Pour la première fois depuis 2012, Guangzhou Evergrande ne reprend pas le championnat auréolé du statut de tenant du titre. Entre la nouvelle politique du club et l’émergence du SIPG, le paysage chinois pourrait avoir changé. Reste à savoir si cela se confirmera cette saison.

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Avant d’évoquer le cas de certaines équipes, il est important de débuter la saison 2019 par une petite révolution qui s’annonce en Chine et débute véritablement cette année : la naturalisation de joueurs. Dès la fin de saison dernière, Beijing Guoan avait lancé celle-ci en annonçant la volonté de naturaliser des joueurs, deux sont arrivés : « l’Anglais » Nico Yennaris, devenu Li Ke, passé par Arsenal à ses débuts, et le « Norvégien » John Hou Sæter, devenu Hou Yongyong. D’autres ont suivi : on peut ainsi citer Roberto Siucho, international u17 et u20 péruvien, qui a été recruté par Guangzhou Evergrande et prêté en CL1 en attendant sa naturalisation l’an prochain, ou encore Alexander N'Doumbou, qui a porté le maillot de la sélection A du Gabon, et qui devient Qian Jiegei et rejoint Shanghai Shenhua. Une politique qu’il faudra suivre avec attention surtout à une période où la CFA (fédération chinoise) semble tourner son championnat encore plus au service de la sélection en s’en prenant notamment à l’un de ses clubs phares.

Guangzhou Evergrande, sélection nationale ou les deux ?

Après une saison 2018 qui a vu le géant Guangzhou Evergrande céder son trône au Shanghai SIPG, la version 2019 de la Chinese Super League est attendu avec un impatience non feinte, le duel entre les deux s’annonçant particulièrement croustillant. C’était sans compter sur certaines décisions assez ubuesques qui ont été prises concernant le septuple vainqueur du championnat, à la fois par la fédération et par la direction du club. L’an passé, le club de Fabio Cannavaro avait déjà affirmé sa nouvelle politique, celle de devenir une équipe 100% chinoise d’ici 2020. 2020, c’est l’an prochain alors le club a décidé de pousser le bouchon un peu plus loin. Avant le coup d’envoi de la CSL, le club a ainsi publié son nouveau règlement intérieur : pas plus de deux joueurs étrangers sur le terrain, une rotation imposée parmi les 18 joueurs à chaque journée, et la mise en place d’un système de notation qui, chaque mois, permettra d’envoyer en équipe réserve les deux plus « mauvais » élèves de la classe. Une politique totalement folle puisqu’il apparait désormais clair que le club n’a plus l’ambition d’être une locomotive dans le championnat, oubliant ainsi que l’élite d’un pays joue surtout un rôle de vitrine, doit générer du rêve pour attirer les enfants vers les terrains de football. Une politique rendue encore plus ambigüe par l’annonce il y a quelques jours de l’arrivée de Fabio Cannavaro à la tête de la sélection nationale. L’Italien sera chapeauté par Marcelo Lippi mais aura donc désormais une double casquette (au point qu’on se demande si son salaire à la sélection est assuré par la CFA ou par le club) qui rend la saison de Guangzhou Evergrande similaire à une plongée dans l’inconnue. Il apparait désormais clair que le club de Canton sera à terme la sélection nationale qui évolue ensemble en championnat, à l’image de ce qui pouvait se faire dans certains pays au milieu du siècle dernier.

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Sur le terrain, le club garde seulement deux Brésiliens, Paulinho et Talisca, qui seront donc entourés de jeunes talents chinois, principaux recrutements du club depuis deux saisons. C’est ainsi que l’on suivra avec attention Wei Shihao, un temps annoncé comme la future grande star chinoise, et qui pose ses valises après une pige à Beijing. Avec lui, quatre autres u23, Gao Zhunyi, He Chao, Liu Yiming, et Zhang Xiuwei, qui composeront la sélection nationale de CSL et valent à Evergrande un nouveau surnom, celui de « Chinese national training team ». Si le club reste parmi la liste des candidats au titre, l’incertitude qui l’entoure et les futures décisions qui ne manqueront pas d’être prises et viendront le parasiter davantage, rendent pourtant cela bien difficile. Et laisseront planer la question de savoir si finalement l’ère de Guangzhou Evergrande, qui a emmené la CSL à d’autres niveaux, n’est pas définitivement terminée.

SIPG et les nouveaux ambitieux

D’autant que chez les autres, même avec les règles strictes encadrant le nombre de joueurs étrangers mais aussi les sommes engagées dans les transferts, les recrutements restent de qualité même si, et c’est finalement une bonne chose, le point commun à bien des prétendants et de ne pas avoir bousculé leurs effectifs. C’est le cas du tenant du titre, Shanghai SIPG, qui perd sa star locale, Wu Lei, parti briller en Liga espagnole, mais ne s’affole pas pour autant, même si son trio Oscar – Hulk – Wu Lei, auteur de 68% des buts du club l’an passé, se retrouve désormais amputé d’un élément de poids, son buteur. N’ayant pas recruté, le club va faire confiance à ce qu’il possède déjà. Le coach Vítor Pereira semble faire le choix Lü Wenjun, même si ce dernier n’est en rien comparable à Wu Lei. On attend par exemple de voir Elkeson prendre plus de place dans ce groupe qui reste tout de même l’un des gros effectifs du championnat, un vrai candidat à sa succession, la victoire en Super Coupe face au Guoan montrant que l’appétit du club est toujours aussi grand.

