Début 1982, la Seleção de Telê Santana continue de se peaufiner et d’impressionner, arrivant pour la Coupe du Monde avec le statut de grand favori au titre final.
Episode 1 : Telê Santana prend en main la Seleção
Nommé sélectionneur du Brésil en 1980, Telê Santana ne tarde pas à combiner beau jeu et résultats, s’inspirant des Pays-Bas de 1974. « Mon rêve est d’unir la dynamique de la sélection néerlandaise à la créativité et la technique des Brésiliens », déclare Telê, qui remporte avec le Brésil vingt-et-un des vingt-sept matchs dirigés entre 1980 et 1981, pour seulement deux défaites. Sur les soixante-dix buts marqués de l’ère Telê, Zico est le meilleur buteur avec vingt réalisations, devant les neuf de Sócrates et les huit de Reinaldo. Dans son livre Telê e a Seleção de 82, da arte à tragédia, Marcelo Mora écrit : « L’année 1981 a été l’affirmation de la sélection brésilienne dirigée par Telê Santana, même sans remporter le seul tournoi disputé, le Mundialito en Uruguay. Avec de telles performances, l’équipe a fait revivre le “futebol-arte”, si apprécié par les fans de football, spécialement les Brésiliens. Avec ses victoires sur les terrains européens, la sélection obtenait, avec quelques mois d’avance, le statut de favori absolu pour le tournoi en Espagne ». Début 1982, les bookmakers donnent au Brésil une cote de 2,5 pour être champion, loin devant l’Allemagne à 4,5 et l’Argentine à 5.
Un avant-centre à définir
En 1982, la Coupe du Monde s’élargit avec désormais vingt-quatre qualifiés, répartis sur les six confédérations continentales pour la première fois de l’histoire du tournoi. Le tirage au sort offre au Brésil un groupe compliqué avec l’URSS, l’Écosse et la Nouvelle-Zélande, pas de quoi ébranler la confiance de Telê Santana, qui déclare à Folha de S. Paulo : « Notre travail pour la Coupe du Monde commence le 26 avril avec la convocation des joueurs et se terminera le 11 juillet. Ce jour-là, nous jouerons le match final de la Coupe du Monde, contre l’adversaire qui se présentera en face de nous ». Pour le premier match de l’année 1982, face à l’Allemagne de l’Est à Fortaleza, Telê Santana se passe de l’avant-centre Reinaldo, devenu l’un des symboles de l’opposition à la dictature, célébrant ses buts à la manière des Black Panthers. Dès novembre 1981, le plutôt conservateur Telê déclare à Placar : « La seule chose que Reinaldo sait faire, c’est jouer au football. Mais ils lui ont mis dans la tête que c’était un intellectuel, qu’il devait aider les Indiens, Lula, Frei Betto, donc au lieu de s’entraîner, il va à Brasília pour donner sans arrêt des interviews. Il n’a aucun problème de blessure et peut parfaitement être le meilleur à son poste au Brésil, il suffit juste qu’il le veuille et qu’il s’entraîne. Mais s’il continue comme ça, je ne sais pas… ».
En l’absence de Reinaldo, Telê titularise Roberto Dinamite face à la RDA. Le buteur de Vasco ne brille pas lors du match et est remplacé par Serginho, qui marque le but du 3-1, score final. L’incertitude au poste d’avant-centre agace Roberto Dinamite, qui déclare à Placar : « Il faut que l’entraîneur définisse l’avant-centre titulaire. Seulement comme cela il pourra avoir la tranquillité pour jouer. Cette concurrence nuit à tout le monde ». Le journaliste João Saldanha, qui avait dirigé la Seleção en 1969 et avait connu un dilemme similaire pour trouver le partenaire de Pelé, synthétise : « Il reste seulement à intégrer l’attaquant au centre. Il n’y a pas de manque de joueurs. Pour une philosophie, les joueurs de toucher et de technique, nous avons Reinaldo, Careca et Jorge Mendonça. Pour les autres, les attaquants bagarreurs, nous avons Roberto Dinamite, Serginho et Baltazar. Je penche franchement pour la première philosophie et j’ai provoqué une grande agitation quand j’ai titularisé ensemble Pelé et Tostão ».
