Dans l’ombre des deux géants, il est toujours difficile de trouver sa place. Troisième club le plus titré de l’histoire, le Defensor Sporting a pour cela fait un choix : celui de former la future génération uruguayenne.

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Le troisième club du pays

Vingt-et-un titre nationaux, deux quarts de finale de la Libertadores, une demi-finale, dans l’ombre des deux géants Peñarol et Nacional, le Defensor Sporting est le troisième club du pays. Fondé le 15 mars 1913, le Defensor Football Club tiendrait son nom d’une équipe formée par des ouvriers de l’usine de verre du quartier de Punta Carretas (Defensores de la Huelga). Voulant évoluer en vert et noir, le club se voit contraint de choisir une autre couleur de maillot (un club la possédant déjà) et choisi une tenue noire à bande celeste et verte avant d’adopter la désormais célèbre tenue violette qui lui donne son surnom car c’était alors le seul maillot que les dirigeants trouvèrent à la maison des sports, couleurs portée à l’époque par aucun autre club de la ligue. D’abord Club Atlético Defensor, le club devient Defensor Sporting en 1989 lorsqu’il fusionne avec le grand club de basket du quartier, le Sporting Club Uruguay (le doyen et le plus titré du pays) qui, par respect pour sa tradition ne changera pas de couleurs (il évolue en bleu et blanc). Le logo du nouveau club reprend majoritairement celui de l’Atlético Defensor, le phare de Punta Brava sur lequel s’ajoutent deux anneaux bleus et rouges issus du Sporting Club Uruguay.

Le Defensor champion en 1976

Parmi ses quatre titres de champion, le premier du club entre dans l’histoire du football uruguayen. Car lorsque le Defensor décroche le titre national de 1976, il devient la première équipe à mettre fin à 44 ans de domination sans partage du Nacional et du Peñarol. Couronnés champion après sa victoire face à Rentistas, les joueurs vont alors effectuer un tour d’honneur dans le sens inverse du sens traditionnel pour marquer cette première. Il en sera ensuite de même à chaque triomphe du club.

N’ayant connu que deux saisons à l’étage inférieur, le Defensor Sporting apparaît donc en troisième position sur l’échiquier national mais va trouver un autre moyen de dépasser les deux géants en se construisant, au fil des succès, une solide réputation de formateur. Car de Sebastián Abreu à Diego Rolán en passant par Martín Cáceres, le Defensor Sporting est devenu en quelques années la meilleure école du pays.

La technique, le physique et la tête

La clé de la réussite du Defensor est fournie par Juan Autchain, coordinateur principal de l’école de foot. « Au Defensor, les dirigeants ne font pas pression sur les résultats de jeunes. L’objectif est de former de bons joueurs mais aussi et surtout de bonnes personnes. » Le Defensor est le premier à envisager une formation globale reposant sur trois axes : la technique du footballeur, le physique et surtout l’éducation. Tabaré Silva, ancien joueur et coach de la Violeta ajoute « le Defensor n’entend pas former uniquement des sportifs mais surtout cherche à transmettre des valeurs qui sont bien supérieures : éducation et respect. » Le club possède son propre centre, ses propres structures pour accueillir des enfants venus de l’intérieur du pays et qui n’ont pas de famille pour les héberger à Montevideo et impose des critères stricts auprès de ses jeunes dans lesquels l’éducation tient un rôle important, étudiant même la mentalité du jeune repéré avant de décider de l’inclure dans son centre de formation. Pour entrer au Defensor, il ne suffit pas d’être un bon joueur de foot, il faut avant tout coller aux valeurs du club.

Outre la formation, la force de la Violeta est aussi sa stabilité. A tous les niveaux, les anciens de la maison sont aux commandes. Arrivé à la place de Tabaré Silva, Fernando Curutchet a pris les rênes de la première après des années passées auprès des jeunes (ses u20, emmenés par le duo Diego Laxalt - Giorgian de Arrascaeta, s’inclinent en finale de la Libertadores 2012 face au River des Balanta, Kranevitter et autres Cazares). L’ensemble des formations du club sont donc toutes connectées, la progression des joueurs finement régulée. La mécanique est parfaitement huilée : la formation n’a qu’un objectif : guider à l’émergence de jeunes qui pourront être incorporés à l’équipe première entre 18 et 20 et ainsi acquérir une valeur marchande suffisante pour assurer la pérennité du club. Conséquence, le Defensor est le club de l’élite qui incorpore le plus de joueurs formés au club dans son groupe professionnel (sur les 29 pros qui composent le groupe actuel, 21 sortent ou sont passés par le centre de formation).

Domination chez les jeunes, futur de la sélection

Diego Rolán et Giorgian de Arrascaeta, les deux dernières pépites de la Violeta fournies à la sélection

Les résultats plaident pour la Violeta. Lors de la saison 2013/2014, le club termine devant Peñarol et Nacional à la table cumulée des résultats des u14, u15, u16, u17 et u19) remportant notamment les Apertura et Clausura en u19. Au palmarès des divisions inférieures, les u19 et les u17 sont champions d’Uruguay 2011, 2012, 2013. La meilleure école du pays domine les géants qui ont pris le train de la modernisation de sa formation bien après. L’équipe première composée quasi-exclusivement de joueurs formés au club atteint la demi-finale de la Libertadores 2014, sorti d’un but par le Nacional paraguayen. Mieux encore, le club est le principal fournisseur des sélections de jeunes : 5 joueurs lors de la Coupe du Monde u20 de 2011, 4 lors de la dernière édition qui a vu l’Uruguay s’incliner en finale (auxquels on peut ajouter Laxalt et Rolán qui avaient quitté le club 6 mois auparavant). Aujourd’hui, alors que sept joueurs du Defensor sont en sélection des moins de 20 ans, la Celeste opère la transition entre la génération Forlan et la nouvelle génération. C’est ainsi tout naturellement que parmi les premiers nouveaux venus on trouve deux joueurs formés au Defensor : Giorgian de Arrascaeta, étincelant en Libertadores et toujours présent au club, et Diego Rolán, que la Ligue 1 française est en train de découvrir sous son vrai jour. Après les Sebastián Abreu, Maxi Perreira et autres Martín Cáceres, ils sont désormais les nouveaux représentants de la meilleure école de football du pays.

 
Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.