Formé au FC Nantes dès l’âge de six ans, Percy Prado vient de quitter les Canaris après dix-neuf ans passés à la Jonelière. Sa destination : le Pérou, son pays natal. Percy s’est engagé cet hiver avec le Sporting Cristal, champion en titre du championnat péruvien et l’un des clubs les plus populaires du pays et évoluera pour la première fois dans le championnat de son pays. Il nous livre ses premières impressions.

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Tu es Péruvien mais tu as grandi en France, raconte-nous un peu ton parcours professionnel, comment as-tu atterri au FC Nantes ?

Je suis né à Lima, j’ai grandi au Pérou et je suis arrivé en France à l’âge de quatre ans. Puis j’ai emménagé à Malakoff. J’ai commencé à connaitre du monde, à jouer au foot au quartier avec Kenjy Verdeau et le grand frère d’Abdoulaye Touré qui avait des contacts au FC Nantes, notamment un éducateur, Yvonnick Sidaner. En fait, tous les gens de Malakoff jouaient à Vertou (NDLR : proche de Nantes). Ils ont parlé de moi et le club a appelé mon père pour me voir à l’entraînement quand j’avais six ans. Je suis allé à Nantes et j’y suis resté.

Tu as eu de la chance d’atterrir dans un centre de formation très réputé.

Oui, en plus j’ai beaucoup voyagé en France avec le FC Nantes dès mes sept ans. En jeunes, en France tu fais beaucoup de tournois nationaux et j’ai eu la chance d’aller à Nice, Lille, Cannes pour jouer contre des grosses équipes.

Tu as toujours eu des liens avec ton pays d’origine ? Tu y allais souvent ?

J’ai toute ma famille au Pérou. La seule famille que j’ai en France, ce sont mes parents, mes sœurs et quelques cousins, sinon tout le reste est au Pérou. J’y suis allé seulement trois fois depuis mes quatre ans. Mes parents y sont retournés plus souvent.

Tu suivais un peu le championnat péruvien depuis la France ?

Pour être sincère, je ne suivais pas trop le championnat car déjà il n’y pas trop de moyen de le regarder depuis la France, c’est hyper compliqué donc franchement non. Par contre, je suivais tous les matchs de la sélection, je n’en ratais pas un. Le championnat, je ne le connaissais pas vraiment. Même les championnats brésiliens ou argentins ne sont pas médiatisés en France…

Du coup tu n’étais pas non plus fan d’un club au Pérou ?

Non, les seuls liens que j’avais c’est du côté de mon père, toute la famille est fan de la U (NDLR : Universitario). Mais moi je n’ai jamais été voir un match dans un stade.

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Tu as des idoles au Pérou ?

Dans les joueurs que je respecte énormément, il y a Claudio Pizarro pour la carrière qu’il a faite car il a joué en Europe, Paolo Guerrero et Jefferson Farfán aussi. Ce sont les trois joueurs que j’ai le plus vu jouer.

Farfán tu risques maintenant de l’affronter en championnat.

Bien sûr car il est retourné à l’Alianza Lima et pour le championnat c’est forcément un plus.

Tu vas jouer pour la première fois au Pérou, comment appréhendes-tu cette expérience ?

Je n’appréhende pas forcement, je suis plus excité de revenir et impatient de retrouver les terrains, car ça fait plus d’un an que je n’ai pas joué de match officiel. Quand je suis arrivé, je me disais « est-ce que j’ai encore toutes mes capacités, comment ça va se passer ici ? ». Forcément, je ne connais pas le fonctionnement des clubs ici, mais j’ai été surpris dans le bon sens du terme quand je suis arrivé au Sporting Cristal, car on a toutes les installations qu’un club européen pourrait avoir donc je n’ai pas eu de choc en fait.

C’est vrai que tu es arrivé dans un club très bien structuré, tu vois une différence avec ce que tu as connu en France ?

Franchement niveau installation c’est bien, le gymnase est top, on a tout l’équipement qui faut, il y a trois terrains d’entrainement impeccables. C’est comme un club européen en fait ! Je ne vois pas forcement de différence avec ce que je connais en France. À Nantes, j’avais tous les équipements pour pouvoir bien travailler et au Sporting Cristal on a exactement la même chose. Je pense que c’est un club très bien dirigé, on a des personnes au top à chaque niveau. Il y a des kinés, aussi une nutritionniste qui nous suit tous les jours.

C’est important car on mange bien au Pérou !

