Le fils de Roger et neveu de Basile a connu la descente en Jia League (deuxième division chinoise) avec son club du Guizhou Hengfeng lors de la saison 2018. Un club qu’il a rejoint l’été dernier après avoir marqué de son empreinte le championnat roumain où il a décroché deux titres de champion.

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Tout juste rentré chez lui, à l’hôtel, comme tous les étrangers là-bas, « nous y vivons tous », Kévin Boli prend de son temps pour parler football. Le Franco-ivoirien de vingt-sept ans, formé à Lens, a découvert la Chine il y a sept mois après deux titres décrochés en Roumanie avec le Viitorul Constanta (2017) et le CFR Cluj (2018). Des premiers pas mitigés dans l’Empire du Milieu où il a signé pour deux ans et demi. À une semaine de la reprise de la Jia League (le week-end du 9 et 10 mars), le défenseur central a finalement rejoint Cluj, son ancien club, sous la forme d’un prêt jusqu’à la fin de la saison. Notre entretien s’est déroulé quelques jours avant son transfert surprise.

Kévin, pourquoi avoir choisi de rejoindre la Chine et le club du Guizhou Hengfeng à l’été 2018 ?

Dan Petrescu, mon coach à Cluj, avait signé au Guizhou Hengfeng. Il a demandé à mon club (Cluj) s’il pouvait m’embarquer avec lui. Cluj était d’accord mais ils n’arrivaient pas à me joindre. J’étais au Sénégal en vacances et n’ayant pas de portable avec moi, je n’étais pas au courant de l’actualité. Une fois que j’ai pu avoir accès au téléphone, j’ai réfléchi avec ma famille sur la possibilité de signer en Chine. C’était une opportunité pour moi, autant sur le plan sportif que financier. Je me suis dit : « Allez, je me lance ! »

C’est le fait de pouvoir à nouveau travailler avec Dan Petrescu qui a fait pencher la balance de ton côté ?

C’est ça. Il me voulait déjà à Cluj à l’époque où je jouais au Viitorul Constanta. Et dès qu’il a signé en Chine, il m’a voulu. C’était un vrai plus pour moi. 

Tu suivais déjà la Chinese Super League avant de signer ? 

Je suivais seulement l’actualité des transferts. Je savais que Paulinho avait rejoint cette ligue, que le Guangzhou avait gagné le dernier championnat… J’ai aussi suivi la Ligue des Champions asiatique à partir des demi-finales (remportée par le Kashima Antlers).                                                                  

À ton arrivée, tu n’as pas tout de suite signé ton contrat avec le Guizhou Hengfeng. Pourquoi ?

Il y a eu un problème entre les deux clubs. Le Guizhou Hengfeng n’avait pas encore payé l’indemnité de transfert à Cluj donc je ne pouvais pas encore signer mon contrat. Mais cinq jours après mon arrivée, j’ai pu le signer, le temps que tout rentre dans l’ordre. L’officialisation s’est faite bien après. Je n’apparaissais même pas sur les photos des entraînements au début. 

Le Guizhou Hengfeng pointait à la dernière place de la Super League après onze journées avec une seule victoire au compteur. Ça n’a pas freiné ton envie de rejoindre le club ?

La première chose que j’ai faite après avoir eu écho de leur intérêt est d’avoir regardé leur classement. C’est alors que j’ai vu qu’ils pointaient à la dernière place du championnat avec quatre points (en onze journées)… Après mes vacances au Sénégal, je suis parti à Dubaï et j’ai pu rencontrer Dan Petrescu là-bas. Il m’a expliqué les choses. Il m’a raconté qu’il avait vu tous les matchs du Guizhou Hengfeng. Il pensait vraiment qu’on pouvait faire quelque chose. Il n’a pas eu tort. Notre sort peut s’expliquer. En Chine, normalement, il n’y a pas de trêve estivale. Mais avec la Coupe du Monde, il y en a eu une. Les matchs qui devaient avoir lieu pendant cette trêve ont été décalés en août et septembre. En septembre, nous avons joué neuf matchs dont six ou sept à l’extérieur… On jouait tous les quatre jours. Cela nous a pénalisé. À domicile, nous avons eu de bons résultats en deuxième partie de saison mais à l’extérieur on a eu du mal. 

Comment s’est passée ton intégration dans un effectif en partie composée de joueurs chinois ? 

Franchement, ça s’est bien passé. Ils m’ont bien accueilli. 

Tu as joué ton premier match le 11 août 2018 alors que tu as officiellement rejoint le club un mois plus tôt, le 14 juillet. Pour quelle raison ?

Deux jours avant le premier match de la reprise, je me suis blessé au niveau du psoas et de l’adducteur lors d’un entraînement. Ça a duré un peu… 

« La descente a été difficile à vivre » 

Au final, tu as disputé douze matchs en tant que titulaire en défense centrale avec un bilan de cinq victoires. Pas assez pour réussir à vous maintenir. Comment as-tu vécu cette fin de saison avec cette relégation en Jia League (deuxième division chinoise) ? 

On avait vraiment la volonté de se maintenir. Non seulement pour les fans qui étaient derrière nous malgré les défaites, mais aussi pour tout le monde autour. La descente a été difficile à vivre. Ce n’est pas un club dans lequel tu as une forte pression mais intérieurement tu te dis : « J’ai fait descendre le club… » Dans le futur, quand on va regarder l’effectif de 2018 qui est descendu, on va voir que je faisais partie de l’équipe. Ça fait mal. 

