Ils l’ont fait ! Dix-huit ans après leur seule et unique participation à la Coupe d’Asie, les Libanais peuvent à nouveau goûter au parfum de la plus belle des compétitions continentales. Et pour leurs retrouvailles avec le tournoi, le sort leur a offert de belles mais périlleuses affiches. Revue de tableau.

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Guide de la compétition : Partie 1 - Partie 2

Dans les années 90, le Liban se remet lentement d’une absurde guerre civile de quinze ans. Tout est à refaire dans ce qui était naguère la Suisse du Moyen-Orient, l’économie est en ruines, mais le Liban tient fermement à sa réputation de phénix et s’efforce de le prouver. Sous l’impulsion de feu Rafik Hariri, le pays se relève, investit et est finalement récompensé par l’attribution de la Coupe d’Asie 2000. Les préparatifs sont longs, trop longs, l’AFC menace de retirer la tenue du tournoi au Liban si les stades ne sont pas finis dans les délais, sans compter sur une situation sécuritaire encore trouble (Israël ne se retirera du Sud-Liban qu’en mai 2000, quatre mois avant le début des festivités) qui attise les craintes. Finalement la compétition se déroule sans encombres mais le pays-hôte y fait piètre figure. Avec l’ancienne légende croate Josip Skoblar aux commandes, une tripotée de Brésiliens naturalisés (cinq !) et les tout jeunes Youssef Mohammed et Roda Antar, les observateurs veulent croire en une chance du petit pays face aux mastodontes iraniens, irakien et à la Thaïlande. Peine perdue. Démontés par les Perses (0-4), ils parviennent à sauver l’honneur face à l’Irak (2-2) et la Thaïlande (1-1) et sortent de leur compétition la tête basse.radulovic

S’ensuit alors une traversée du désert longue de plus de dix ans faite de quelques hauts mais surtout de beaucoup de bas. Ironie du sort, ses meilleurs joueurs Mohammed et Antar brillent en Allemagne, à Fribourg puis à Cologne et leur retraite signera le début du renouveau pour l’équipe libanaise. Depuis 2014, un vent de fraîcheur souffle sur le Liban du football. Sous la houlette de l’Allemand Theo Bucker, puis du Monténégrin Radulović actuellement en poste, la Fédération s’est professionnalisée et s’est mise à la mode du scouting, recherchant les joueurs d’origines libanaises par-delà le monde. Ainsi, Sonny Saad (USA), Oumari, El-Helwe, Bugiel (Allemagne), Ayass (Bulgarie), Jradi (Danemark), Haidar (Norvège), les frères Melki (Suède) ou encore Jeronimo Amione (Mexique) ont décidé de revêtir le maillot de la patrie de leurs parents.

Le football libanais est, encore aujourd’hui, victime des soubresauts politiques qui agitent épisodiquement le pays. Les clubs les plus puissants sont sponsorisés par les partis politiques (Al-Ansar par Hariri / Courant du Futur ; Al-Ahed par le Hezbollah ; Salam Zgharta par le clan Frangieh) ou font office de marqueurs identitaires (Homentmen pour les Arméniens, Al-Safa’ pour les Druzes). Les matchs sont étroitement surveillés par l’armée et les provocations et échauffourées ne sont pas choses rares, tout comme dans le basket libanais. La Fédération, sans le sou, n’est pas à même d’améliorer les infrastructures ni d’investir dans un camp de base, et la plupart des centres de formation sont le fruit d’investissements étrangers (Olympique Lyonnais, Inter Milan, PSG…), Radulović en faisait encore mention en interview : « J’ai travaillé au Koweït et un peu partout dans le Golfe mais au Liban j’ai pu voir de mes propres yeux tellement de talents purs. Cependant, ils ont besoin d’infrastructures adéquates pour continuer à progresser ».

L’équipe

Les qualifications furent d’ailleurs rondement expédiées, les Cèdres écartant la Corée du Nord, la Malaisie et Hong-Kong pour finir avec cinq victoires et un nul au compteur. Radulović a inculqué un mental de guerriers à ses hommes, les exhortant à se battre jusqu’au bout, en atteste les nombreux buts inscrits dans les derniers instants de la partie (2-1 en Malaisie à la 94e, 2-2 en Corée du Nord à la 94e, 2-1 contre la Malaisie encore à la 94e minute).

