En 1956, Pelé signe à Santos grâce aux contacts de son ancien entraîneur, Waldemar de Brito. Si ce dernier n'a jamais effectué une grande carrière d'entraîneur, il a en revanche été un formidable joueur de football avant de lancer la carrière du Roi Pelé.

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Une brillante carrière de footballeur

Waldemar de Brito naît en 1913, à une époque où le football est encore réservé aux riches. Les Noirs sont exclus des grands clubs. Son frère Petronilho, de neuf ans son aîné, et à qui on attribue la paternité de la bicyclette, bien avant Leônidas, joue au Sírio, un petit club de São Paulo. En 1926, il devient l'un des premiers joueurs noirs à représenter l'État de São Paulo lors du championnat national des sélections d'États, compétition qu'il remporte et dont il termine meilleur buteur avec treize réalisations. Un an plus tard, Waldemar de Brito débute sa carrière, lui aussi au Sírio. En 1933, le football brésilien bascule dans l'ère du professionnalisme, une chance pour les nombreux pauvres qui peuvent désormais vivre du football. São Paulo recrute Waldemar de Brito pour former un duo redoutable avec Arthur Friedenreich, en fin de carrière. Adroit des deux pieds et de la tête, Waldemar de Brito fait rapidement pleuvoir les buts sur les terrains paulistes. Il termine meilleur buteur du championnat Paulista avec 21 buts et participe au premier Torneio Rio-SP de l'histoire, un tournoi regroupant les équipes de São Paulo et de Rio de Janeiro. Lors d'une victoire 5-1 contre Vasco, Waldemar de Brito marque les cinq buts de son équipe. Il termine une nouvelle fois meilleur buteur du championnat avec 33 buts en 22 matchs. Cependant, comme lors du championnat Paulista, il doit laisser le titre au Palestra Italia, ancêtre du Palmeiras. Un an plus tard, la deuxième Coupe du monde de l'histoire est organisée.

La confédération brésilienne, la CBD, qui se prononce contre le professionnalisme, sélectionne de nombreux joueurs du Botafogo, seul club opposé au monde professionnel. La CBD convainc Waldemar de Brito de participer à l'événement. Ironie de l'histoire, la CBD paye Waldemar de Brito et Leônidas afin qu'ils acceptent de disputer la Coupe du monde. Quelques mois plus tard, les deux joueurs, sous contrat avec la CBD, rejoindront le club du Botafogo. En Italie, le Brésil dispute un seul match, contre l'Espagne de Ricardo Zamora. Le Brésil se retrouve rapidement mené 3-0. Waldemar rate un penalty qu'il avait lui-même provoqué et malgré un but de Leônidas, le Brésil est éliminé après un seul petit match. La Seleção poursuit une tournée en Europe pour rembourser les frais de voyage et Waldemar Brito ne sera plus sélectionné après 1934 et son transfert en Argentine. Selon RSSSF, son bilan s'arrête à 20 buts en 18 matchs pour la Seleção, dont un triplé contre le Sporting Portugal. Waldemar de Brito rejoint en effet le club de San Lorenzo, où les salaires sont plus importants. Il retrouve ainsi son frère Petronilho, en fin de carrière et qui en six ans du côté de San Lorenzo a acquis les surnoms de « fenômeno » et « maestro ». En 1937, Waldemar de Brito accepte une offre du Flamengo, qui recrute pour la première fois de son histoire les meilleurs joueurs noirs du Brésil, comme Leônidas, Domingos et Fausto. Il remporte le championnat Carioca 1939, le premier pour le club depuis 1927, avant de retourner à San Lorenzo. Il effectue un nouveau retour, cette fois-ci à São Paulo, entre 1941 et 1943. Auteur de 21 buts dans le championnat Paulista 1942, il retrouve son ancien coéquipier Leônidas mais ne parvient pas à remporter le titre. En fin de carrière, il enchaîne plusieurs clubs, comme Fluminense, Portuguesa et Palmeiras, avant de signer en 1946 dans le petit club du Bauru Athletic Club, où joue un certain Dondinho.

