Aujourd’hui, un des plus vieux clubs chiliens fête ses cent-vingt-deux ans. L’occasion de revenir sur l’histoire de l’Unión Española, le deuxième club le plus titré derrière les trois géants du football chilien, mais aussi le deuxième club du pays andin encore en activité, ce qui lui permet de faire de partie de la liste du club des 100, les clubs centenaires de la Conmebol.

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L’Unión Española est le fruit de la volonté de la communauté espagnole du Chili de la fin du XIXe siècle de s’organiser en association sportive, d’ailleurs pas forcément dédiée qu’au football au départ, à l’instar de la plupart des communautés étrangères du Chili de l’époque (à part la communauté allemande très autarcique, et la communauté croate, trop bien intégrée). C’est avec cette volonté donc que nait en 1897, le Centro Español de Instrucción y Recreación, seulement cinq petites années après l’arrivée du football au Chili. De ce club découlèrent deux entités, le Ibérico Balompié (en 1918) et le Ciclista Ibérico qui finirent plus tard par fusionner pour former la Unión Deportiva Española en 1922. Ce n’est qu’en 1932, avec le rapprochement avec le Centro Español, que l’Unión Española existe telle que nous la connaissons aujourd’hui, ce qui en faisait à l’équipe le club de diaspora le plus grand du pays.

L’un des pionniers du professionnalisme

L’Unión Española est finalement un des clubs moteurs de la professionnalisation du football au Chili, en participant notamment à l’organisation du premier championnat professionnel du Chili, en étant à l’origine de la Liga Santiago au tout début des années trente en compagnie de huit autres clubs (Colo-Colo, Bádminton, Audax Italiano, Green Cross, Morning Star, Magallanes et Santiago Nacional) suite à un conflit avec la Fédération qui refusa de reconnaitre leur statut professionnel. Ce n’est finalement qu’en 1933, devant le fait accompli, que la Fédération a finalement reconnu leur statut. Puis le club, du fait de son lien avec la communauté espagnole et donc avec l’Espagne, a connu une période délicate et même turbulente à cause de la guerre civile espagnole, et ses partisans ou opposants à la prise de pouvoir de Franco, avec des divisions internes. Une fois la guerre civile terminée, une certaine normalité à pu revenir et le football à l’Unión Española a pu reprendre ses droits, le club remportant son premier titre en 1943.

Parallèlement à cela, le club s’est structuré très tôt, en étant l’un des premiers clubs propriétaires de son stade, le Santa Laura, suite à la construction de celui-ci dès 1922, dans la commune d’Independencia, au Nord de Santiago. Il est encore à ce jour l’un des quatre clubs à être propriétaire de leur stade, en compagnie de Huachipato, Colo-Colo et la Católica, occupant toujours la même enceinte, jaune et rouge, même si assez vétuste, malgré les différentes promesses de rénovation et d’agrandissement.

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Glorieuse décennie

Suite à des années soixante relativement ternes, la direction décida de miser sur des joueurs en devenir et investir un peu plus pour avoir des résultats. Cela a payé dès l’année 1970 avec une finale, certes perdues face au Colo-Colo, mais qui laisse présager un avenir plus radieux. Cette deuxième place du championnat lui permet d’ailleurs de participer à sa première Copa Libertadores dès l’année suivante. L’année suivante rebelote, avec une nouvelle seconde place et une nouvelle participation à la coupe continentale pour finalement se voir couronné champion en 1973, mais avec un championnat malheureusement marqué par le coup d’état militaire qui a frappé le Chili cette même année, le 11 septembre. Puis vint l’année 1975, sans aucun doute la plus glorieuse de toute l’histoire du club jusqu’à aujourd’hui. Non seulement le club s’est adjugé le quatrième titre de champion de son histoire, mais il est surtout parvenu à se hisser jusqu’en finale de Libertadores, la deuxième pour un club du pays andin. Malheureusement pour eux, la finale sera perdue face à l’Independiente argentin, en trois matchs, avec un match le match d’appui joué à Asunción. L’année suivante au niveau national, le club hispanique finira deuxième, échouant en match d’appui contre Everton, puis sera de nouveau champion en 1977, avec à sa tête Luis Santibáñez, qui gagnera là son troisième titre à la tête du club, sur les cinq gagnés jusqu’alors (l’histoire de Santibáñez est racontée dans le LO magazine n°6).

