Il y a vingt-cinq ans aujourd'hui, Flamengo et Fluminense s'affrontaient ce soir en finale du championnat carioca. L'année du centenaire de la fondation du Mengão, ce Fla-Flu pour le titre allait entrer dans l'histoire.
Flamengo se renforce pour célébrer son centenaire
En 1995, Flamengo fête le centenaire de la fondation du club et, afin de célébrer dignement l'anniversaire, Kléber Leite, récemment élu président, souhaite absolument un titre. Kléber Leite se donne les moyens de ses ambitions et parvient, avec l'aide de six sponsors, à faire signer Romário. Champion du monde six mois plus tôt et l'un des meilleurs joueurs au monde, Romário quitte l'Europe après sept saisons pour revenir à Rio de Janeiro. C'est un énorme coup pour Flamengo et Kléber Leite qui continue de renforcer l'équipe : Válber, Jorge Luiz, Branco – le Roberto Carlos avant l'heure – et Mazinho rejoignent également le Flamengo. Le club carioca peut aussi compter sur un jeune joueur de 21 ans formé au club, Sávio, l'une des révélations du football brésilien. Pour diriger cette équipe de rêve, un autre poids lourd du football brésilien : Vanderlei Luxemburgo, double champion en titre du Brésil, du côté de Palmeiras.
Le nouvel effectif du Flamengo oblige les autres clubs à se renforcer afin de pouvoir rivaliser avec le club rubro-negro. Botafogo refuse de transférer Túlio Maravilha vers le Japon et recrute Adriano et Guga alors que Vasco, triple champion en titre du carioca, s'offre les deux défenseurs du Benfica, Paulão et Clóvis. Pour sa part, Fluminense signe Ailton, snobé par le Flamengo, ainsi que Djair et Renato Gaúcho, vainqueur de la Copa Libertadores 1983 avec Grêmio et de la Copa União avec Flamengo en 1987.
Roi de Rio
Ces nombreux transferts affolent la presse qui attend en 1995 l'un des plus grands championnats carioca de l'histoire. Les journaux créent le « Roi de Rio » pour le meilleur joueur du championnat. Le favori se nomme évidemment Romário au milieu de trois autres candidats, dont Túlio, meilleur buteur du Brasileirão 1994 avec Botafogo, et Valdir Bigode, trois fois vainqueur du championnat carioca avec Vasco. Pour Fluminense, le favori n'est pas Renato Gaúcho, 32 ans et en délicatesse depuis le début des années 1990, mais Ezio, un des meilleurs buteurs de l'histoire du club et connu pour ses nombreux buts lors des Fla-Flu.
Romário effectue son premier match officiel pour Flamengo, justement contre Fluminense, lors de la cinquième journée du championnat carioca. Près de 100 000 personnes assistent au Maracanã aux débuts de l'enfant terrible du football brésilien. Le match se termine sur un 0-0, pas de but pour Romário donc, qui marque cependant lors des huit matchs suivants. Sa série se termine lors d'un autre Fla-Flu, également dans le championnat carioca. Fluminense inflige au Flamengo sa première défaite du championnat sur le score de 3-1. Romário retrouve le chemin des filets dès le match suivant et Flamengo termine la première phase en tête du classement. Lors de la finale de la Taça Guanabara, avant le début de la phase finale du carioca, Romário offre un nouveau show aux spectateurs du Maracanã : un triplé dans une victoire 3-2 face au Botafogo, permettant au Flamengo de gagner un point supplémentaire avant le début de la phase finale.
Flamengo, favori du championnat
La phase finale du championnat carioca se dispute entre les huit clubs les mieux classés lors de la première phase. Un système permet aux équipes de gagner des points pour la phase finale en fonction des résultats de la première phase. Flamengo compte ainsi déjà trois points au classement avant même le début de la phase finale. Botafogo et Vasco marquent un point, alors que Fluminense ne compte aucun point d'avance.
Les choses se compliquent encore un peu plus pour Fluminense, qui ne s'impose pas lors des deux premiers matchs, contre América et Botafogo, et voit le rival Flamengo avec déjà huit points d'avance ! Flamengo remporte en effet ses deux premiers matchs avec un triplé pour Romário lors du premier match, puis un doublé lors du second. Romário se blesse ensuite et revient un mois plus tard, une nouvelle fois contre Fluminense. Une nouvelle fois, Romário reste muet face au club tricolor, malgré la pluie de buts qui tombe sur le Maracanã ce jour-là. Même avec des buts de Sávio, Mazinho et Marquinhos, Flamengo s'incline une nouvelle fois contre Fluminense, qui s'impose 4x3 avec notamment des buts de Ezio et Renato Gaúcho. Fluminense revient dans le championnat et passe même devant Flamengo, qui a souffert en l'absence de Romário, avec treize points contre onze pour le rival. Mais dans un championnat où Vasco déçoit, Flamengo se reprend avec Romário, qui marque cinq des six buts suivants du club. Flamengo enchaîne six victoires consécutives et profite de deux matchs nuls du Fluminense pour repasser en tête du classement dans le sprint final.