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Un Beijing Guoan de Roger Schmidt qui a beau avoir terminé à quinze points du SIPG l’an passé mais qui peut envisager mieux cette année. Son groupe reste très équilibré : la défense se renforce avec l’arrivée de Kim Min-jae de Jeonbuk, Piao Cheng et Zhang Xizhe sont désormais arrivés à maturité au milieu, Renato Augusto sera toujours là pour délivrer des passes décisives (13 la saison passée, deuxième du classement), Cédric Bakambu pour faire trembler les filets (19 l’an passé, quatrième au général), tout en s’adjoignant les services de Zhang Yuning, jeune buteur de 22 ans qui rentre au pays après des expériences mi-figue mi-raisin en Europe. Bref, le vainqueur de la FA Cup a tout du parfait candidat au titre. Du côté de Shandong, Tardelli parti, le club s’offre une star, Marouane Fellaini. Le Shandong Luneng est souvent placé, rarement vainqueur. La grande question est donc de savoir si le Belge pourra l’aider à franchir ce cap. Sur le papier, cette année pourrait être la bonne. Troisième en 2018, finaliste de la Coupe, la première saison de Li Xiaopeng sur un banc de CSL a été des plus convaincante et l’arrivée d’un joueur expérimenté tel que Fellaini apporte ce petit plus qui pourrait permettre aux Oranges de se rapprocher. Shandong s’appuie sur une défense des plus solides, gagne en impact avec Fellaini au milieu et peut s’appuyer sur Pellè et Róger Guedes pour faire mal à bien des défenses. Shandong dispose des armes nécessaires pour se mêler à la lutte.

La dure loi de la jungle

Derrière ces quatre équipes, on voit mal qui pourrait venir prendre part à cette course au titre. Il n’en reste pas moins que plusieurs équipes disposent de qualités et de renforts plus qu’intéressants et devraient largement animer la CSL cette saison. Citons ainsi et sans ordre de préférence ou de classement potentiel : Jiangsu Suning, qui devrait probablement devenir Jiangsu Inter, la CFA imposant la fin des noms des groupes propriétaires des clubs en CSL, a réalisé un beau championnat l’an passé, une fois que Cosmin Olăroiu en a pris les rênes, et conserve son duo Eder – Alex Teixeira. Guangzhou R&F qui adjoint à sa machine à but Eran Zahavi un nouveau talent venu d’Israël, Dia Saba, meilleur buteur du championnat la saison dernière, et surtout s’offre les services de Mousa Dembélé pour apporter de l’impact dans son entrejeu. Hebei qui réussit un joli coup sur le marché des transferts en attirant l’excellent Marcão, auteur d’une énorme saison en K League avec Gyeongnam. Shanghai Shenhua, qui attire dans ses filets le deuxième meilleur buteur du précédent exercice, Odion Ighalo, ou encore Dalian Yifang qui continue de faire parler de lui à l’international en s’offrant Marek Hamšík pour l’associer à Yannick Carrasco, Nyasha Mushekwi et Emmanuel Boateng. Ne restera qu’à se trouver un équilibre, notamment défensif. On suivra également avec attention le parcours des promus, à commencer par Shenzhen et sa colonie made in ASSE, Ole Selnæs – Check Mbengue, le précieux Ola Kamara qui vient renforcer une attaque au sein de laquelle la pépite Harold Preciado brille déjà (47 buts en 59 matchs de CL1). Si vous cherchez une surprise potentielle (non pas pour le titre mais pour le top 10), elle est peut-être là.

Deux journées et le big four est déjà en place

La CSL 2019 n’a disputé que deux journées mais déjà les quatre candidats au titre sont déjà en place. Le SIPG a lancé sa saison en atomisant le Shenhua lors du derby en ouverture (victoire 4-0 en déplacement) avant de confirmer sur le fil face à Jiangsu à la maison. De son côté, Beijing la joue défense solide en ouverture, avant d’écraser Chongqing en J2 avec un Jonathan Viera en mode homme décisif (un but, deux passes décisives pour une victoire 4-0). De son côté, Guangzhou Evergrande s’impose facile en infériorité face à Tianjin Tianhai avant de s’en remettre à une boulette de Du Jia pour s’offrir l’autre club de Tianjin, Teda. Derrière, Shandong s’accroche, perdant des points à la maison sur le fil face à Beijing Rehne. À noter l’excellent départ de Shenzhen, avec déjà deux buts pour Preciado et Selnæs, le duo israélien du R&F a déjà claqué quatre des cinq buts du club (trois buts pour Zahavi, un pour Saba, qui y adjoint une passe décisive). Difficile cependant de tirer la moindre conclusion, la saison ne fait que débuter, elle sera riche en rebondissements.

Les buts de la J2

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.