À l’aube d’une douzième finale, un record, Boca Juniors vise à mettre fin à une obsession, celle de la séptima. Retour sur les six premiers succès du club azul y oro.
Ce samedi, Boca Juniors se rend au Maracanã avec la certitude de battre un nouveau record. Un succès et le club xeneize mettrait fin à son obsession de la séptima, le septième titre, qui permettrait au club azul y oro de pouvoir rejoindre l’encombrant compatriote rouge au sommet du palmarès de la plus prestigieuse des compétitions continentales, la Copa Libertadores. Une défaite et Boca deviendrait le club ayant perdu le plus grand nombre de finales dans l’histoire de l’épreuve (six, ils sont actuellement en tête avec Peñarol). C’est dire l’intensité de la relation qui noue les Xeneizes à l’épreuve. À la veille de ce douzième rendez-vous, revenons sur six des cinquante-deux étoiles qui garnissent l’écusson du club.
1977, la puissance du maillot blanc
Quatorze ans après sa première finale perdue face à un Santos porté par un génie brésilien, Boca Juniors retrouve une finale. À sa tête, Juan Carlos Lorenzo. El Toto a connu une carrière de joueur qui l’a conduit en Italie (Sampdoria), en France (Nancy) et en Espagne (Atlético de Madrid, Rayo Vallecano et RCD Mallorca). Passé sur le banc, fortement influencé par Helenio Herrera, il avait fait ses preuves à Mallorca puis dans les deux clubs de Rome avant de diriger la sélection en Coupe du Monde 1962. Ce n’est qu’en 1976 qu’il retrouve le Boca avec lequel il avait déjà joué en tant que joueur. Le succès est immédiat puisqu’il réussi le doublé Metropolitano/Nacional 1976. C’est grâce à ce parcours que Boca se retrouve en Libertadores 1977. Dans un groupe totalement fou puisqu’à l’époque, les groupes sont formés de paires issues d’un même pays. Boca se retrouve avec River dans le Groupe 1 aux côtés des Uruguayens, Peñarol et Defensor. Soit le finaliste (River) et le demi-finaliste (Peñarol) de l’édition 1976. Le parcours est un sans-faute : trois victoires à la maison, une victoire et deux nuls en déplacement et surtout, aucun but encaissé. Boca est en demi-finale, à l’époque une nouvelle phase de groupes. Le parcours est tout aussi sans faute : deux victoires, deux nuls, Libertad et le Deportivo Cali observent de loin. Dans les rangs de Boca, on peut croiser Hugo Gatti, le premier renfort demandé par el Toto à son arrivée l’année précédente, Mario Zanabria, le capitaine champion avec Newell’s en 1974 et des gamins du club comme Rubén Suñé, que Lorenzo a tenu à rapatrier, Alberto Tarantini et Roberto Mouzo.
Cette finale 77 se joue face au tenant du titre, Cruzeiro. En trois actes : un premier à la Bombonera, remporté par Boca, un deuxième décroché par la Raposa au Minerão sur un but de Nelinho. À l’époque, la configuration oblige à un match d’appui. Il se déroule le 14 septembre au Centenario de Montevideo. Et fait naître deux histoires devenues légende. La première concerne le maillot. Pour ce match d’appui, Lorenzo veut éloigner la malédiction. Estimant que le maillot extérieur, le jaune, porté lors de la défaite à Belo Horizonte est signe de mauvais œil, il demande à ce que l’intendant du club file chercher un autre jeu de maillots, blancs, dans la ville. Boca se présente ainsi avec cette tunique blanche. Au bout des cent-vingt minutes, rien de s’est passé, tout se joue aux tirs au but. Pour une nouvelle histoire racontée par Roberto Mouzo : « J’étais à côté de l’arbitre assistant du match d’appui qui m’a raconté que les supporters de Cruzeiro étaient venus les menacer dans les vestiaires. Ils vont le payer, m’a-t-il dit. Lors de la séance de tirs au but, j’étais le premier à m’élancer. Le gardien s’est avancé, j’ai changé de côté et mon tir s’est écrasé sur le poteau. C’est alors que l’arbitre assistant a levé son drapeau et indiqué que la tentative était à retirer. Je l’ai regardé, il m’a fait un geste de la tête ». Cruzeiro le paye donc. Personne ne rate jusqu’à Vanderlei qui voit sa tentative repoussée par Gatti. Boca décroche sa première étoile.