Surtout ça ! Il faut faire attention ! (Rires)

Avant de venir au Pérou, tu en a discuté avec des joueurs là-bas ?

Non, je ne connaissais aucun joueur.

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Comment s’est passé ton intégration au sein du vestiaire ?

J’ai été hyper bien reçu par tout le monde, par tous les joueurs qui m’ont bien intégré. Ils venaient souvent me parler pour me demander si ça allait, si j’avais besoin de quelque chose, de conseils. Ils me conseillaient d’éviter les zones à ne pas fréquenter par exemple. En France j’avais oublié un peu tout ça. Ils me disaient que si j’avais besoin de quoi que ce soit, ils pouvaient m’aider. J’ai été vraiment bien reçu. Ce qui aide aussi, c’est que c’est un super bon groupe. Je pense que c’est pour ça aussi qu’ils ont fini champions et que ça continue. Ils sont dans la continuité de l’année dernière. Tout le monde vit bien avec tout le monde. Ça aide énormément. Il y a forcément des affinités, mais tout le monde s’entend hyper bien. Pendant les entrainements personne ne se crie dessus, ça s’encourage.

As-tu un statut particulier en tant que joueur formé en Europe ?

Non, je n’ai pas vraiment de statut spécial. On est tous à la même enseigne que ce soit les plus âgés qui sont là pour nous donner l’exemple ou les jeunes. Tout le monde doit travailler dur à l’entrainement, il n’y a pas de traitement de faveur.

Tu sens que tu peux apporter quelque chose avec ton expérience en Europe ?

Apporter quelque chose je ne sais pas car on a déjà un très bon coach qui s’y connait suffisamment bien, donc ce que je peux apporter ce sont mes qualités. Tactiquement, le coach fait un bon travail défensif vu qu’on n’a encaissé aucun but pour l’instant.

Le coach Roberto Mosquera a la réputation d’être exigeant, quelle est sa relation avec les joueurs ?

Je pense qu’un coach se doit d’être exigeant quoi qu’il arrive car si un coach est trop laxiste ça ne marchera jamais. Au FC Nantes, j’ai eu plusieurs fois des coachs qui ont été laxistes et ils n’ont tenu que trois ou quatre mois. Alors qu’au contraire avec un coach comme Sérgio Conceiçao, l’exigence était la même que le profe Mosquera. Il est exigeant à tous les entrainements et ça marche. C’est notre travail, on ne doit pas venir à l’entrainement sans tout donner. Forcément, il y a des jours où tu es moins bien, ça peut arriver, mais sur le terrain faut montrer que tu as envie. Son exigence est normale encore plus cette année puisqu’on est champion et que l’on défend notre titre donc toutes les équipes cherchent à nous battre. Si on se relâche en se disant qu’on est les meilleurs on va perdre. C’est pour ça que le coach nous fait redescendre. Il est exigeant, mais il rigole aussi avec nous, il a ses moments où il nous charrie, il aime bien ça. C’est aussi un coach très franc, s’il y a quelque chose qui le dérange, il te le dit cash, en face à face. C’est un coach qui est très proche de ses joueurs. L’humour est important et il ne faut pas trop être susceptible car ça charrie beaucoup ici (rires), tout le monde à des surnoms…

Comment se vit le football au Pérou ?

Ah c’est deux fois plus fort qu’en Europe, en tout cas moi je le ressens comme ça. Les gens le vivent vraiment. Enfin là on le voit un peu moins car les stades sont fermés, mais tu le sens quand même pas mal aussi avec les réseaux sociaux et il y a une pression médiatique plus forte. Ce n’est pas forcément une bonne pression médiatique ici car ils cherchent la moindre petite erreur que tu fais. En France les journalistes ne t’embêtent pas autant. Ici, ils peuvent te mettre une caméra pour te suivre toute la journée. C’est la presse à spectacle, ils attendent la moindre petite erreur pour faire parler de toi en mal. Ça peut te ruiner une carrière. Nous sommes au courant de ça donc c’est à nous aussi de faire plus attention. C’est vrai qu’ils sont un peu trop dans l’abus ici.

Toi tu as déjà été suivi comme ça par des journalistes ?