Les années furent assez moroses, évitant de peu la relégation, grâce à un tour de passe-passe administratif de la fédération. Ce n’est qu’à partir de 1992, et l’arrivée de Nelson Acosta à la tête de l’équipe première que le club retrouvera une certaine prestance avec deux Copas Chile remportées d’affilée, en 1992 et 1993 respectivement contre Colo-Colo puis Cobreloa, les deux fois à l’Estadio Nacional. Puis vinrent quelques soucis économiques alors que le club allait fêter son centenaire. Cette année 1997, celle du centenaire, mais aussi la première avec le système de double championnat (ouverture puis clôture) sera celle de la première et unique relégation à ce jour du club. Cela lui permet d’être, derrière Colo-Colo, le club ayant le plus de saisons en première division encore aujourd’hui. Finalement le purgatoire ne durera que deux petites années, en remontant dès 1999 avec Juvenal Olmos en tant qu’en entraineur, lui qui entrainait jusque-là le U15 de la Católica. Il réussira d’ailleurs à les emmener à une intéressante quatrième place dès leur retour en Première Division pour partir dès la fin de l’année. Puis, en 2004, vingt-neuf ans après le dernier titre de champion, les supporters hispanos purent enfin célébrer leur sixième titre, obtenu contre les Pirates de Coquimbo Unido.

À l’heure de la privatisation

Avec la privatisation obligatoire des clubs chiliens décrétée par le gouvernement, le club tente en 2005 d’introduction en bourse autour d’un projet immobilier, qui a finalement échoué, faisant plonger le club en faillite. C’est finalement l’intervention de l’ambassadeur espagnol de l’époque qui a permis le sauvetage du club (une preuve de plus son lien encore présent avec la communauté espagnole) en facilitant le rachat de celui-ci en 2008 par le controversé entrepreneur espagnol Jaime Segovia à travers son université privée espagnole SEK. Celle-ci est d’ailleurs controversée, puisque son recteur, en 2013, a été inculpé pour corruption. Mais l’entrepreneur espagnol s’est finalement servi de son pouvoir à la tête de l’Unión Española à des fins purement personnelles et politiques, la preuve ultime étant sa victoire très controversée, sur fond de trahison en 2010, ce qui amena d’ailleurs Bielsa à démissionner. Il ne put finalement pas assumer la présidence, du fait de conflit d’intérêts d’ordre financier et ce fut finalement Sergio Jadue qui devint président de l’ANFP (et qui ne manquera pas de nommer l’entrepreneur espagnol vice-président) avec les énormes scandales qui s’ensuivirent avec notamment sa participation au FIFAGate. Jaime Segovia se fait d’ailleurs souvent remarquer, comme dernièrement par exemple, en menaçant directement la CONMEBOL au sujet du nom du stade masqué pour les matchs continentaux en dépit de sa méconnaissance des règlements. Car en 2009, le stade été renommé Estadio Santa Laura Universidad SEK, ce qui en fait l’un des rares stades où s’applique le naming au Chili.  

Dernier titre

Tout cela n’a pas empêché l’obtention d’un nouveau titre de champion en 2013 (le septième de son histoire) avec en prime la première édition de la Supercopa remportée face à la U de Chile. Depuis deux ans, le club était entrainé par une légende du football argentin, l’ancien attaquant de Boca Juniors, Martín Palermo. Il est parti en fin d’année au Mexique, à Pachuca, alors que certaines rumeurs l’envoyaient sur le banc du Colo-Colo. Il a été remplacé par le Chilien Fernando Díaz. Cette année le club, avait bien commencé (un des meilleurs départs depuis plusieurs années) pour finalement se retrouver dans le ventre mou, et participe à la Copa Sudamericana mais il n’en demeure pas moins un club historique de Santiago et du Chili.

Gabriel Micolon
Gabriel Micolon