Tu as été champion en Roumanie et la saison d’après tu descends en deuxième division chinoise…

En l’espace de cinq mois tu es champion puis tu es relégué… L’ascenseur émotionnel est là. Il a fait effet.

Comment était l’ambiance au sein du vestiaire ?

Il restait deux ou trois matchs à jouer mais nous savions que nous étions déjà officiellement relégués. On essayait de faire aller mais on sentait que c’était la fin. C’était difficile. Il n’y avait plus trop de motivation. Pour le dernier match à domicile, on a quand même tout donné pour nos supporters et on a gagné (1-0 contre le Chongqing Lifan). 

Est-ce qu’à un moment donné tu t’es dit : « Qu’est-ce que je suis venu faire ici ? » 

Non. Je sais pourquoi j’étais venu ici. J’avais pour objectif de faire maintenir le club. Je savais que ça n’allait pas être facile mais je n’ai pas de regrets. 

« On devait se battre tous les matchs pour prendre ne serait-ce qu’un point »

Quelle est ton analyse de la Chinese Super League ? 

J’ai été agréablement surpris du niveau de jeu. Je pensais que ça allait être plus faible qu’en Roumanie. Finalement, en tant que défenseur, j’avais souvent affaire à des joueurs adverses étrangers avec de bonnes qualités. Même les joueurs chinois ont un bon niveau. Après, il y a peut-être des manques au niveau tactique. C’est légèrement en-dessous. 

Quelles différences fais-tu entre ton expérience en Roumanie et celle en Chine ?

En Roumanie, que ce soit au Viitorul Constanta ou à Cluj, on jouait le titre. Là, je suis arrivé dans une équipe qui jouait le maintien. On devait se battre tous les matchs pour prendre ne serait-ce qu’un point. Ici, j’ai beaucoup plus de travail à faire qu’à Cluj.

Dans quel sens ?

On était derniers donc nous n’étions pas trop en confiance. On subissait beaucoup. Il fallait rester davantage concentré… C’est différent.

Quels sont les objectifs à l’orée de la nouvelle saison qui va débuter, cette fois-ci en Jia League ?

La montée. On a eu une réunion au début du stage de présaison. À l’entraînement, on ne parle pas encore beaucoup du championnat. On bosse, et au fur et à mesure que nous allons nous rapprocher du premier match de championnat, on va commencer à entrer dans le vif du sujet.

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Comment est perçu le football dans un pays qui en a fait une de ses priorités ? La Chine veut faire partie du top des nations asiatiques d’ici à 2030 et faire partie du top mondial d’ici à 2050.

Ils se donnent les moyens d’atteindre leurs objectifs. Quand on voit l’académie du Guangzhou… Elle est immense. Il y a des milliers de joueurs et des terrains de foot de partout. La Chinese Super League est très suivie. Ils essaient de développer le football. Dans un grand pays comme celui-ci, avec plus d’un milliard trois cents millions d’habitants, s’ils se donnent vraiment les moyens d’atteindre leurs objectifs, ils pourraient y arriver. Après, ça demande du temps. Ce n’est pas en dix ans que ça va changer. C’est vraiment sur du long terme. 

Et au niveau des infrastructures ?

Ils possèdent de superbes stades. Il faudrait peut-être en rénover quelques-uns s’ils veulent organiser une Coupe du Monde. Ils ont aussi une bonne logistique. Ils n’auraient aucun problème pour organiser une compétition internationale. 

Que dire du stade dans lequel tu évolues ?

C’est un magnifique stade d’un peu plus de cinquante mille places. Au niveau de l’affluence, il y a entre dix et quinze mille spectateurs à chaque rencontre. 

La province du Guizhou est située au sud de la Chine. Peuplée d’à peu près trente-cinq millions d’habitants, elle a été pendant des siècles une des régions les plus pauvres du pays. Comment s’est passée ton adaptation dans cette région ?

Je ne vais pas te mentir. Personnellement, je fais hôtel, entraînement, hôtel, entraînement… On a un centre commercial qui est à côté. J’y vais de temps en temps. Il y a aussi un restaurant italien en ville dans lequel je me rends quelques fois mais je ne sors pas trop. Je suis plutôt casanier. 

« Je dispose d’un traducteur pour m’aider au quotidien. »

Comment est le climat dans le Guizhou ?

Assez pluvieux. C’est de la fine pluie. En été, il fait super bon. En hiver, froid, mais pas trop comparé à Pékin où il fait très froid (rire). Mais demain (14 février), on va partir dans le Guangzhou où il fait à peu près vingt degrés. 

Est-ce que tu apprends le mandarin ?

Sur le terrain, on se parle en anglais avec mes coéquipiers. En ce qui concerne le mandarin… Je connais les mots de base : bonjour, merci, au revoir… Si j’ai besoin de quelque chose dans la vie de tous les jours, je dispose d’un traducteur pour m’aider au quotidien. Il m’accompagne chez le dentiste par exemple. 

Tu n’as que vingt-sept ans. Comment vois-tu ton avenir ?

J’aimerais faire une grosse saison et remonter en Chinese Super League. Après ça, si j’ai éventuellement une opportunité pour revenir en Europe avec un bon projet, pourquoi pas.

Jordan Bozonnet
Jordan Bozonnet
Journaliste sportif. Suit l’essor du football exotique pour @LucarneOpposee. Passé par @TournoiMRevello, @ledauphine et @oetl. 👨🏼‍🎓@EDJ_Nice.