, la question ne se pose pas pour retrouver Farfán dans l’axe tant sa qualité à jouer dos au but et à conserver le ballon dans la surface adverse n’est plus à prouver. Les vingt-deux acteurs entrent enfin sur le terrain et l’hymne écossais est entonné dans le plus grand respect des supporter présent dans le stade. Vient alors l’hymne péruvien pour un frisson garanti, « Somos libre, seamoslo siempre » chanté par cinquante mille personnes la main sur le cœur, les larmes aux yeux.

Un tifo est alors déployé sur la tribune Oriente où l’on peut lire « Peru a Rusia ». L’introduction à ce match est simplement magique. Alors que les joueurs écossais se placent dans leur partie de terrain à leurs postes respectifs, les Péruviens se rassemblent en formant un cercle. C’est peut-être un détail mais cela montre à quel point l’équipe est unie et soudée. Le coup d’envoi est donné par la Blanquirroja qui impose rapidement son jeu vertical. La première occasion ne tarde pas à venir avec un coup franc dans les vingt-cinq mètres plein axe frappé par Cristian Cueva parfaitement cadré mais stoppé par le gardien. Voyant l’intensité offensive imposée par le Pérou, l’Écosse décide de se replier défensivement plutôt que de jouer les contres. Le Pérou ne trouve pas la solution, Carrillo dézone beaucoup permutant même avec Cueva dans l’axe pour aider au maximum le porteur du ballon mais rien n’y fait. C’est sur un long ballon de Trauco sur Farfán que la situation va se débloquer. Farfán met un coup d’accélérateur pour récupérer le ballon, le gardien écossais sort mais la Foquita le devance en mettant malicieusement le pied sur le ballon. Farfán frappe alors vers le but vide mais un défenseur se jette et le ballon est stoppé par sa main. Penalty. C’est Cristian Cueva qui se charge d’appliquer la sentence en frappant sur la gauche du gardien qui ne peut rien faire. Le compteur est enfin débloqué à la 36ème pour le plus grand bonheur des cinquante mille spectateurs qui exultent. Cueva se fend d’un hommage à Paolo en reprenant sa célébration du Pistolero. Huitième but en sélection pour Aladino.

Le Pérou pousse encore avant la fin de la première période sans parvenir à alourdir le score. L’arbitre siffle la mi-temps sous les applaudissements des spectateurs. La sélection propose du beau football, même si son adversaire du soir ne lui rend pas la pareille. En effet, l’Écosse déçoit tout de même en ne proposant pas une grande adversité. Il faut dire que les hommes de Alex McLeish ont terminé leur saison et ne jouent pas la Coupe du Monde. Cette première mi-temps a plutôt bien été gérée par les hommes de Gareca mais on sent bien une certaine retenue dans l’engagement par peur de se blesser et de rater la Coupe du Monde. On a pu voir des combinaisons intéressantes en attaque avec encore un Jefferson Farfán décisif. À la mi-temps, un hommage est rendu au journaliste Daniel Peredo décédé en février dernier. Une cabine de commentateur porte même son nom ici au stade Nacional avec une plaque en reconnaissance de son apport inestimable au journalisme péruvien.

Début de la deuxième mi-temps et retour des chants des tribunes nord et sud. Deuxième acte qui débuter avec les mêmes acteurs côté péruvien. L’Écosse donne le coup d’envoi mais le Pérou récupère très vite grâce à un pressing haut. Yotún sur la gauche centre pour Farfán qui inscrit le deuxième but au bout de deux minutes. Le match étant plié, el profe décide d’opérer aux premiers changements pour tenter différentes animations mais aussi offrir du temps de jeux aux habituels remplaçants. Rentrent alors Raúl Ruidíaz et Andy Polo à la place de Yotún et Carillo. Farfán recule d’un cran laissant la pointe de l’attaque à Ruidiaz. Sort ensuite Cueva pour Pedro Aquino puis Jefferson Farfán cède sa place à Hurtado sous l’ovation du public. Dans les dernières minutes sans grande intensité, Gareca lance Cartagena à la place de Tapia et Corzo pour Advincula. La Blanquirroja gère tranquillement cette fin de match jusqu’au coup de sifflet final. Mission accomplie, la sélection régale une fois de plus ses hinchas en allant gagner devant son public. Les joueurs s’offrent même un tour d’honneur en saluant toutes les tribunes. Les messages de soutien et les applaudissements pleuvent. Ce n’est pas fini, les techniciens s’affairent pour mettre en place une estrade. Un personnage et une légende du football péruvien pénètre sur la pelouse et monte sur la scène. Il s’agit ni plus ni moins que de Don Hector Chumpitaz, el Capitán de America, 105 sélections entre 1965 et 1981 et deux mondiaux en 1970 et 1978. À sa prise de parole, tout le stade se tait et écoute le discours de soutien du très respecté Don Hector. Ses paroles sont celle d’un sage : « vous portez le cœur de trente-trois millions de Péruviens en Russie ».