1978, sans trembler
Le titre de 1977 offre à Boca un privilège partagé par les vainqueurs de l’époque : une qualification directe pour les demi-finales de l’édition suivante. Boca entre donc avec un groupe quelque peu modifié par les départs de joueurs comme Tarantini et se retrouve à devoir croiser le fer avec l’Atlético Mineiro et le rival de toujours, River Plate. Un rival qui arrache le nul à La Bombonera d’entrée de demi-finales et contraint Boca à ne pas se manquer face au Galo. Chose faite, l’Atlético Mineiro est vaincu chez lui et en Argentine, la place en finale se joue lors d’un Superclásico. Boca n’a besoin que d’un nul, il ajoute le panache. Mastrángelo et Salinas marquent, Boca file en finale après un succès au Monumental. La finale oppose les Xeneize au Deportivo Cali, premier club colombien à se hisser en finale. À sa tête, un Argentin futur champion du monde nommé Carlos Bilardo. Cette finale est une revanche des deux affrontements en demi-finale de la saison passée que personne n’avait remporté. Il n’y a donc finalement pas de vainqueur à l’aller, Boca évoluant sans Gatti blessé. Tout se joue au retour à La Bombonera où la rencontre tourne à la démonstration des locaux. Boca s’impose sans trembler 4-0, Gatti, de retour dans les buts peut reprendre la phrase du président Alberto J.Armando : « Esta es la alegría de la mitad más uno, la alegría del pueblo » (c’est la joie de la moitié plus, la joie du peuple).
L’année suivante, Boca retrouve la finale mais s’incline face à l’Olimpia de Luis Cubilla. Le cycle doré de Juan Carlos Lorenzo touche à son terme, le club azul y oro traverse alors une longue période de disette, devant attendre l’arrivée d’un nouveau millénaire.
2000, l’origine d’une nouvelle ère
Vainqueur de l’Apertura 1998 et du Clausura 1999, Boca retrouve la Copa Libertadores après six années d’absence et deux décennies à peine illuminées par une demi-finale totalement épique perdue face à Colo-Colo en 1991. L’édition 2000 marque un tournant, l’épreuve passe de vingt-et-une à trente-deux équipes. Huit groupes sont ainsi formés, le champion sortant intègre cette phase et non la phase à élimination directe comme auparavant. À sa tête, Carlos Bianchi. El Virrey n’était pas le choix numéro 1 du président Mauricio Macri et avait passé les premiers mois à reconstruire un vestiaire. Exit les Caniggia, Fabbri, Latorre, Bianchi fait venir Hugo Ibarra, Walter Samuel et compose son onze type qu’il anime en 4-3-3, laissant un trident offensif composé de Juan Román Riquelme, Guillermo Barros Schelotto et Martín Palermo. Bianchi annonce à son onze-type qu’il ne bougera pas de tout le tournoi et que sa continuité ne dépendra que de ses performances. Boca signe une série de quarante matchs sans défaite (trente-cinq sous Bianchi) mais débute la Libertadores par un dérapage, une défaire en Bolivie face à Blooming. Qu’importe, la suite est une longue série de succès, Bianchi laissant même au repos son meneur Riquelme pour ne le sortir qu’en phase à élimination directe. D’autant que dès les quarts, c’est un nouveau Superclásico qui se présente. Si Román égalise un temps au Monumental, River s’impose et vire donc en tête à la mi-temps du duel. Le retour entre dans la légende. D’abord par son score, 3-0, ensuite par ses actions mythiques : le petit pont de Riquelme sur Yepes et l’incroyable retour du Titán Palermo de retour de croisés rompus et auteur du troisième but dans un match marqué également par l’importance grandissante d’un gamin de dix-neuf ans nommé Sebastián Battaglia. Boca file en demi-finales, il sort non sans mal l’América de Cuauhtémoc Blanco et José Calderón, Walter Samuel réduisant l’écart en fin de partie. Boca est donc de retour en finale. Comme en 1977 l’adversaire est Brésilien, comme en 1977, il est le tenant du titre. Sur la route de Boca se dresse le Palmeiras de Luiz Felipe Scolari emmené par Roque Júnior, Júnior, César Sampaio et autre Alex. Le 14 juin à la Bombonera, Boca mène deux fois au score. Mais le Verdão revient à deux reprises. 2-2, le retour au Morumbi s’annonce terrible, Palmeiras est favori. Mais Bianchi sait motiver ses troupes. Les dix-huit joueurs présents au Morumbi voient une photocopie d’un article de La Nación dont le titre est une déclaration de Scolari : « Nous nous sentons champions ». Boca fait mieux que résister et décroche le nul. Comme en 1977, la finale se conclut sur un 0-0 et se joue aux tirs au but. Comme en 1977, le héros est dans les buts. Óscar Córdoba s’avance sur sa ligne et sort les tentatives de Faustino Asprilla et de Roque Júnior. Palermo et Bermúdez ne tremblent pas, Boca décroche sa troisième étoile.
