Ce dimanche soir, La Plata, quatrième ville d’Argentine, s’embrasera pour un nouveau Clásico Platense entre le Gimnasia et Estudiantes. Pour vous faire découvrir l’importance d’un tel match, nous sommes allés à la rencontre d’un homme à part : Alberto Raimundi. L’homme dont la passion donne aux commentaires sportifs une dimension unique.

Le commentateur, partisan et supporter du Gimnasia La Plata Alberto Raimundi est devenu une star du web argentin pour ses commentaires passionnés. Hurlant de joie lorsque son équipe inscrit un but, il peut déverser des torrents d’insultes contre l’arbitre, les joueurs ou encore l’équipe adverse quand les choses tournent un peu plus mal pour son Gimnasia. Si ses réactions peuvent paraître disproportionnées pour une oreille européenne, elles restent surtout celles qui témoignent d’une passion sans faille pour son club, son Gimnasia. Et quand arrive l’heure du Clásico Platense face à Estudiantes, auquel assistera LO aujourd'hui, qui de mieux qu'Alberto Raimundi en personne pour nous en parler et le présenter…

Bonjour Alberto. Pour commencer, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

Alberto Raimundi : Bien sûr. Alberto Raimundi, je suis socios du Gimnasia La Plata et je travaille sur la Radio Revolucion 98.9 Mhz qui est une radio qui traite tous les sujets et sports au Gimnasia La Plata. Cela peut aller bien évidemment du football jusqu'au Basket, volley ou encore futsal en passant même par les sections féminines du club. C'est une radio qui émet dans la ville de La Plata, Capitale de la Province de Buenos Aires mais aussi sur internet à cette adresse : http://www.revolucion989.com.ar/.

Comment est venue l'idée de créer Radio Revolucion et quand a-t-elle vu le jour pour la première fois à La Plata ?

AR : A la base nous étions tous des passionnés de football et supporters du Gimnasia. Nous avons commencé en louant un petit local sans énormément de moyens. Officiellement Radio Revolucion a vu le jour en Juillet 2010 et, à cette époque, traitait seulement le football. Ensuite la Radio a grandi et en 2012 nous avons pris la décision de parler de toutes les sections sportives du Gimnasia La Plata.

Quand on est né à La Plata, comment devient-on hincha du Gimnasia et non de l'Estudiantes ? Peux-tu nous raconter ton histoire personnelle à ce sujet ?

AR : Depuis que ma famille est arrivée à La Plata en 1914, tous les Raimundi sont hinchas du Gimnasia. Mon grand-père qui est arrivé d'Italie et qui était originaire de la Calabre, avait pour voisin un portier qui travaillait dans un bar où les hinchas du Gimnasia se retrouvaient très souvent. En se prenant d'amitié avec ce dernier, mon grand-père et ses cinq frères sont devenus des supporters du Gimnasia et depuis, de génération en génération, toute la famille supporte le Gimnasia. De mon grand-père à mes enfants en passant par mon père, cela fait quatre générations de supporters mais aussi de socios du Gimnasia. La passion du Gimnasia on a cela dans le sang.

Ici en Argentine nous avons une vision du football complètement différente par rapport à l'Europe. Là-bas la majorité des gens vont au stade en tant que spectateurs ou regardent les matchs de football de leur propre équipe à la télévision, ici c'est différent. Le public fait partie à part entière du football.

Ta passion pour le Gimnasia n'est plus à prouver. Lors des matchs que tu commentes tu prends toujours parti quitte à franchir une certaine ligne rouge, chose impensable en Europe. Que penses-tu de beaucoup de journalistes qui aiment prôner la neutralité dans ce métier ?

AR : Je pense que c'est une connerie. Ce qui représente le mieux, pour moi, le football c'est la passion des supporters. Ici en Argentine nous avons une vision du football complètement différente par rapport à l'Europe. Là-bas la majorité des gens vont au stade en tant que spectateurs ou regardent les matchs de football de leur propre équipe à la télévision, ici c'est différent. Le public fait partie à part entière du football. Pour moi c'est inconcevable, cela serait mentir d'être impartial ou quoi que ce soit. Le football, je me répète mais c'est avant tout la passion et moi je suis du Gimanasia. La partialité ne doit pas devenir mensonge ou faire voir toutes les choses de manière positives, la partialité tu dois l'avoir avec le maillot de ton équipe sur le dos, ça c'est la partialité.