Plus éducateur qu'entraîneur

Pelé, de son vrai nom Edson Arantes do Nascimento, arrive à Bauru à l'âge de trois ans. Originaire du Minas Gerais, son père, Dondinho, est un bon joueur de football et fait même un essai à l'Atlético-MG avant d'être blessé au genou par Augusto, titulaire lors du match contre l'Uruguay à la Coupe du monde 1950. À Bauru, Dondinho se voit offrir un emploi municipal en plus d'une place de titulaire au sein du Bauru Athletic Club (BAC). La famille déménage pour Bauru, l'emploi ne vient pas tout de suite et l'argent manque à la maison. Après ces années difficiles, Dondinho trouve enfin un emploi stable et fait toujours le bonheur du club de football. En 1954, le BAC crée une équipe de jeunes, le Baquinho, et s'offre un prestigieux entraîneur en la personne de Waldemar de Brito. Pour Pelé, qui jouait avec ses amis d'enfance dans le club du 7 de Setembro qu'ils avaient eux-mêmes créé, c'est une chance inespérée, comme il le dira plus tard dans son autobiographie « Ma vie », publiée en 2006. « Je crois que Dieu m'avait à l'œil quand il fit entrer Waldemar de Brito dans ma vie, à ce moment décisif. Un joueur d'un tel calibre venu entraîner des gamins au milieu de nulle part ? Incroyable. Et pourtant, il était là, enthousiaste et attaché à son travail. Il voulait simplement transmettre son art aux jeunes. »

 

Encore connu à l'époque sous le nom de Dico, Pelé a seulement 14 ans, joue avec des garçons plus âgés et est même payé après les matchs. Waldemar de Brito remarque très vite Pelé et le prend sous son aile, lui offrant de nombreux conseils jusqu'à son départ en 1955. Waldemar de Brito envoie un message à son frère Petronilho: « J'ai trouvé un joueur plus fort que nous deux réunis. » Sous sa direction, le Baquinho remporte le Championnat Junior du Brésil en marquant 148 buts en 33 matchs. Lors d'un match contre Flamenguinho, le Baquinho s'impose 12-1 avec sept buts de Pelé. Le fils de Dondinho découvre également le foot en salle où il est remarqué par Tim, ancien légende du Fluminense, qui souhaite l'emmener à Bangu, un club célèbre de Rio de Janeiro. La mère de Pelé, Dona Celeste, refuse de laisser partir son fils à Rio de Janeiro. Pelé se remettra vite de cette frustration car Waldemar de Brito ne l'a jamais oublié et a prévenu le président de Santos qu'il avait avec lui un joueur qui « sera le plus grand du monde ». Waldemar se rend au domicile de Pelé pour convaincre sa mère de le laisser partir à Santos, une ville légèrement plus grande que Bauru et beaucoup plus calme que Rio de Janeiro. 

Le jour du départ, Waldemar de Brito retrouve Dondinho et Dico à São Paulo avant de prendre la direction de Santos. Au cours du voyage, Waldemar de Brito abreuve de conseils un Pelé forcément impressionné à l'idée de rejoindre le vainqueur du championnat Paulista 1955. Waldemar lui conseille de ne pas se laisser intimider par les stars de Santos et de ne pas écouter la presse. Pour Pelé, « les mots de Waldemar de Brito me firent comprendre qu'il avait une confiance absolue en moi et qu'il n'aurait pas risqué sa réputation dans le cas contraire. Cette conversation me mit du baume au cœur. Je n'ai pas oublié sa dernière recommandation: “Pas de tabac, pas d'alcool, pas de femmes et pas de mauvaises fréquentations.” De toute évidence, il prenait son serment à Dona Celeste très au sérieux. » Pelé découvre les joueurs comme Jair, Zito et Pepe, et l'entraîneur mythique Lula, avant le départ de Dondinho et Waldemar de Brito, qui lui souffle un dernier mot à l'oreille: « Bientôt, tu t'apercevras vraiment de la force de ce groupe. »

Pelé s'entraîne parfois avec l'équipe première mais à 15 ans seulement, il joue encore avec les équipes de jeunes. Quelques semaines plus tard, Santos lui propose un contrat, sans toutefois lui assurer une place dans l'équipe première. Pelé retourne à Bauru et doit faire face aux inquiétudes de Dona Celeste, sa mère, pas encore prête à voir son petit quitter définitivement la maison. « Une fois de plus, Waldemar de Brito vint à la rescousse pour régler le problème, qui était en passe de virer au mélodrame. Il discuta avec mes parents, leur parla de ma vie à Santos et du futur qui m'y attendait, leur assura que tout se passerait bien. Finalement, il parvint à convaincre tout le monde – moi y compris, car j'envisageais sérieusement de ne pas retourner à Vila Belmiro. » Pelé signe finalement le contrat, retourne à Santos, s'entraîne avec les professionnels et joue avec les jeunes où il marque de nombreux buts avant de disputer son premier match officiel avec l'équipe première le 7 septembre 1956. 7 septembre, comme le nom de sa première équipe. Santos s'impose 7-1 et Pelé marque un but. L'aventure à Santos est définitivement lancée.

Marcelin Chamoin
Marcelin Chamoin
Passionné par le foot brésilien depuis mes six ans. Mon cœur est rouge et noir, ma raison est jaune et verte.