Le Brésil affronte ensuite la Tchécoslovaquie au Morumbi de São Paulo, souvent hostile à la Seleção. Le match est en hommage au champion du monde Jairzinho, titularisé pour sa centième sélection avec le Brésil et qui évolue aux côtés de Mário Sérgio et Roberto Dinamite, une nouvelle fois titularisé par Telê. Zico, qui fête ce jour-là ses vingt-neuf ans, ouvre le score, mais le Brésil déçoit. Dans le livre Sarriá 82, o que faltou ao futebol-arte ?, Gustavo Roman et Renato Zanata écrivent : « En plus d’avoir été une nuit peu inspirée pour les cracks comme Sócrates, Júnior e Zico, le mauvais match de Roberto Dinamite a été très remarqué. Comme l’attaquant de Vasco ne réussissait aucune action, il est devenu la principale cible du public pauliste. Au milieu de la seconde période, insatisfaits de la prestation générale du Brésil, les supporters ont commencé à soutenir la Tchécoslovaquie et à siffler la sélection dès que l’équipe de Telê avait le ballon. Pire encore, dans le temps additionnel, Berger a tiré en dehors de la surface, le ballon est passé sous la barre de Valdir Peres et est entré. Score final : 1-1 ». Roberto Dinamite n’est plus jamais titularisé par Telê Santana.
Pour le dernier match avant l’annonce des premiers convoqués par Telê Santana, le Brésil reçoit l’Allemagne de l’Ouest devant plus de 150 000 personnes au Maracanã. Telê titularise le milieu à trois de Flamengo, Adílio, Zico et Vítor, habituellement remplaçant d’Andrade à Flamengo ! « Personnellement, entre Adílio, Vítor et Batista, je préfère Andrade », écrit João Saldanha. Avec un jeu propre et technique, Andrade semble pouvoir parfaitement s’incorporer dans la philosophie de Telê Santana, mais il n’a jamais vraiment sa chance en Seleção. Adílio brille pour sa part face à l’Allemagne, réalisant une somptueuse passe décisive pour Júnior, qui marque le seul but du match d’une frappe aérienne. Dans le livre Sarriá 82, o que faltou ao futebol-arte ?, Adílio explique : « Je pouvais jouer des deux côtés du terrain, sans aucun problème, je le faisais déjà à Flamengo à l’époque de Cláudio Coutinho. Telê me demandait aussi d’utiliser les côtés. L’entraîneur de l’URSS était à Gávea la semaine suivant le match contre l’Allemagne et il m’avait complimenté. Il avait même dit qu’il allait monter un schéma spécial pour défendre sur moi, car il avait été impressionné par mes mouvements sur le terrain ».
Des étrangers et des absents
Face à l’Allemagne, Telê offre une première sélection à l’avant-centre de Guarani, Careca. L’attaquant de vingt-et-un ans se met en évidence grâce à son aisance technique et son sens collectif, combinant parfaitement avec ses partenaires d’attaque. « Nous avons trouvé le type qu’il nous faut », glisse Telê Santana à ses assistants alors que Marcelo Resende écrit pour Placar : « La prestation de Careca semble avoir résolu l’énigme du numéro neuf ». Présent au Maracanã, César Luis Menotti observe que le Brésil a trouvé « un autre Reinaldo, mais plus jeune ». Telê Santana annonce ses treize premiers convoqués, laissant de côté les joueurs qui disputent la phase finale du Brasileirão. « Le critère a été celui de la justice. Je peux me tromper, mais j’ai cherché à convoquer ceux que je considère comme les meilleurs », explique Telê, qui doit être interné à l’hôpital deux jours plus tard en raison d’une pneumonie. Son adjoint Vavá annonce les convoqués restants, évidemment Zico, Sócrates et Careca, mais aussi Falcão, finalement libéré par son club italien de la Roma, et qui rejoint l’ailier de l’Atlético de Madrid, Dirceu, parmi les « étrangers » du groupe, une première depuis 1934 pour le Brésil en Coupe du Monde !
La présence de Falcão et Dirceu est fatale aux deux milieux de Flamengo, Andrade et Adílio. « Adílio aurait pu être dans le groupe, il était incroyable. Avec le ballon, il avait des choses que l’on dit aujourd’hui pour Messi. […] Adílio était très rapide pour emmener l’équipe de la défense à l’attaque, cela m’aidait beaucoup, parce que je n’avais pas à revenir trop bas », explique Zico pour Globo alors que le journaliste André Rocha confirme : « Adílio aurait dû être dans le groupe pour son entente avec Zico dans les une-deux au centre et avec Júnior pour les dédoublements sur la gauche. Il aurait été plus utile que Dirceu par exemple, il aurait pu entrer en seconde période à la place de Toninho Cerezo, c’était un milieu qui créait du jeu avec ses dribbles courts et s’entendait très bien avec Zico. […] Il aurait pu jouer à la place d’Éder aussi, car il jouait très bien sur la gauche et se trouvait avec Júnior les yeux fermés ».
