Auteur d’un but contre la Serbie à Moscou, Thiago Silva a pu prendre une revanche personnelle dans la ville où il a vécu les moments les plus difficiles de sa vie.

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« L’un des pires moments de ma carrière et de ma vie s’est passé ici. Grâce à Dieu, tout se passe bien aujourd’hui pour moi, pas seulement à Moscou, mais en Russie en général. L’enchaînement des matchs va me donner confiance » avance Thiago Silva à la sortie de la victoire du Brésil sur la Serbie, synonyme de qualification en huitième de finale pour la Seleção. Dix ans plus tôt, Thiago Silva, alors joueur du Dynamo Moscou, est resté six mois à l’hôpital, flirtant avec la mort.

Thiago Silva naît le 22 septembre 1984 et passe son enfance à Santa Cruz, favela de la zone ouest de Rio de Janeiro, déjà victime à l’époque de nombreux affrontements entre trafiquants et policiers. Le père de Thiago Silva abandonne la famille lorsque ce dernier est âgé de cinq ans, et le futur capitaine du Paris SG pourra ensuite compter sur son beau-père, Valdimiro, qui l’emmène faire des tests dans les plus grands clubs de Rio de Janeiro. Mais Vasco, Flamengo, Fluminense et même de petits clubs comme Madureira et Olaria refusent Thiago Silva. Thiago Silva doit s’exiler et prend à 17 ans la direction du Rio Grande do Sul, d’abord au RS Futebol puis au Juventude. Les débuts sont difficiles, Thiago Silva est parfois aligné sur le côté droit, mais joue relativement peu. Jusqu’à l’arrivée de Ivo Wortmann sur le banc de touche, qui replace Thiago Silva dans l’axe, aux côtés d’un autre grand défenseur brésilien et vainqueur de la Copa América 2007, Naldo. Juventude est l’une des belles surprises du Brasileirão 2004, terminant à une très honnête septième place. silvadynamo

Thiago Silva attire les regards européens et signe chez le dernier vainqueur de la Ligue des champions, le FC Porto. À vingt ans, Thiago Silva devra se contenter de l’équipe réserve, alors qu’il se plaint de douleurs à la poitrine et de toux persistantes. Pas d’inquiétude pour le FC Porto, qui le prête tout de même au Dynamo Moscou. Si l’adaptation européenne au Portugal avait été difficile, celle en Russie l’est d’autant plus pour Thiago Silva qui ne parle pas anglais, encore moins russe. Pire, il va être éloigné des terrains. Car c’est en Russie qu’un diagnostic est posé pour Thiago Silva. Le joueur souffre depuis plusieurs mois de la tuberculose. Thiago Silva est placé en quarantaine à l’hôpital, où il restera pendant six longs mois. En 2013, Thiago Silva revenait sur cette période noire pour Globo : « Les conditions étaient précaires. J’étais dans une chambre minuscule, avec une douche toute petite et un frigo. Mon lit était dans un coin, je pouvais me laver les mains dans un lavabo directement depuis le lit. Mes compagnons à ce moment étaient l’ordinateur et les jeux vidéo ».

Thiago Silva peut ensuite compter sur le soutien de sa mère, qui le rejoint à Moscou, tout comme sa compagne de l’époque, aujourd’hui sa femme. Isabelle, 17 ans à l’époque, confiera à Globo : « Je n’avais pas idée qu’il était aussi abattu et dépressif. » À Moscou, les médecins suggèrent de retirer une partie du poumon. Thiago Silva, qui verrait alors sa carrière professionnelle stoppée net, refuse et peut ensuite compter sur un autre soutien, Ivo Wortmann, son entraîneur au Juventude, qui prend la tête du Dynamo Moscou. Wortmann fait venir un spécialiste du Portugal et Thiago Silva récupère doucement. Peu avant la Coupe du monde 2018, Thiago Silva se souvenait des moments douloureux à l’hôpital. « Je regarde en arrière et je vois combien ça a été difficile, mais aussi combien je suis accompli aujourd’hui. Le poumon va très bien, mais le cœur a encore beaucoup d’émotions à connaître. » Thiago Silva ne s’éternise pas en Russie, ni au Portugal. Car Ivo Wortmann, toujours lui, devient l’entraîneur du Fluminense et rappelle Thiago Silva au pays. Le natif de Rio s’impose comme l’un des meilleurs défenseurs du continent, remportant la Coupe du Brésil 2007 avant de disputer la finale de la Copa Libetadores en 2008. La suite est connue, Thiago Silva signe au Milan AC et devient O Monstro.

Les difficultés ne s’arrêteront pas pour autant pour Thiago Silva, avec en point d’orgue cette Coupe du monde 2014, où il est critiqué, moqué, pour ne pas avoir assumé son rôle de capitaine dans le naufrage brésilien. En octobre 2014, quelques heures après avoir été convoqué avec la sélection pour la première fois depuis le Mondial, il perd son beau-père, victime d’un cancer. Thiago Silva rejouera avec le Brésil de Dunga et est fautif sur l’action amenant un penalty pour le Paraguay lors de la Copa America 2015, précipitant l’élimination du Brésil. Thiago Silva devient cette même année l’ambassadeur d’une campagne du ministère de la Santé pour le traitement de la tuberculose, mais il ne sera plus appelé par Dunga et devra attendre l’arrivée de Tite pour retrouver la Seleção, d’abord comme remplaçant, puis comme titulaire. Avant d’hériter du brassard lors du match de Coupe du Monde contre le Costa Rica et d’être l’un des meilleurs joueurs brésiliens sur ce début de Coupe du monde. Thiago Silva n’a désormais qu’un rêve : soulever la Coupe du Monde. À Moscou évidemment.

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.