En parlant de ligne rouge et de passion, ta célébrité en France a commencé à croître après le Clásico du 22 Septembre 2013 quand l'arbitre du jour, Saul Laverni, a exclu Oreja ce qui conduit à l'égalisation d’Estudiantes. Ce jour-là tu as déversé un torrent d'insultes envers l'homme en noir. Il y a eu aussi d'autres histoires comme celle avec Teo Guiterrez. Par rapport au Clásico Platense, quelles sont tes relations avec les supporters d’Estudiantes ?

 

AR : En général, et cela peut paraître surprenant, elles sont assez cordiales. Bon bien sûr, sur les réseaux sociaux c'est différent, je me suis fait insulter ainsi que ma famille des milliers de fois mais ça on ne peut pas y échapper. Mais dans la rue ou à travers les connaissances que j'ai, tout se passe normalement. Après il y a le thème des Barras-Bravas ici en Argentine. Je sais par intermédiaire de connaissances que la Barra de l'Estudiantes n'apprécie guère ce que je fais, mais il faut savoir aussi que je n'ai aucune relation avec la Barra du Gimnasia non plus. De toute façon, ceux qui vivent à La Plata le savent, la ville est coupée en deux pour le football et que tout le monde ne s'apprécie pas, cela existera toujours. Après concernant les autres clubs il y a un peu de tout. Il y a des gens qui apprécient ce que l'on fait sur la radio, qui comprennent que nous relatons les faits d'un match du Gimnasia en tant que supporters et depuis les tribunes, mais il y en a d'autres qui s'énervent, qui nous insultent. Je me pose souvent la question, mais pourquoi ? A la base, Radio Revolucion est une radio pour les hinchas du Gimnasia, ils ne sont pas obligés de l'écouter.

Alberto, l'histoire de ce clasico a commencé au début du siècle dernier, justement quand t'as famille est arrivée à La Plata en Argentine. Peux-tu présenter cette rivalité qui n'a fait que croître depuis cette époque ?

AR : Le Gimnasia y Esgrima La Plata a été créé en 1887 à l’origine pour pratiquer les disciplines qu’il porte dans son nom (NDLR: la gymnastique et l’escrime). C'est cela qui fait que nous sommes le plus ancien club d'Argentine même si c'est seulement en 1901 que certains adhérents du club ont commencé à pratiquer le football. La scission de 1905 va faire que la rivalité va voir le jour. Le Gimnasia devait quitter ses installations et déménager. A l'époque, les membres devaient faire un choix : d’un côté, ceux qui souhaitaient s’adonner aux sports en terrain couvert, de l’autre les passionnés de ballon rond. Le 4 août de la même année, ces derniers décidaient de fonder leur propre club, le Club Atlético Estudiantes, qui deviendra Estudiantes de La Plata. Tout est parti de là !

En plus de ce fait historique et des nombreux événements qui ont marqués ce Clásico Platense, y-a-t-il, comme souvent dans le football, une fracture sociale entre les deux clubs ou La Plata échappe-t-elle à cette règle ?

AR : La Plata ne déroge pas à la règle. Il faut savoir que le Gimnasia était au début de son existence le club des ouvriers des abattoirs municipaux d’où le surnom Triperos (NDLR : tripiers). Basurero (NDLR : éboueurs) et aussi un autre surnom du club donc tu peux voir que c'est surtout les classes ouvrières qui supportent le Gimnasia. Du côté de l'Estudiantes, leurs premiers supporters étaient surtout des étudiants en médecine de l'université de La Plata. Leur surnom qui leur a été attribué est Pincharratas (NDLR : disséqueurs de rats). Tu vois que, comme tu l'as notifié, la rivalité est aussi associée à une lutte sociale entre les deux camps.