Les autres absences remarquées sont celles du caractériel gardien Emerson Leão et du polémique avant-centre Reinaldo, dont la qualité technique peut pourtant parfaitement se fondre dans le collectif et le jeu proposé par l’équipe de Telê. Quelques semaines après la Coupe du Monde, Reinaldo brille lors du Tournoi de Paris, marquant le but du 3-0 en demi-finale contre le Paris Saint-Germain après avoir dribblé deux joueurs, puis le seul but de la finale contre le Dinamo Zagreb. Pour le journaliste Mário Marra, « l’Europe a vu le Reinaldo que la sélection de 1982 n’a pas vu. La période après la Coupe du Monde a montré un Reinaldo plus fort physiquement et avec la technique de toujours. Reinaldo a toujours été un attaquant différent. Il avait les caractéristiques du buteur, mais utilisait cela avec une rare intelligence. Le Reinaldo que l’Europe a vu lors des tournois amicaux aurait pu être le Reinaldo des combinaisons avec Zico ou Sócrates ou de la complicité avec Éder ». Quelques mois après la Coupe du Monde, Reinaldo déclare : « Telê aurait dû me convoquer pour la Coupe du Monde, mais j’avais des positions politiques et c’est un réactionnaire ».
Les doutes se lèvent
Avant le match de préparation contre le Portugal, Telê confie ses trois incertitudes concernant l’équipe : le poste d’avant-centre entre Serginho et Careca, celui d’ailier gauche entre Éder et Dirceu et surtout le milieu de terrain à aligner en l’absence de Toninho Cerezo, suspendu pour le premier match de la Coupe du Monde, les deux candidats étant Falcão et Batista. Évoluant depuis deux ans en Italie et n’ayant plus joué avec la Seleção depuis avril 1980, Falcão s’attire la méfiance de ses propres coéquipiers. « Je ne crois pas que Falcão, après tout ce temps en dehors du Brésil, puisse s’intégrer dans l’équipe », juge Sócrates alors que Zico explique : « Je pense que Falcão va arriver quand l’équipe sera déjà formée depuis longtemps et il aura certainement des soucis d’adaptation, car il joue en Europe et il y a une différence. Il devra avoir l’appui du groupe ». Le Brésil bat le Portugal 3-1 avec notamment un but d’Éder, entré en jeu, et un très bon match de Batista, titulaire. « J’ai mis en avant le match de Batista, mais je n’ai pas exigé qu’il continue dans l’équipe. Je crois par contre que s’il n’est pas titulaire, il faut qu’il y ait toujours quelqu’un pour protéger la défense, comme il l’a fait lors du match », juge le défenseur central Oscar. « Falcão est évidemment un grand talent et il mérite toute la reconnaissance qu’il a, mais en jouant avec des latéraux offensifs, Batista est le joueur idéal au poste de milieu défensif, couvrant Júnior et Leandro et donnant de la tranquillité à Oscar et Luisinho », ajoute le Roi Pelé. Lors du match suivant, Falcão est titulaire, Zico ouvre le score, mais le Brésil concède le match nul face à la Suisse. Pour Telê, c’est « le pire match depuis ma prise de fonction » et le dilemme entre Batista et Falcão reste entier pour le sélectionneur : « Batista est un joueur de marquage, mais il n’a pas la même facilité pour attaquer. Falcão est un joueur qui peut attaquer, mais Cerezo est plus complet, il peut défendre et attaquer avec perfection, donnant plus de mobilité que Falcão à l’équipe ».
