Une grande parodie, un match parfaitement géré et une grande maîtrise, tel est le court résumé des trois rencontres de la nuit sud-américaine. Retour sur le début de la quinzième journée.

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La quatrième dimension

C’est l’histoire d’un match dont le héros fut Wilmar Roldán, l’arbitre. Sur le papier le choc ÉquateurBrésil était alléchant. Dans les faits, il a été quelque peu étrange. Sans aucune surprise dans son onze, le Brésil démarrait fort, marquant même sur sa première opportunité, bien aidé par un Alexander Domínguez loin d’être inspiré dans sa sortie sur corner. Le débat du portier équatorien allait continuer d’être alimenté puisque l’ancien de Vélez récidivait dix minutes après le but brésilien avec une sortie totalement folle sur Matheus Cunha. L’avant-centre brésilien sortait du choc avec un nouveau tatouage au cou, Alexander Domínguez sortait quant à lui du terrain après révision au VAR. Un VAR omniprésent sur ce premier acte. Car cinq minutes après l’exclusion du portier équatorien, Emerson terminait son festival pied-poing par un second jaune synonyme d’expulsion. Tite bougeait ses pièces, sortant Philippe Coutinho pour placer Dani Alves à droite et éviter au seul Raphinha de devoir gérer le seul Estupiñán. Choix délicat qui tuait totalement le milieu de terrain d’une Seleção qui ne parvenait plus à trouver du liant, Fred et Casemiro jouant bien trop près l’un de l’autre et isolant les offensifs. De son côté, l’Équateur s’était adapté à la sortie d’Alan Franco et appuyait, essentiellement couloir droit avec le duo Preciado – Plata, même si le danger était surtout apporté sur les coups de pied arrêtés de Pervis Estupiñán. Arrivait alors la première polémique de la rencontre lorsque Alisson s’en allait envoyer son pied dans le visage d’Enner Valencia. Le portier brésilien écopait d’un second carton jaune qui semblait alors logique – geste non maîtrisé en dehors de sa surface – avant que le duo Wilmar Roldán – Leodán González n’entre en action et nous offre une nouvelle séquence de VAR pour finalement annuler le carton rouge. En échange, on gagnait neuf minutes de temps additionnel et sortait d’un premier acte étrange avec très peu de football.

Les choses changeaient un temps en seconde période. Les hommes d’Alfaro avaient réorganisé leur milieu, Gruezo et Caicedo se plaçant plus haut et plus près des offensifs. Plata continuait de provoquer quelques dégâts dans les lignes arrière, la Tri se procurait des situations et finissait par revenir au score sur une tête parfait de Félix Torres, lançant un dernier quart d’heure sous haute tension. Le Brésil décidait alors d’augmenter le rythme, jouait plus haut pour éloigner le danger, y parvenait et semblait se diriger vers le nul qu’il semblait être venu chercher. Jusqu’à une dernière action, une nouvelle sortie non maîtrisée d’Alisson de nouveau sanctionnée par l’arbitre colombien, désignant alors le point de penalty et délivrant le deuxième carton rouge du match au portier auriverde. Avant, une fois encore Leodán González intervenir depuis sa cabine pour faire annuler la sanction alors que la notion d’erreur manifeste reste là encore à redéfinir. 1-1 au final, la rencontre se terminait sur une nouvelle polémique, le choc tant attendu a accouché d’une souris dont le Brésil aura du mal à tirer la moindre conclusion. L’Équateur quant à lui continue de grappiller des points et se rapproche de plus en plus du Qatar.

La belle affaire uruguayenne

Par Jérôme Lecigne

Après cinq matchs sans victoire dans ces éliminatoire, l’Uruguay se relance avec une victoire 1-0 qui replace la Celeste au classement. Ce sont deux équipes avec un besoin impératif des trois points qui se présentaient hier à Asunción, deux équipes en dehors des places qualificatives au coup de sifflet initial. Cette semaine en Uruguay, on a beaucoup parlé de la vague de chaleur avec des températures jusqu’à 40° sur place mais il semble que les Dieux sont du côté du Tornado Alonso puisqu’il a plu presque sans interruption pendant vingt-quatre heures et il faisait un acceptable 28° au coup de sifflet sur la Nueva Olla.