Qui dit classe ouvrière et populaire dit souvent beaucoup plus de passion. D'un œil extérieur la hinchada du Gimnasia paraît être la plus passionnée à La Plata. Et pourtant au compteur c'est Estudiantes qui est devant au niveau des titres…

AR : Ici l'amour et la passion qu'il y a pour le Gimnasia sont incroyables. Le dernier titre en Championnat date de 1929 où à l'époque le championnat était encore amateur. Ensuite il y a eu la Copa Centenario en 1994 que nous avons remportée pour le centenaire du football argentin mais ça s'arrête là. Mais au Gimnasia c'est comme ça, nous sommes habitués à souffrir et c'est ce qui fait notre force. Dans notre histoire il y a eu beaucoup plus de mauvaises choses que de bonnes choses mais la hinchada a toujours répondu présent même dans les divisions inférieures. Je suis très heureux qu'en France les gens se rendent compte de ça aussi. La Plata c'est le Gimnasia !

Je soutiens entièrement le fait que le peuple argentin puisse voir le football gratuitement sur une chaîne public mais eux l'utilisent simplement pour faire de la propagande.

Tu sais que même Delio Onnis, meilleur buteur de toute l'histoire du Championnat de France et qui a évolué au Gimnasia, s'était aussi exprimé à ce sujet (à lire chez nos amis de La Grinta) et avait dit « Contrairement à Estudiantes, Gimnasia n'a pratiquement pas de palmarès mais c'est le club le plus populaire de la ville »…

AR : Sur ce point on est tous d'accord que la popularité est du côté du Gimnasia. Mais je suis quand même un peu amer. Nos dirigeants ont commis beaucoup d'erreurs, certains sont corrompus donc imagines un peu si on avait une bonne direction ce que cela donnerait. C'est du gâchis. Nous avons pratiquement perdu notre identité avec ces dirigeants depuis plus de 10 ans mais il y a eu aussi des erreurs du côté des socios. Nous avons très mal voté et élu ces personnes à la tête du club. Pour parler des titres d’Estudiantes cela m'importe peu, à vrai dire je m'en fous même. Le jour où nous aurons des dirigeants qui feront bien leur travail nous aurons aussi des titres. C'est aussi le message que nous faisons passer avec Radio Revolucion pour contrer ce que font les dirigeants et passer un autre message qui lui n'est pas institutionnel. Dans le football argentin il y a énormément d'argent, mais tous les dirigeants et intermédiaires se redistribuent cet argent entre eux et cela dans tous les clubs argentins. De vraies sangsues, ils sucent le sang du football jusqu'à temps qu'il y en ait plus. En plus de ça, les joueurs gagnent énormément et au vu de leur rendement, qu'il soit commercial ou sportif il y a de quoi se poser des questions… Après il y aussi des problèmes politiques en Argentine, les politiques utilisent le football au sein des clubs, des tribunes ou encore avec Futbol Para Todos ! Pour parler de cet exemple Futbol Para Todos, je soutiens entièrement le fait que le peuple argentin puisse voir le football gratuitement sur une chaîne public mais eux l'utilisent simplement pour faire de la propagande.

Une dernière question Alberto. Le Gimnasia a commencé ce championnat inédit à 30 équipes avec une défaite et un match nul alors que dans le même temps Estudiantes a pris six points sur six, comment vois-tu le Clásico aujourd'hui ?

AR : Tu sais, le Clásico Platense est toujours un match spécial et très différents des autres. Le Gimanasia est dans une phase compliquée alors que nous avons un groupe homogène et des très bonnes recrues qui sont arrivées. J'espère de tout cœur que les joueurs vont comprendre l'importance de ce Clásico et qu'ils entreront sur le terrain pour gagner ce match. Mais comme je te l'ai dit, c'est un match à part, nous jouons à domicile donc le Gimnasia a toutes les chances de remporter cette rencontre.

Un grand merci à Alberto et si vous avez envie de vibrer lors du Clásico Platense ce soir, écoutez donc le match sur Radio Revolucion.

Propos recueillis par Bastien Poupat à Buenos Aires pour Lucarne Opposée

Bastien Poupat