Falcão marque le premier but de l’histoire du stade Parque do Sabiá, inauguré pour le dernier match de préparation de la Seleção au Brésil, contre l’Irlande. En seconde période, Telê fait entrer Toninho Cerezo à la place de Paulo Isidoro et aligne pour la première fois son « carré d’or » avec Falcão, Sócrates et Zico, système déjà utilisé par le sélectionneur précédent, Cláudio Coutinho, en 1979. Le 4-3-3 se transforme en un 4-4-2 sans ailier droit, Telê Santana expliquant après le match : « Ceux qui exigent une équipe avec des ailiers fixes et spécialistes, portant les numéros 7 et 11, sont déjà morts et ne le savent pas. Le football moderne ne permet plus qu’un joueur reste sur un poste déterminé ». Le schéma est cependant critiqué, voire moqué, comme l’explique Telê dans le livre O jogo bruto das Copas do Mundo de Teixeira Heizer : « Jô Soares, que j’admirais beaucoup, a lancé un gimmick “Mets un ailier Telê”. Ça a été un enfer, partout où j’allais, il y avait toujours un petit malin pour lancer la phrase. J’ai assumé la responsabilité du schéma avec un milieu incroyable : Cerezo, Falcão, Sócrates et Zico, qui alternaient sur le côté droit. Je pense que ça a été un succès ».
Le Brésil bat l’Irlande 7-0 avec notamment des doublés de Sócrates et Serginho Chulapa. Pour Zero Hora, Ruy Carlos Ostermann écrit : « Si c’est le départ qui compte, le Brésil sera champion du monde. Sept buts est plus que ce que l’on pouvait espérer pour le dernier match à Uberlândia. L’Irlande est modeste oui, mais il y a eu d’autres équipes plus ou moins modestes et ce n’est pas pour cela qu’il y a eu un tel score. Pendant une bonne partie de la seconde période, j’ai été pris d’un inévitable narcissisme professionnel. […] Il y avait sur le terrain l’équipe que j’avais imaginée. Zico et Sócrates, parfois Falcão, alternaient sur l’aile droite (il faut plutôt dire sur le côté droit du terrain), Serginho était l’avant-centre et Éder l’ailier-gauche. Il y avait les quatre sacrés sur le terrain et l’équipe avait deux attaquants puissants et forts physiquement pour permettre l’équilibre général de l’équipe ».
Docteur Sócrates
La délégation quitte le Brésil le 30 mai et arrive à Cascais, près de Lisbonne, sûre de sa force. « Quand nous sommes partis du Brésil, nous étions sûrs que nous allions faire un beau tournoi. Pas forcément gagner, mais faire une grande campagne, oui », explique Falcão dans le livre As melhores seleções de todos os tempos de Milton Leite. Les matchs d’entraînement sont convaincants et l’avant-centre Serginho Chulapa s’impose comme un titulaire crédible dans l’esprit de Telê Santana. À l’image de 1970, l’équipe allie une qualité technique exceptionnelle et une préparation physique exigeante, le préparateur physique Gilberto Tim garantissant à Serginho qu’il pourra avoir sept relations sexuelles par nuit s’il suit la préparation. Afin de réaliser son rêve de remporter la Coupe du Monde, Sócrates réduit la bière qu’il aime tant et passe de deux paquets de cigarettes par jour à un demi-paquet, toujours trop pour le sélectionneur Telê Santana : « Telê me cassait les pieds à cause de la cigarette. C’était insupportable, mais je crois que c’était parce que c’était un ancien fumeur. Il n’y a rien de plus chiant qu’un ex-fumeur et Telê était un mec chiant de nature », explique le Docteur dans le livre Sócrates de Tom Cardoso.
Plus tôt, Telê explique : « Si Sócrates prenait autant soin de lui que Zico, qui ne fume pas, il serait le meilleur joueur du pays. Pour l’instant, sa jeunesse et sa classe compensent ses lacunes physiques. Mais le temps passe et, vu comme il fume, je ne suis pas sûr que cela durera jusqu’à la Coupe du Monde ». Alors qu’il est encore au Corinthians, Sócrates commence avec le préparateur physique du club Hélio Maffia un programme exigeant, élaboré en coopération avec Gilberto Tim. Dans le livre Sócrates, Júnior rappelle : « Il y le Sócrates qui a joué au Botafogo, Corinthians, Fiorentina et Flamengo, et le Sócrates qui a joué la Coupe du Monde 1982. Il est devenu, en trois mois de préparation, un autre joueur, un athlète. […] J’étais sur son dos à cause de la cigarette. Il disait : “Bordel Capacete, tu fumes aussi”. Mais je fumais deux cigarettes par jour et lui deux paquets ! J’ai été surpris quand il a tout arrêté pour arriver en forme à la Coupe du Monde. Il a beaucoup souffert pour les entraînements, il a vomi parfois. Cela a été un dévouement touchant et ça valait le coup, il est arrivé dans une forme exceptionnelle en Espagne ». Dans le livre Docteur Socrates d’Andrew Downie, Zico complète : « Il n’arrêtait pas de raconter combien il lui était difficile de rester en forme, mais ce n’était pas le cas lors de cette Coupe du monde. Dès que la préparation a commencé, il a tout arrêté ! Il a donné l’exemple à cette génération. Il a prouvé qu’il y avait un athlète en lui. Et c’est resté un souvenir indélébile pour tous ceux qui étaient là-bas avec lui ».