À l'aube de la dernière journée du championnat carioca 1995, seules deux équipes peuvent encore remporter le titre tant convoité : Flamengo avec 32 points, et Fluminense avec 30 points. Hasard du calendrier, beauté du football, les deux équipes s'affrontent lors de la dernière journée, avec un match nul synonyme de titre pour Flamengo. La semaine précédant le match, Romário rate un entraînement sans prévenir le club. Il a encore du mal à se remettre de son opération au genou et est à deux kilos au-dessus de son poids de forme. Rien pour inquiéter son entraîneur Vanderlei Luxemburgo. « Romário est le meilleur attaquant du monde, et même à 70% de ses capacités, il est plus important que n'importe quel joueur. » Romário n'est pas non plus inquiet et est concentré sur les titres à remporter. « Ce titre est très important pour moi et je dois le gagner d'une façon ou d'une autre. C'est l'année du centenaire du Flamengo et ce titre me laisserait la conscience tranquille par rapport à tout ce qui a été fait pour rendre possible mon retour au Brésil. Si Dieu le veut, je vais marquer contre Fluminense et terminer la fête comme meilleur buteur du championnat. » Autre interrogation pour ce match, la présence de Renato Gaúcho pour Fluminense. Celui qui avait été renvoyé par Telê Santana peu avant le début de la Coupe du monde 1986 est loin du football qu'il a pu montrer au cours des années 1980. Passé trois fois par Flamengo, le polémique attaquant peine à pleinement convaincre au Fluminense, avec seulement trois buts dans le championnat.
La finale
Le 25 juin 1995, 120 418 personnes sont présentes au Maracanã pour la grande finale du championnat carioca, avec une majorité de supporters du Flamengo. Peu avant le match, Renato Gaúcho souligne la différence entre les deux équipes. « Ça sera un affrontement entre des ingénieurs et des ouvriers. L'équipe des ingénieurs, qui se croit supérieure et pleine de faste, est Flamengo. Les ouvriers, qui travaillent dur depuis six mois, qui sont discrédités et moqués, c'est nous. Mais pour gagner, les ingénieurs devront passer sur les ouvriers. J'aimerais voir s'ils en sont capables. » Obligé de gagner pour être champion, Fluminense attaque fort le match et domine toute la première mi-temps. Après une demi-heure de jeu, Renato Gaúcho, bandeau sur la tête, ouvre le score après un beau mouvement collectif du Fluminense. Juste avant la mi-temps, Leonardo profite d'une erreur du gardien Roger, pour doubler la mise. À la mi-temps, Flamengo est mené 2-0 et est méconnaissable. Flamengo réagit en seconde période, et à la 71e minute, Romário est plus rapide que tout le monde et réduit l'écart. Lors de la célébration, les deux équipes en viennent aux mains et Sorley et Marquinhos sont expulsés. Le match se continuera à dix contre dix. Six minutes plus tard, après un joli crochet, Fabinho marque pour Flamengo. 2-2. Flamengo est provisoirement champion avec encore un gros quart d'heure à jouer.
Fluminense semble abattu, d'autant plus que Lira commet une grosse faute sur Fabinho, et laisse ses partenaires à neuf contre dix. Le titre s'éloigne une nouvelle fois pour Fluminense, qui n'a plus remporté le championnat carioca depuis le Tri, entre 1983 et 1985. Les supporters du Flamengo font résonner les « Campeão » dans le Maracanã. Mais le miracle se produit pour Fluminense. Cinq minutes avant la fin du match, Ailton, refusé par Flamengo en début d'année, se joue par deux fois de Charles Guerreiro, avant de frapper au but. Le ballon n'est pas cadré, mais Renato Gaúcho, se place sur la trajectoire et dévie juste ce qu'il faut, du ventre. Le « Gol da barriga » permet au Fluminense d'être provisoirement champion, à cinq minutes du terme. La fin de match, à l'image du match entier, est tendue. Lira est le troisième joueur du Fluminense à être expulsé au cours du match, mais Flu tient bon. L'arbitre Léo Feldman siffle enfin la fin du match et les joueurs et supporters tricolores peuvent célébrer. Fluminense est de nouveau champion, face à l'archi-favori Flamengo. Renato Gaúcho, ancienne idole du Flamengo, est le héros du match, avec un doublé, dont ce but du ventre en toute fin de match. Túlio Maravilha termine meilleur buteur du championnat avec 27 buts, devant les 23 de Romário, mais c'est bien Renato Gaúcho qui devient le « Roi de Rio ».
Flamengo devra donc encore patienter pour remporter un titre l'année de son centenaire. Malgré l'arrivée au club d'Edmundo, Flamengo passe totalement à côté du Brasileirão 1995, en terminant à la dernière place de son groupe. Le championnat national est également une déception pour Fluminense, qui malgré une victoire 4-1 en demi-finale aller, s'incline 5-2 lors du retour contre Santos et est éliminé du Brasileirão, finalement remporté par Botafogo. Túlio Maravilha termine une nouvelle fois meilleur buteur. Flamengo aura une dernière chance à la fin de l'année 1995 de remporter un titre afin de célébrer dignement son centenaire. Le club atteint la finale de la Supercopa Libertadores, contre Independiente. Flamengo s'incline 2-0 en finale aller en Argentine. Lors du retour au Maracanã, Romário marque un but, Flamengo s'impose 1-0, insuffisant pour être champion. Si Flamengo remporte ensuite le championnat carioca 1996 sans perdre un seul match et avec un Romário meilleur buteur, l'année 1995 du club rubro-negro sera et restera blanche. Pour le plus grand plaisir des rivaux du Flamengo, ainsi que de Renato Gaúcho, héros de ce Fla-Flu historique.