Avant-derniers du championnat, à treize points des Finals Series et quarante-trois du leader, les champions en titre sortants, Adelaïde United ont vécu une saison catastrophique. Comment les Reds ont pu tomber si bas après avoir atteint les sommets ? Les facteurs sont multiples. Décryptage.
Une saison parfaite
La saison dernière Adelaïde avait triomphé en passant de lanterne rouge, à la 8ème journée, à double champion en titre. Tous les échelons avaient été gravis grâce à leur entraîneur, Guillermo Amor, allant révolutionner le système de jeu des Reds (lire La révolution barcelonaise d'Adelaïde). S'appuyant sur sa carrière au FC Barcelone et du travail précédant de Josep Gombau, Gui Amor réussissait à trouver une alchimie parfaite avec ses joueurs dont l’Argentin Marcelo Carrusca ou Isaías Sánchez. Ce dernier, formé à la Masia du FCB, n'avait pas eu de mal à comprendre le nouveau système de jeu. Il y a eu d’autres cadres capitaux comme Craig Goodwin, Jordan Elsey et Dylan McGowan en défense centrale ou Stefan Mauk pour ne citer qu'eux.
Un titre de champion de saison régulière notamment gagné grâce à une saison très moyenne des deux cadors du pays Melbourne Victory et Sydney FC et acquis au terme de la dernière journée, lorsque Melbourne Victory faisait échouer Brisbane Roar à domicile, le Roar avait besoin des trois points pour terminer premier ("personne d'autre que le Victory ne célèbre de titre à l'AAMI Park" avait rappelé Kevin Muscat en conférence de presse d'après-match). Le Victory avait ainsi conservé un score nul et vierge donnant le second Premiers Plate de son Histoire à Adelaïde United.
Durant les Finals Series, les hommes de Gui Amor ont alors fait preuve de maîtrise incroyable, en écartant 4-1 l'armada de Melbourne City et en battant le Western Sydney Wanderers 3-1 en finale à la maison. Un double titre, jamais dans l'histoire des Reds, cela n’avait eu lieu. La saison d'Adelaïde était parfaite, un aboutissement qui avait attiré quelques regards, notamment en Europe dont certains émissaires allaient venir prendre un par un les meilleurs joueurs. Mais rien ne laissait alors augurer de la suite.

Mercato raté et blessures en série
Tout joueur de football d’Australie rêve d'Europe et dès qu'une occasion se présente, ces derniers n'hésitent pas, d'autant plus que la contractualisation des joueurs en A-League laisse à chaque fois des clauses de départ assez peu contraignantes. Ainsi, Gui Amor va voir son effectif pillé, avec pas moins de sept joueurs qui vont s'en aller à l'étranger ou rejoindre d'autres franchises. Ces joueurs n'étaient pas n'importe lesquels : Craig Goodwin (Sparta Rotterdam), Bruce Kamau (Melbourne City), Pablo Sanchez (Llagostera, Espagne), Stefan Mauk (NEC, Pays-Bas) ou Bruce Djite (Suwon FC, Corée-du-Sud). Des départs, il y en aura toujours pour les raisons précédentes, le va-et-vient est souvent incessant en A-League, l’Australie peinant encore à pouvoir lutter financièrement et économiquement, ne serait que face aux championnats de la confédération. Chaque franchise doit y faire face et en surmonter les conséquences. Pour cela, il faut anticiper.
Ces joueurs, il fallait les remplacer, Gui Amor est alors allé sonder en Espagne, rechercher la perle rare, le joueur pouvant faire la différence dans son onze et dans le championnat. Elle était toute trouvée, Sergi Guardiola. Le joueur au contrat probablement le plus court au FC Barcelone était joueur de la réserve à Grenade, le club Andalou acceptait l'offre de prêt sans hésitation, tant l’attaquant n’avait pas ou peu de perspective d’avenir au club. Adelaïde annonçait aussi les arrivées de James Holland arrivé libre du MSV Duisburg en Allemagne mais d'une forte expérience de trois ans à l'Austria Wien (2012-15) et du 'SuperSub' de Brisbane, Henrique, arrivé en perdition de Thaïlande. Résultats des courses, des échecs cuisants. Au point qu’aujourd'hui, ces joueurs ne sont plus sous contrat au club. Guardiola ne s'est pas adapté, James Holland est allé rejoindre la Chine au Liaoning Whowin (dernièrement libéré) et Henrique reparti en Thaïlande, les recrues phares ayant percées ont été Ben Garuccio, auparavant second couteau à Melbourne City ou Jordan O'Doherty sorti de l'Académie sans parler de la nouvelle pépite des Reds, appelé avec les Socceroos, Riley McGree. Des jeunes pleins de volonté mais sans expérience capitale à la lutte dans la défense des deux titres. Et certainement pas quand il faut ajouter une campagne en Champions league au calendrier.
Malgré ça, Adelaïde avait encore sa défense et ses milieux : son maître à jouer Isaías Sánchez, Sergio Cirio ou Marcelo Carrusca. La défense centrale était toujours la même, Dylan McGowan puis son compère Jordan Elsey. Or, tout allait dans le mauvais sens, Jordan Elsey est victime en début de saison d'une rupture des ligaments croisés, Michael Marrone est revenu en fin de saison à la suite d'une rupture du tendon d’Achille contractée durant la finale de Finals Series. Ryan Kitto, espoir montant du championnat recruté à Newcastle Jets, était tout aussi inapte sans parler des blessures ponctuelles au court de la saison d’autres cadres : Iacopo La Rocca ou Isaías Sánchez. Une hécatombe jusqu'à la ligne de but, Eugene Galekovic s’est lui aussi blessé, laissant sa place à Daniel Margush (18 ans). La défense rongée, Tarek Elrich a été la cerise sur le gâteau en subissant une rupture des ligaments croisés.
Alors les Reds ont eu recours au bricolage. Taylor Regan, recruté d'urgence pour boucher l’hémorragie, n'avait pas la carrure d'un défenseur champion sortant. Malgré son envie et son expérience dans le championnat, ça ne suffisait pas à redresser la barre. Sergio Cirio, lui aussi passé par la case infirmerie, a longtemps tenu le poste de numéro 9 ou de faux numéro 9 voire de 10, il n'a jamais été formé comme attaquant, il a joué la bouée de sauvetage. Sur le onze victorieux en finale des Finals Series, cinq étaient encore en jeu.