2001, la confirmation
La campagne de défense de titre voit un Boca bien différent. Si les Palermo, Arruabarrena, Cagna et Samuel sont partis, Boca est un ogre, celui qui a terrassé le Real Madrid en Intercontinentale. Il continue de faire trembler son rival préféré, Riquelme signant le célèbre Topo Gigio lors d’un 3-0 face à River lors du Clausura. Boca survole la phase de groupes avec cinq victoires en six matchs face à Cobreloa, au Deportivo Cali et à Oriente Petrolero. En huitièmes de finale, Junior subit la loi xeneize. Puis Boca passe en mode chasseur de champions : Vasco, vainqueur 1998, est balayé en quarts, Palmeiras, champion 1999 et victime 2000, tombe de nouveau en demi-finale aux tirs au but après un duel marqué par un Riquelme au sommet de son art – pense-t-on à l’époque. La demi-finale voit un Mexicain s’opposer à Boca : le Cruz Azul de Paco Palencia. Marcelo Delgado est l’unique buteur du match aller à l’Azteca, mais Paco Palencia arrache la séance de tirs au but à la Bombonera. Au milieu des pétards lancés des tribunes, Óscar Córdoba sort la tentative de Pablo Galdames, José Alberto Hernández et Julio César Pinheiro manquent le cadre. « Un grand entraîneur et ses doigts de dieu pour la gloire xeneize » titre El Gráfico, Boca décroche sa quatrième Libertadores, la troisième aux tirs au but.
2003, un pibe nommé Tevez
Après le bicampeonato, Carlos Bianchi quitte Boca au lendemain d’une défaite en Intercontinentale face au Bayern. Sans lui, Boca sort en quarts de l’édition 2002, perd les deux tournois locaux et son maître à jouer Juan Román Riquelme, parti rejoindre des blaugranas catalans. Ayant pris une année sabbatique, Carlos Bianchi accepte finalement de revenir pour l’année 2003. L’équipe à disposition du Virrey comprend quelques joueurs qu’il avait connus auparavant, comme Diego Cagna, de retour, Hugo Ibarra, qu’il avait a fait venir à Boca quelques années plus tôt, Roberto Abbondanzieri dans les buts, doublure d’Óscar Córdoba et Sebastián Battaglia. Boca se retrouve dans le Groupe 7 aux côtés d’Independiente Medellín, Colo-Colo et Barcelona. La campagne débute par trois victoires mais cale quelque peu, Boca ne remportant aucun des trois derniers matchs et se voyant terminer à la deuxième place du groupe, derrière les Colombiens. Il faut alors un facteur X pour changer le cours de l’histoire. Non inscrit en phase de groupes, un gamin de dix-neuf ans, numéro 11 sur le dos, s’installe dans le onze : Carlos Tevez. L’Apache s’installe aux côtés du duo Barros Schelotto – Delgado. Ces deux derniers font tomber Paysandu en huitièmes, malgré une victoire brésilienne à La Bombonera, le quart face à Cobreloa est tranquillement géré, Tevez offrant le premier but et inscrivant le second. En demi-finale, l’América de Cali, qui venait de sortir River, tombe à deux reprises, 2-0 à La Bombonera, 4-0 chez lui, Tevez buteur à l’aller et auteur d’un doublé au retour n’en finissant plus de marquer la compétition de son empreinte. Boca retrouve la finale, comme un symbole, l’adversaire est à nouveau brésilien : quarante ans après la première, les Xeneizes retrouvent Santos. Il n’y aura pas de suspense dans cette finale. Le Santos d’Alex, Diego, Ricardo Oliveira et Robinho ne fait pas le poids. El Chelo Delgado s’offre un doublé à l’aller, le retour au Morumbi est intense, il se conclut par une nouvelle victoire marquée notamment par une action de légende, le double une-deux Battaglia – Tevez sur le premier but. Boca décroche alors sa cinquième étoile, Carlos Bianchi détrône Osvaldo Zubeldía et devient le premier entraîneur à décrocher quatre Libertadores. Quelques mois plus tard, il remporte de nouveau l’Intercontinentale face au Milan de Carlo Ancelotti, Dida, Maldini, Cafú, Seedorf, Kaká, Tomasson et Shevchenko.
