Alors que le club est engagé dans la lutte pour le titre, le Beijing Guoan a nommé Bruno Genesio à sa tête. Un pari osé pour le club comme pour le Français.

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Nous ferons bientôt un point sur le championnat, mais à l’entrée du dernier tiers de la Chinese Super League, jamais le titre n’a été aussi indécis. Certes Guangzhou Evergrande a pris les commandes au terme d’une folle accélération, mais deux clubs résistent : le champion sortant Shanghai SIPG et Beijing Guoan. C’est de ce dernier qu’est venue la nouvelle qui a mis toute la France en émoi. Alors que son contrat approchait de son terme (nous allons y revenir), Roger Schmidt a été licencié par le club qui en a donc profité pour nommer à sa tête Bruno Genesio. L’ancien entraîneur de l’Olympique Lyonnais sera le neuvième Français à venir entraîneur en Chine (ou le dixième si l’on compte les deux matchs dirigés par Nicolas Anelka à la tête du Shenhua en 2012), le septième en Chinese Super League (le huitième si on compte Anelka), le premier étant Claude Le Roy (alors épaulé par Hervé Renard),.

Prise de risque

Celui qui fut tant discuté à Lyon trouve donc une nouvelle terre d’accueil, une terre loin d’être conquise d’avance. Premièrement car on l’a dit, le Guoan est lancé dans la course au titre. Avec quatre points de retard sur le leader et dix journées à disputer, celle-ci est plus que jamais dans les objectifs possibles. D’autant qu’après l’élimination en quarts de finale de la Coupe (face à Shandong, 2-1 après prolongation), et celle plus prématurée en Champions League, c’est désormais le dernier objectif du club qui, avec quatorze points d’avance sur le quatrième et dix-huit sur le cinquième, devrait ne pas avoir trop de mal à assurer sa place dans le top 3 synonyme de qualification pour la prochaine AFC Champions League. De quoi travailler tranquillement ? Pas vraiment.

Car Genesio se retrouve face à un défi sportif de taille : plus que de lutter pour le titre, il va falloir aussi et surtout succéder à Roger Schmidt. Lorsque l’Allemand a débarqué au Guoan, il a pris en main un club qui peinait alors dans la première moitié du classement de la CSL pour en faire un candidat au titre et un vainqueur de coupe dès sa première saison et totaliser 56% de victoires. Cette saison, Beijing Guoan a occupé la première place de CSL de la quatrième à la dix-neuvième journée (soit quinze fois sur vingt journée disputées jusqu’ici) et ne doit sa chute au classement qu’à deux défaites de rang (liées à la blessure de Jonathan Viera, probablement le meilleur joueur du club) et une incroyable série d’un Guangzhou Evergrande record (onze victoire consécutives, égalant le record de Shandong en 2006). Comme si cela ne suffisait pas, Bruno Genesio va donc devoir relever ce défi alors que le calendrier s’annonce des plus délicats : derby ce vendredi face à Hebei, choc au sommet avec la réception de Guangzhou Evergrande et déplacement à Dalian pour y défier une équipe qui revient bien depuis l’arrivée de Rafael Benítez. Un calendrier chargé et décisif (surtout le choc face à Guangzhou), mais surtout l’impossibilité d’avoir le temps de travailler pour mettre en place son projet ou au moins pour prendre ses marques dans un club et un championnat où tout est à découvrir. Si le défi est donc plus que relevé pour le Français, le risque pris par le club est tout aussi grand et le changement d’entraîneur à dix journées de la fin, à l’entrée donc du sprint final, pose la question de sa pertinence, faisant l’objet de bien des débats.

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Choix discuté au pays de l’instabilité

Ce point est l’autre élément qui vient ajouter une pression supplémentaire sur les épaules du Français. Changer d’entraîneur lorsqu’on est encore en course pour le titre à dix journées de la fin, le choix est discutable et discuté. Sur les réseaux chinois, nombreux sont ainsi les supporters à se demander l’intérêt d’un tel changement, certains estimant que « le club se tire une balle dans le pied ». Plus posé, Mads Davidsen, ancien directeur technique de Guangzhou R&F et Shanghai SIPG, rappelle aux clubs chinois sur Twitter que « changer un entraîneur et lui donner le pouvoir de changer le style de l’équipe ne peut donner que de pires résultats sur le temps », avant d’indiquer que « Roger Schmidt était un cadeau et l’un des meilleurs entraîneurs venus en Chine », et de conclure « Grande erreur ». Autant dire que Genesio est loin de faire l’unanimité.

Ce changement témoigne aussi de la profonde instabilité tu poste d’entraîneur en CSL. En 2018, en comptant les changements lors de la présaison, on a compté dix-sept changements d’entraîneurs. Cette saison, Genesio est le douzième, dans un championnat qui ne compte que seize clubs. Schmidt était le plus ancien en poste et l’on sait déjà que Dragan Stojković résiste à son poste à Guangzhou R&F en grande partie en raison de l’importante indemnité que le club devrait lui verser en cas de licenciement (environ 14M€).

La grande question qui se pose est donc de savoir pourquoi ce changement maintenant ? Nous l’avons dit plus tôt, il ne restait que six mois de contrat à Roger Schmidt et ce dernier avait récemment demandé à discuter de sa prolongation, le club ne voulait alors pas en parler, disant vouloir attendre la fin du mois. Ensuite, l’Allemand a évoqué sa volonté de passer plus de temps avec sa famille – raison fréquemment évoquée par les coaches étrangers en CSL pour exprimer la volonté de s’en aller – et les trois défaites de rang, dont celle en FA Cup, sont arrivées. La raison est-elle sportive ou plus obscure ? Le board du Guoan a ou avait-il en tête un autre nom pour la saison prochaine et a donc profité de la liberté de Genesio pour en faire un intérimaire ? Genesio était-il cet autre nom pour la saison prochaine ? Difficile de la savoir. Si le club a annoncé un contrat qui court jusqu’en décembre prochain, selon nos informations, il se pourrait que celui-ci si soit assorti d’une possibilité de prolonger l’aventure jusqu’en 2023. Dans ce cas, il semblerait que Bruno Genesio vienne d’abord faire un essai grandeur nature pour venir prendre ses marques, ce qui sous-entendrait également que le board du Guoan a déjà envisagé faire une croix sur le titre. Et en cas de réussite, le Français pourra alors commencer à construire mais une chose est sûre, Genesio n’a ni choisi la solution de facilité en signant au Guoan, ni trouvé un milieu tranquille pour rebondir.

 

Nicolas Cougot avec Sébastien Lucas

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.