Alors que la vie redémarre de façon sporadique à Wuhan, Lucarne Opposée propose un flashback sur la situation des clubs au moment de la crise, un topo sur l’état du football chinois à l’heure actuelle et sur les différentes hypothèses qui se profilent à l’horizon.

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Décembre 2019 : l’épidémie frappe la préparation

La plupart des équipes étaient dans les provinces septentrionales du Yunnan ou du Guangdong pour le traditionnel camp de remise en forme qui précède les départs pour l’étranger où ont lieu la plupart des stages de présaison des équipes de Chinese Super League. Cette année ce sont les Émirats Arabes Unis, l’Espagne, la Thaïlande et le Japon qui ont été privilégiés par les organisateurs. Ces départs sont tombés en quasi simultané avec l’explosion en Chine du virus responsable d’une crise que l’on connait désormais sous le nom de Covid-19. Les arrivées en Espagne ont poussé les autorités sanitaires locales à prendre des mesures de contrôles et pour certaines équipes direction le confinement, certains clubs européens allant même sans aucune raison valable annuler leurs matchs de préparation avec, pour les adversaires du Wuhan Zall, le seul motif que le virus venait de Wuhan (excuse totalement infondée puisque le club de la province du Hubei n’avait plus mis les pieds dans sa ville depuis la fin décembre 2019 et que l’intégralité du staff ainsi que les joueurs avaient été testé par les autorités espagnoles). La même problématique s’est aussi posée pour le Shenzhen FC qui a dû se contenter de matchs contre des équipes locales catalanes. La psychose est même montée jusqu’au cerveau du grand Manchester United qui a décidé de changer d’hôtel quand ils ont appris que le Dalian Pro avait séjourné dans l’hôtel que les mancuniens avaient réservé à Marbella.

Février – mars : retour d’exil

Suite au quasi confinement total et face au risque sanitaire en Chine, les clubs ont décidé de poursuivre leur préparation dans les pays où ils avaient installé leur camp de base, alternant période de repos et période de d’entrainement avec des bilans de santé quotidien pour s’assurer qu’aucun membre des équipes ne soit infecté. Alors que la quatrième ou cinquième phase (selon les équipes) de présaison débutait, la pandémie a touché l’Europe comme un tsunami, ce qui poussa alors les clubs chinois à trouver une solution d’urgence pour pouvoir retourner au pays où la situation était redevenue plus stable et ainsi éviter d’être bloqués en Europe suite aux différentes fermetures de frontières. Une à une les équipes ont réussi à se rendre en Chine jusqu’à mi-mars, avec à leur arrivée une quarantaine de deux semaines obligatoire dans leurs centre d’entrainement respectif.

Nous avons fait le point sur la situation des clubs, mais certaines de ses équipes sont parties sans leur staff étrangers et/ou sans leurs joueurs étrangers, qui étaient soit en réhabilitation après une opération, soit en vacances au moment du départ. C’est comme cela que le staff espagnol du Qingdao Huanghai a passé quasiment trois jours dans les transports pour pouvoir rejoindre la ville de Qingdao depuis l’Espagne ou encore que Johnathan, l’avant-centre brésilien du Tianjin Teda a mis quatre jours pour rejoindre Tianjin en provenance du Brésil. À leur arrivée, tous les retardataires ont été mis en quarantaine stricte dans des hôtels avec interdiction de quitter leur chambre.

Fermeture des frontières chinoise, quel impact sur les équipes ?

Les autorités chinoises ont pris la décision de fermer ses frontières à toute personne étrangère à compter du samedi 28 mars 00h00 BST, même à celle ayant un visa valide. Conséquence, de nombreux joueurs et staffs étrangers sont actuellement bloqués hors de Chine. Certains ont réussi à passer entre les gouttes, comme Oscar, Hulk et Ricardo Lopes (Shanghai SIPG) qui ont eu un Bombardier Global 6000 affrété au départ de São Paulo direction Shanghai Pudong avec une arrivée dix minutes avant l’heure fatidique.

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D’autre n’ont pas eu cette chance, comme Marko Arnautović qui est resté bloqué en Autriche ou encore Uli Stielike, le coach allemand du Tianjin Teda qui n’a pas pu rejoindre la Chine car un membre de sa famille est touché par le virus. Pour ceux qui ont pu rentrer en avance, certains ont été testés positifs, comme le joueur belge du Shandong Luneng, Marouane Fellaini ou encore le Brésilien du Meizhou Hakka (China League One) Dorielton. Au total, c’est près de la moitié des joueurs étrangers (trente-huit) qui sont concernés par ce blocus, ainsi qu’une partie de certain des staffs dont celui du Beijing Guoan dont la quasi la totalité est bloquée en France. Bruno Génésio donne ainsi des visioconférences quotidiennes avec le staff présent à Kunming afin d’analyser les entrainements et suivre l’évolution de la préparation.

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À quand le début des championnats ??