Radulović est partisan d’un 4-2-3-1 (voire 4-5-1) défensif positionné assez bas, conçu pour tenir le milieu de terrain et qui permet à ses ailiers de gicler rapidement en contres. Il a fait évoluer cette équipe tactiquement, ajoutant sa touche à celle apportée par Bucker auparavant, pouvant moduler son équipe en 5-4-1 contre les grosses cylindrées. Dans les buts, Mehdi Khalil a pris le spot de numéro un suite à la piètre forme du « Suédois » Abbas Hassan et à la retraite de Larry Mehanna. Taktouk et Matar complètent le trio. En défense, les expérimentés Oumari, Hammam, Junaidi et Mansour (30 ans de moyenne) sont chargés de garder la base arrière. Ils ne devraient pas évoluer trop haut car ils auront probablement du mal à rattraper des ailiers lancés à toute berzingue. Walid Ismail et George Melki sont en back-up à moins que le Suédois ne s’installe dans le 11 de base. Au milieu, Samir Ayass, Mohamed Haidar et Haytham Faour constituent le pare-chocs de l’équipe. A Faour la destruction, à Ayass et Haidar la distribution des ballons vers l’avant. Vers l’avant, Radulović dispose d’ailiers véloces et bons dribbleurs : Maatouk à gauche et El-Helwe à droite (avec Jradi et Ataya en sortie de banc) pour servir Hassan « Moni » Chaaito devant.

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On peut malgré tout regretter que la quasi-totalité des joueurs évoluent au pays. En effet, seuls cinq joueurs sur les vingt-trois évoluent à l’étranger : Jradi (Hajduk Split), El-Helwe (Apollon Smyrnis), Oumari (Al-Nasr) et les frères Melki (Eskilstuna). Beaucoup de joueurs locaux avaient monnayé leurs talents au sein de ligues plus relevées (EAU, Malaisie, Arabie saoudite, Qatar, Bulgarie…) avant de revenir au bercail. C’est particulièrement dommage pour le niveau de la sélection tant Ali Hammam, Rabih Ataya ou Hassan Maatouk performaient à l’étranger. Maatouk est d’ailleurs LE joueur libanais à suivre sur cette Coupe d’Asie. Lui qui désossait allègrement les défenses d’équipes émiraties est rentré au pays mais il n’en reste pas moins le danger numéro un du Liban. Son coach le considère même comme un modèle de professionnalisme et le meilleur joueur du Moyen-Orient ! Il est vrai que Hassan est primordial dans le système de Radulović, lui qui a marqué lors de cinq matchs (sur six) lors des qualifications, portant son total à 19 en sélection.

Malgré tout, il y a encore fort à faire pour s’imposer en tant que place-forte asiatique, particulièrement tactiquement. Les derniers matchs de préparation ont vu un Liban incapable de marquer le moindre but en cinq sorties. D’ailleurs, la parenthèse enchantée durant laquelle le Liban est resté invaincu pendant près de deux ans (dont un succès de prestige en Macédoine) a pris fin suite à une défaite au Koweït (suivi d’une raclée en Australie, un nul sans saveur face à l’Ouzbékistan et une ultime défaite au Bahreïn). Lorsque le niveau s’élève, le Liban a du mal à trouver ses flèches de devant, manque d’agressivité dans le pressing et la récupération, et pratique le « air-marquage » en défense.

Ce n’est pas un problème spécifique au Liban, la majorité des équipes de la zone Asie souffrent de ces symptômes, mais il est impératif de les gommer au plus vite car la première confrontation les oppose au Qatar

Programme

Qatar – Liban, le 9 janvier à 17h heure française (Al-Aïn)

Liban - Arabie saoudite, le 12 janvier à 17h heure française (Dubaï)

Liban – Corée du Nord, le 17 janvier à 17h heure française (Dubaï)

Boris Ghanem
Boris Ghanem
Chroniques d'un ballon rond au Moyen-Orient, de Beyrouth à Baghdad, de Manama à Sanaa, football sous 40 degrés à l'ombre d'un palmier.