Grâce à cet engagement et sa relation particulière avec Telê Santana, Sócrates est confirmé comme capitaine par le sélectionneur, qui avait plusieurs candidats : « Chaque leader est important quand il est un bon exemple pour le groupe : un exemple de discipline, d’engagement, de sacrifice en plus de l’ascendant naturel sur les coéquipiers. Oscar, Zico et Sócrates par exemple. Les trois ont l’expérience et les autres qualités nécessaires. N’importe lequel d’eux peut assumer ce rôle, car ils sont bien acceptés par les partenaires. Cela est important car il y a des joueurs qui n’acceptent pas d’être menés dans leur équipe. Ici, heureusement, nous avons un groupe uni et un respect mutuel, qui nous favorisent ». Sócrates se considère pour sa part comme « un leader anarchiste, dans le bon sens du terme évidemment » alors que pour Falcão : « C’était une équipe de leaders, mais personne ne s’est plaint quand Telê a donné le brassard à Sócrates, pas même moi, qui avait été capitaine jusqu’à son arrivée. J’ai rarement vu quelqu’un exercer un leadership sur le terrain d’une façon si tranquille et naturelle. Il a été plus qu’un capitaine ».
Le Brésil favori
Le Brésil arrive ensuite à Séville alors qu’un sondage de Gallup dans dix-sept pays le place comme favori du tournoi pour 51 % des sondés. La samba « Povo Feliz » composée par Memeco et Nonô, et chantée par le latéral Júnior devient l’hymne de la sélection, avec un refrain immortel : « Voa, canarinho voa ». Dans le livre Deuses da Bola, João Carlos Assumpção et Eugenio Goussinsky écrivent : « L’euphorie était telle que le gouvernement brésilien a déclaré les jours fériés une heure avant les matchs du Brésil. La Seleção rendait à nouveau le peuple heureux. La fluidité de jeu de l’équipe canarinha illuminait intérieurement chaque Brésilien. On sentait dans l’air un retour à la démocratie après dix-huit ans de dictature militaire ». Seule ombre au tableau, le forfait sur blessure musculaire du prodigieux avant-centre Careca. Telê Santana appelle en renfort Roberto Dinamite et titularise définitivement le controversé Serginho Chulapa, connu pour ses buts, mais aussi pour son allure fruste et ses coups de sang. Dans le livre O artilheiro indomável de Wladimir Miranda, Careca rend hommage à son remplaçant : « Serginho était un joueur qui savait marquer des buts comme peu dans le football brésilien. Il utilisait très bien son corps, un joueur de près de deux mètres, qui était très efficace dans la surface. Quand je suis arrivé à São Paulo en 1983, il venait d’être vendu à Santos. Malheureusement, je n’ai pas joué avec lui à São Paulo, je pense qu’on aurait formé un bon duo ».
Sans programmer de match de préparation, Telê arrive en Europe avec un bilan plus que flatteur depuis sa prise de fonction : trente-trois matchs, vingt-cinq victoires, quatre-vingt-six buts marqués, vingt encaissés. À une seule reprise, le Brésil a terminé un match sans marquer de but. « Quand la Seleção est arrivée en Espagne, tous jouaient dans un style très proche de celui de Sócrates, du mien et de celui de Telê, avec des passes rapides, en une touche, toujours vers l’avant. Même Zico, qui aimait dribbler et porter le ballon avec Flamengo, s’est adapté », explique Falcão dans le livre Sócrates de Tom Cardoso alors que pour Telê Santana : « Notre jeu ressemble à celui des Pays-Bas de 1974, sauf que nos joueurs sont plus doués et que nous ratons beaucoup moins d’occasions ». Pour le livre O jogo bruto das Copas do Mundo de Teixeira Heizer, Zico estime : « C’est la meilleure équipe pour laquelle j’ai joué et que j’ai vue. Telê aimait le ballon, il orientait avec précision tous les joueurs sur le terrain. On avait tout dessiné dans la tête et on lui faisait confiance ». La Seleção de Telê est prête pour la Coupe du Monde.