Non, je n’ai pas trop ce souci-là. En plus, quand je suis arrivé, on est passé en quarantaine dans le pays, donc les journalistes ne pouvaient pas non plus trop sortir. Après, je suis quelqu’un d’assez posé donc s’ils me suivent, ils ne vont pas trouver grand-chose. Ils ont déjà des noms de toute façon je pense de certains joueurs qui aiment faire la fête etc. Mais c’est ça que je trouve dommage car bon un joueur de foot a aussi ses moments pour se relâcher, aller boire un verre avec ses amis, ça ne fait pas de mal. Mais ici, ils vont démultiplier la chose pour que les gens se disent « non il n’a pas le droit de faire ça ! ». Même si tu marches dans la rue avec ta cousine, ils vont dire « ah il est en couple ! » pour chercher le scoop.

Qu’est-ce qui t’a fait signer à Cristal, que recherches-tu en allant jouer au Pérou ?

Tout d’abord je me suis renseigné sur le club auprès de ma famille, surtout mes cousins qui s’y connaissent et m’ont garanti que sur ces dix/quinze dernières années, c’était le meilleur club au Pérou, footballistiquement et aussi dans la manière dont le club est géré. Une chose toute bête mais déjà avoir ton salaire à la fin du mois c’est important, ici on sait très bien que ça va tomber donc on ne pense pas « est-ce que ce mois-ci je vais être payé ? ». Quand un club ne te paye pas ça ne te donne pas envie de jouer. Là nous n’avons pas ce souci-là. J’ai aussi demandé comment ça jouait. J’ai regardé la dernière finale du championnat contre Universitario. Je me suis pas mal renseigné. J’ai ensuite discuté avec le président et le directeur sportif qui ont montré qu’ils me voulaient. Je savais aussi que pour moi en Europe, c’était bouché à cause de la COVID, c’était devenu très compliqué. Les clubs disaient qu’ils n’avaient plus d’argent pour recruter, qu’ils ne pouvaient pas donner ce que je voulais. Le Pérou est devenu une vitrine pour moi, on joue une grande coupe internationale, je reviens dans mon pays, je suis plus près de ma famille. C’est ça qui m’a fait prendre la décision de venir au pays. Mais si je savais que c’était un club pas trop sérieux, je n’aurais pas pris cette décision.

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Tu vas jouer pour la première fois la Libertadores, quel est l’objectif du club ?

L’objectif du club c’est de se qualifier en huitièmes, donc tous les joueurs sont concentrés sur ça. Passer les phases de groupes c’est important car ça fait très longtemps qu’on ne l’a pas fait, qu’un club péruvien ne l’a pas fait… On représente le Pérou dans ce genre de compétition, pas seulement notre club, on représente tout le pays donc l’objectif, ce sont les huitièmes de finale.

Tu as des clubs en particulier que tu aimerais rencontrer en Amérique du Sud ?

Franchement, il y a que des grosses équipes, j’ai regardé les chapeaux et ça va être très tendu mais c’est ça qui est bien. Je n’ai pas forcement de préférence, je sais qu’on va tirer que des grosses équipes (rires).

Et tu vas faire des beaux déplacements aussi…

Malheureusement avec la COVID, ça va être compliqué, par exemple les Brésiliens ne peuvent pas venir au Pérou, donc on ne pourra pas recevoir un club brésilien, il faudra jouer en Équateur. Les stades seront vides aussi et ça nous manque beaucoup. Si tu ne trouves pas la motivation de jouer, tu te croirais à un entrainement.

Le fait de venir au Pérou peut aussi t’ouvrir une porte pour la sélection péruvienne…

Je ne sais pas si c’est le fait de venir au Pérou, mais ça va déjà être le fait de jouer. L’objectif pour moi, c’est déjà de débuter avec mon club ensuite la sélection, ça viendra si j’ai des bonnes performances avec mon club. Pour l’instant, je ne me demande même pas si je serais sur la liste pour la prochaine Copa América par exemple. Je ne suis pas du tout dans cette optique là car pour l’instant j’en suis loin.

Pour ton plan de carrière, penses-tu t’installer au Pérou sur le long terme ?

Franchement dans le football, on n’est jamais sûr (rires). Donc à voir comment se passe cette année et la deuxième année. Après si tout se passe bien et que je suis convoité par des championnats un peu plus prestigieux forcement, je me laisserais aller. Mais pour l’instant je suis concentré sur les deux années que j’ai ici et on verra par la suite.

Romain Lambert
Romain Lambert
Parisien expatrié sur les terres Inca, père d’une petite franco-péruvienne, je me passionne pour le football de Lima à Arequipa en passant par Cusco. Ma plus forte expérience footballistique a été de vivre le retour de la Blanquirroja à une coupe du monde après 36 ans d’absence.