Le nouveau sélectionneur de l’Uruguay joue donc ici son premier match, avec une composition annoncée à la dernière minute et un élément dont on n’avait plus l’habitude : des surprises, des tentatives de déstabilisation de l’adversaire. Trois joueurs font leurs débuts : le gardien Sergio Rochet (Muslera étant blessé, mais il n’est pas dit qu’il redeviendra le premier choix), le latéral gauche Mathias Olivera ainsi que Facundo Pellistri au milieu. Ce dernier choix est la vrai surprise, le joueur ne jouant pas en Espagne, il « prend » la place à des De Arrascaeta ou Arambarri. Dans la composition, on lit aussi en creux la volonté d’imposer du physique avec en latéral droit Ronald Araujo. Cela ne marche pas trop au départ, d’autant plus que la défense tente de ressortir proprement les ballons, au pied, mais que certains jouent à des postes inhabituels comme donc le Barcelonais mais aussi Giménez qui a changé et qui joue côté gauche dans l’axe. Le Paraguay tente d’en profiter et l’Uruguay est obligé de mettre commettre quelques fautes dangereuses. Mais les choix d’Alonso s’avèrent payant sur un point :  son Uruguay redevient une puissance sur coup de pied arrêté et la Celeste en profite par deux fois pour toucher les barres : d’abord par Suárez après une première tête de Diego Godín, la deuxième fois par le capitaine avec en prime, un ballon qui revient sur Vecino qui le reprend à deux mètres du but… sur Silva qui se sauve de justesse. Pour le reste, en cette première mi-temps, peu de jeu, l’Uruguay arrivant à jouer derrière la balle mais sans jamais être mis en danger. Almirón, souvent cherché, n’est jamais trouvé dans de bonnes conditions sur son côté. L’Uruguay n’est pas exceptionnel, mais semble vouloir se rebeller tant bien que mal. Le Paraguay est léthargique.

Cela se confirme en deuxième mi-temps au cours de laquelle l’Uruguay se rassure rapidement avec l’ouverture du score. Après un coup-de-pied arrêté, Godin récupère le ballon pas loin de la ligne médiane. Il fait quelque chose de très bien puisqu’il prend un risque et lance Suárez en profondeur. Le Pistolero n’en demande pas tant et s’emmène le ballon avant de reprendre de volée et de tromper un Silva étrangement placé. Ouf de soulagement côté Uruguay et toujours pas de réaction côté Paraguay, qui n’a toujours pas tiré au but à ce moment du match. L’Uruguay contrôle alors le match et se procure quelques occasions mal jouées, pendant que le Paraguay n’arrive pas à entrer dans la surface uruguayenne et finit par frapper de vingt-cinq mètres, par deux fois, bien arrêtés par Rochet. Dans une drôle d’ambiance, le Paraguay abandonne toute espoir de qualification, alors que l’Uruguay se relance avant un calendrier favorable : les deux prochains matchs étant les réceptions du Venezuela et du Pérou. Deux victoires et la Celeste sera logiquement au Qatar, pour définitivement tourner la page du psychodrame qu’a été 2021. En attendant, Diego Alonso réussit ses débuts.

Le Chili aux portes de l’élimination

Se replacer, le Chili l’espérait en adoptant une stratégie risquée : déplacer son duel face au voisin argentin sur les hauteurs d’Atacama, au Zorros del Desierto de Calama. L’idée, prendre des points face à l’Albiceleste et surtout être prêt pour ce qui semble être considéré comme l’ultime chance, le déplacement à La Paz la semaine prochaine. Le pari est pour l’instant perdu. Car même sans Messi, même sans son sélectionneur sur le banc, l’Argentine reste une machine de guerre. Avec le choix de confier le milieu au Papu Gómez plutôt qu’à Lo Celso et d’utiliser Nico González en machine à perforer côté gauche plutôt que Dybala – qui n’a pas du tout ce profil cela dit, le duo Ayala – Samuel a proposé une Albiceleste compacte, disciplinée et capable de faire mal. Fidèle à ses habitudes, l’Argentine a d’abord dicté le rythme de la rencontre, frappant d’entrée par une merveille signée de son capitaine d’un soir Ángel Di María et ne dérogeant pas à son plan : compact entre les lignes et pression haute pour provoquer des erreurs. L’égalisation de Brereton ne changeait rien à la feuille de route argentine, une balle grattée par el Papu Gómez permettait à De Paul d’envoyer un missile qui rebondissait sur Bravo et permettait à Lautaro de doubler la mise et rafraichir Calama à dix minutes de la pause. Le premier acte contrôlé, l’Argentine allait sortir de bleu de chauffe en deuxième, les hommes de Lasarte se montrant plus pressant, mettant plus d’intensité. Le match se tendait quelque peu, virait au véritable clásico. Mais l’Argentine repliée offrait une muraille difficile à percer avec, lorsque la Roja y parvenait, un Dibu Martínez toujours aussi parfait sur sa ligne. Le deuxième visage de l’Argentine, celui d’une équipe intelligente, sachant manier le temps et maîtriser la fougue adverse, était tout aussi impressionnant que celui de l’Argentine capable de vertiges. Certes le Chili a eu ses opportunités, l’entrée de Montecinos a apporté bien des dangers sur le flanc gauche argentin, mais finalement, en maîtrise totale, à l’image des dernières minutes plutôt bien gérées, l’Argentine s’est imposée en altitude et met son voisin dans une situation bien délicate.

 

 

Photo : DANIEL DUARTE/AFP via Getty Images)

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.