2007, de la mano de Riquelme
L’ère Bianchi prend fin en 2004 après notamment une Libertadores perdue en finale (aux tirs au but). À l’aube de la saison 2007, Boca doit reconstruire après un Apertura perdu face à l’Estudiantes de Diego Simeone lors d’un match d’appui. Demi-finaliste de la Sudamericana avec Vélez, Miguel Ángel Russo s’installe sur le banc de Boca avec une idée de jeu résolument offensive. Boca peut s’appuyer sur quelques anciens, comme Hugo Ibarra, Pablo Ledesma, Cata Díaz, Martín Palermo ou Clemente Rodríguez, revenu de Russie, lance un gamin nommé Éver Banega, qui prend le rôle laissé vacant par Fernando Gago. Mais le coup de génie intervient en février lorsque Mauricio Macri parvient à faire revenir à la maison Juan Román Riquelme. Quelques semaines plus tard, un jeune uruguayen qui venait de briller au Sudamericano U20 est proposé à Boca, mais Edinson Cavani file en Europe. Qu’importe. Prêté par Villarreal, Riquelme fait de la Libertadores son œuvre d’art. La phase de groupes voit Boca proposer du jeu mais peiner dans les résultats, au point que les Xeneizes doivent leur qualification à un 7-0 final face à Bolívar qui leur permet de passer devant leur bourreau de la Recopa Sudamericana 2004, Cienciano. La suite n’est qu’histoire épique sur histoire épique mais surtout, montée en puissance de Riquelme. En huitièmes de finale aller, Boca atomise le Vélez de son entraîneur de l’année précédente, Ricardo La Volpe à la Bombonera, Riquelme ouvre le score et offre le troisième à Clemente Rodríguez. Au retour, Riquelme égalise d’un olímpico avant que Vélez entretienne l’espoir d’un retour fou. En quarts, face à Libertad, si el Díez voit son penalty repoussé par Jorge Bava, Boca arrache le nul chez lui avant de s’imposer au Paraguay d’abord sur une folle percée de Román, ensuite sur un but de Rodrigo Palacio. En demi-finale, Boca tombe sur la sensation de l’épreuve, Cúcuta Deportivo et s’incline 3-1 en Colombie. Le retour est fou, dans une Bombonera surchauffée et totalement engloutie par un brouillard qui repousse le coup d’envoi de cinquante-cinq minutes. Sous les yeux de Diego et Tevez, Riquelme lance la fête d’un golazo en fin de premier acte, but qu’il considère comme son plus beau. Palermo double la mise d’entrée de second acte, faisant passer Boca en tête. Riquelme dépose un dernier corner sur la tête de Battaglia, Boca file en finale. Román peut alors écrire ce dernier chapitre à l’encre de son génie. Face à lui, le Grêmio de Mano Meneses dans lequel évolue un ancien de la maison, Rolando Schiavi et un gamin de vingt ans nommé Lucas Leiva. El Ultimo Díez dépose un coup franc sur un Palermo hors-jeu dont la reprise revient sur Rodrigo Palacio pour le 1-0. Il peut ensuite doubler la mise sur un coup franc lointain avant d’être au départ d’une action qui aboutit au 3-0, action qu’il initie donc en humiliant trois adversaires. La touche finale du chef d’œuvre est apportée le 20 juin à Porto Alegre. Juan Román Riquelme ouvre le score en milieu de second acte d’une incroyable frappe en pivot avant d’initier et conclure le 2-0 à dix minutes du terme. Boca a écrasé la finale de la main d’un 10 venu d’ailleurs. Les Xeneizes décrochent leur sixième étoile, la dernière à ce jour.
Photo une : Amilcar Orfali/Getty Images