Les performances individuelles

Le troisième gardien n’a pas eu beaucoup d’arrêt à faire mais il a rassuré sur ses quelques sorties. En défense, Alberto Rodríguez a été plutôt intéressant au milieu des géants écossais. Grace à sa très bonne détente, il a gagné plusieurs duels aériens. Son compère Ramos a lui aussi été très appliqué.  Sur la droite, Luis Advincula a une nouvelle fois démontré sa puissance physique et sa vitesse. Quant à Miguel Trauco, il a été plus remuant en apportant beaucoup offensivement. C’est lui qui lance Farfán qui provoque le penalty. Au milieu Yotún absorbe tous les ballons et distribue tel un croupier de casino les ballons dans l’axe, sur les coté, en retrait. Renato Tapia a aussi taillé patron au milieu en ratissant tous les ballons et en couvrant son compère Yotún lorsque celui-ci apportait le nombre en phase offensive. Edison Flores à gauche a plutôt été discret, on appréciera tout de même ses combinaisons avec Trauco en dédoublant et avec Cueva en permutant et piquant dans l’axe. Cueva a été l’arme offensive numéro une en jouant sur tout le front de l’attaque. Son association avec Flores et Carrillo en fait un joueur redoutable balle au pied. Il marque le premier but sur penalty. André Carrillo a énormément dézoné pour venir combiner avec Yotún, Cueva et Farfán en se plaçant parfois comme deuxième attaquant. Jefferson Farfán quant à lui, a une nouvelle fois été décisif en provoquant le penalty en première période puis en inscrivant le deuxième but en deuxième période. Il devient même le troisième meilleur buteur de la sélection avec vingt-cinq réalisations et dépasse la légende Lolo Fernandez, rien que ça ! Côté remplaçant, on notera la bonne entrée de Andy Polo, son association avec Advincula et Cueva sur la droite pourrait donner des idées à Gareca et il démontre que sa présence dans les vingt-trois est tout sauf un hasard.

La sélection s’est alors envolée vers l’Europe avec un rêve qu’elle va bientôt pouvoir caresser du bout des pieds. Avant cela, deux matches de préparation sont prévus contre l’Arabie Saoudite en Suisse et la Suède à Göteborg.

Pérou – Arabie Saoudite : tout en maîtrise

Trois changements dans le onze titulaire avec Pedro Gallese, numéro un dans la hiérarchie des gardiens, dans les cages, Anderson Santamaría à la place de Alberto Rodríguez et surtout le retour de Paolo Guerrero. La cour suprême du tribunal fédéral suisse a donné raison à Paolo Guerrero et l’autorise à disputer la Coupe du Monde. C’était la principale information dans le monde du football à deux semaines du début du mondial en Russie. Gareca décide donc de titulariser son capitaine après huit mois et son dernier match contre la Colombie lors de la dernière journée des qualification (match nul, James Rodríguez pour la Colombie, Paolo Guerrero pour le Pérou). C’est Jefferson Farfán qui cède sa place à son ami dans le onze qui débute contre l’Arabie Saoudite. Cette décision du profe est plus dans une optique de faire souffler Farfán car les deux compères seront sans doute titulaires au mondial.

Devant près de 19 000 supporters blanquirrojos, le Pérou éprouve un peu plus de difficulté face à une belle résistance de l’Arabie Saoudite et peine à poser son jeu. La faute à de nombreuses pertes de balle côté, les joueurs essayant de jouer vite en une touche de balle et en multipliant les passes. Mais le Pérou exerce toujours cette pression haute qui permet de mettre en danger l’adversaire et offre l’occasion aux Péruviens d’entrer dans la surface adverse. À la vingtième, André Carrillo contrôle un ballon de la poitrine en dehors de la surface face au but et décoche une frappe limpide du gauche qui finit dans les filets. C’est son cinquième but sous les couleurs du Pérou. Avant la pause, Edison Flores voit son tir repoussé par le gardien mais tel un renard des surfaces, Paolo Guerrero apparaît et pousse le ballon dans le but vide. C’est tout un peuple qui exulte et relâche une frustration de plus de huit mois. Enfin ! Paolo rejoue, Paolo marque. La machine fonctionne toujours. Paolo se dirige instinctivement vers Farfán pour fêter son but.

En deuxième période, Miguel Araujo entre à la place de Christian Ramos. Cette fois Gareca semble avoir trouvé la formule magique contre ces Saoudiens qui ne sont pas venus faire de la figuration même si quelque peu limités. Paolo Guerrero se fond peu à peu dans le collectif et le Pérou joue mieux quand il s’agit de onze joueurs unis et non dix plus un. Le troisième but en est le parfait exemple, une séquence collective impressionnante avec André Carrillo qui effectue un gros travail dans la surface avant de servir Paolo Guerrero qui place une tête rageuse dans le but. Il est bien de retour et retrouve des sensations de buteur. On a maintenant hâte de le voir à la Coupe du Monde avec son compère Jefferson Farfán. La Foquita fera son entrée poste pour poste à la place de Paolo. Séquence émotion lors de l’échange du brassard de capitaine entre les deux amis d’enfance. Ricardo Gareca procède à plusieurs changements pour donner du temps de jeu à son groupe. On notera l’entrée intéressante de Sergio Peña qui était en concurrence avec Wilder Cartagena pour la dernière place dans l’avion en direction de Moscou (ce dernier étant finalement retenu dans la liste des vingt-trois, Peña en sortant).

Le Pérou bat l’Arabie Saoudite trois but à rien sans jamais avoir véritablement tremblé (même si les Saoudiens se montreront quelque peu en fin de partie) et porte sa série d’invincibilité à quatorze matches. Record historique de la sélection péruvienne. Paolo Guerrero revient et marque ses 34ème et 35ème buts sous le maillot péruvien. La question reste de savoir qui cédera sa place pour le capitaine ? Il faudra sacrifier Carrillo, Flores ou Cueva. Choix difficile qui devient un problème de riche et qui montre finalement une belle profondeur de banc et différentes options offensives.

La Blanquirroja se déplacera le 9 juin à Göteborg pour le dernier match de préparation contre la Suède. Match à 19h15 heure française. Ensuite, l’heure sera venue d’écrire l’histoire en Russie.

Les résumés

Romain Lambert
Romain Lambert
Parisien expatrié sur les terres Inca, père d’une petite franco-péruvienne, je me passionne pour le football de Lima à Arequipa en passant par Cusco. Ma plus forte expérience footballistique a été de vivre le retour de la Blanquirroja à une coupe du monde après 36 ans d’absence.