Pour les supporters, le temps se fait long et tout le monde s’impatiente devant le manque d’information. Il était question dans un premier temps de jouer à huis clos début mars, puis le bureau des sports ayant interdit tout événement sportif, l’espoir d’une reprise rapide s’est envolé. Plusieurs rumeurs ont émergé au fil du temps. Début avril, mi-avril, début mai, début juin, actuellement aucune date ne peut être arrêtée, le gouvernement ayant publié un communiqué indiquant la prolongation de l’interdiction de tout événement culturel ou sportif. Pourquoi une prolongation alors qu’il n’y a officiellement plus de cas ? La peur de la deuxième vague venue d’occident avec le retour des chinois qui étaient bloqués à l’étranger et qui risquent à leur tour de contaminer la population. Certaines villes, qui avaient levé le confinement de leur population, l’ont remis en place suite au retour du virus.

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La CFA doit désormais plancher sur le casse-tête quasi impossible de faire rentrer trente journées de championnat de CSL, trente-deux journées de China League One, un nombre indéfini de match de China League Two, huit tours de Coupe de Chine, et potentiellement plus de trente matchs d’Asian Champions League (auxquels s’ajoutent les qualifications pour la Coupe du Monde Qatar 2022 et la Coupe d’Asie des nations China 2023). Le tout, en seulement 6 mois si le championnat repart en juin. Mission quasi impossible. À cela, il faut ajouter l’effondrement de la China League Two qui chaque année est de plus en plus en difficulté, mais qui cette année a totalement implosé avec plus de dix clubs qui sont soit en faillite, soit sur le point de l’être. Du côté de la China League One, la situation n’est guère meilleure. Certains clubs, comme le Sichuan Longfor FC ont déposé les armes face à des difficultés financières insurmontables, ou comme le Liaoning FC qui n’avait plus payé ses joueurs depuis pratiquement un an, ne versant que quelques bonus obligatoires et qui sera normalement poursuivi en justice par huit joueurs pour avoir falsifié leur signature sur les documents de confirmation de versement des salaires. La disparition du club est quasiment actée par les autorités. En Chinese Super League, un club est en suspens, le Tianjin Tianhai qui était à cours de liquidités et qui avait jusqu’à mi-mars pour trouver un repreneur. Il semblait que cela soit chose faite avec la reprise du club par le groupe Vantone Real Estate basé à Beijing. Hors le 1er avril une réunion entre la CFA, le club et le nouvel investisseur avait lieu pour vérifier la solidité financière de Vantone et si ces derniers remplissaient tous les exigences. Il semble que le résultat de cette audition ait été négatif pour le Tianjin Tianhai, la CFA indiquant que toutes les cases n’étaient pas cochées par Vantone. Wait and see car l’histoire est loin d’être finie.

Quel avenir et quel format ?

Dans les prochains jours la fédération va se réunir au centre national de Xianghe (banlieue Est de Beijing) pour une réunion extraordinaire afin de mettre au clair la situation et réfléchir à toutes les possibilités.

  • Maintenir le championnat ? Si oui, cela signifie jouer trente journées sur potentiellement 24-30 semaines. Cela parait faisable sur le papier, sauf que la saison d’été en Chine est caniculaire et jouer deux rencontres par semaine par 35-40 degrés, 90% d’humidité et une qualité de l’air dégradé, risque d’avoir un impact négatif sur les organismes. À cela il faut ajouter la Coupe de Chine et l’Asian Champions League…un tel format ressemble à casse-tête chinois presque impossible à résoudre.
  • Débuter le championnat plus tôt mais à huis clos ? Là encore, cette éventualité est peu envisageable étant donné que la moitié des joueurs étrangers et des staffs est encore bloquée à l’étranger. Reprendre dans ces conditions serait grandement dommageable pour l’équité sportive du championnat et l’attractivité médiatique de cette dernière.
  • Supprimer la coupe de Chine et attribuer une place de qualification ACL direct au deuxième du championnat afin d’alléger le calendrier.
  • Annuler le championnat ? Si cette décision était prise, elle aurait de facto d’énormes conséquences économiques pour les clubs et les investisseurs qui ont fait signer des étrangers et des staffs à coups de millions d’euro et qui ne pourront pas bénéficier des revenus de la TV et des bonus de fin de saison (même si ces derniers sont assez ridicules). Autres casse-tête, sur quel critère attribuer les places pour la Champions League ? Les clubs de China League One qui ont investi pour jouer la montée et qui se verraient potentiellement barrer la route à une montée en Super League pourraient également demander des comptes à la CFA.

Reste également deux questions : quid de la tenue de la Champions League 2020 ? Cela devra se décider au niveau fédéral et au vu de la situation en extrême orient ou même au japon, la compétition semble aussi très compliquée à garantir. Enfin se posera la FIFA le problème de faire en sorte d’organiser le calendrier pour faire en sorte que les dates internationales n’impactent pas la tenue des championnats ? Le foot chinois est encore placé sous respirateur artificiel en attendant d’y voir un peu plus clair. Les semaines défilant, le temps risque de commencer à manquer.

Sebastien Lucas
Sebastien Lucas
Rédacteur Asie, spécialisé Chine (CSL, CFA) à suivre sur @seb_perpignan Fan du Shandong Luneng et de l'équipe chinoise depuis 2005,中国加油 !!!