Saison catastrophe
Conséquence, sans surprise, Adelaïde n’aura jamais pu défendre son titre, l'écart était trop important avec le peloton de tête. Melbourne Victory et Sydney FC ont retrouvé de leur superbe et les autres candidats au titre ont musclé leurs effectifs, n’ont pas subi le mercato comme les Reds l’ont fait. Adelaïde a alors dû endosser l'étiquette de champion sortant ne pouvant finalement batailler que pour ne pas finir dernier.
Dans le jeu, le bilan n’est pas pour autant dramatique, la touche barcelonaise est encore présente, palpable, les joueurs faisant preuve de rigueur dans l'application des consignes et tactiques de match. Le seul inconvénient est surtout le trop grand nombre de jeunes joueurs avec trop peu d'expérience dans le jeu pour compléter un onze totalement décimé. John Hall dans les buts ou Daniel Margush, étaient trop tendres face à des attaquants comme Adam Taggart de Perth Glory. Les deux milieux Riley McGee (18 ans) et Nikola Mileusnic (23 ans, joueur recruté en D2) ou l'attaquant Jordan O'Doherty (19 ans) ne peuvent se muer en cadres malgré leur très nette progression en fin de saison. Les principes de jeu sont une chose, l’expérience un autre.
Conséquence, derrière, la défense s’est noyée. Accusant 46 buts, la défense a encaissé 16 buts de plus que la saison précédente, seul Perth Glory, pourtant 5ème du championnat, réussit à faire moins bien (53 buts encaissés). Sauf que les Violets possèdent un tout autre bilan offensif. Car c’est du point du vue offensif que le retard est criant : 25 buts en 27 matchs, moins bonne attaque du championnat, quand le club en avait inscrit 45 la saison dernière. Chez les attaquants, Sergi Guardiola et Henrique terminent avec trois réalisations (!!) et ne sont plus au club. Le meilleur buteur cette saison en championnat est Dylan McGowan, un défenseur, avec quatre petites unités, loin des 11 réalisations chacun du duo Bruce Djite - Pablo Sánchez l'an passé. Sur la saison, seule l’arrivée de Baba Diawara (le 7 février) est un motif d’espoir, l’ancien joueur du FC Séville ayant redressé la barre en scorant à trois reprises en championnat et deux fois en Ligue des Champions en à peine 3 mois.
Soutien indéfectible mais avenir trouble
Malgré ce marasme, les joueurs auront pu compter sur l’appui constant de la Red Army toujours vissée dans sa tribune du Coopers Stadium. Leur avis et pensées sont globalement les mêmes à propos de l’entraîneur ou des joueurs. Luc Dupond, supporter d’Adelaïde United explique : « Les joueurs ont été bons, nous avons juste fait preuve d’énormes malchances dans les rencontres. Les joueurs donnent leur meilleur et viennent nous parler à chaque fin de match. Le coach est en face d’une très mauvaise saison mais de mon avis, il est le meilleur entraîneur que nous ayons eu à Adelaïde United. Du côté du recrutement, ça a été minable, au niveau du jugement des capacités des recrutés en fonction de la tactique appliquée. Cette année la tactique est la même, nous n’avons juste pas les joueurs pour faire fonctionner nos contre-attaques ».

Dans une saison accumulant les déroutes, la fin de saison fut plus intéressante, notamment grâce à Baba Diawara, comme expliqué ci-dessus, donnant un certain crédit offensif qu’Adelaïde n’avait plus. La fin de saison a ainsi vu les Reds battre Brisbane Roar (2-1) et ses adversaires directs dans la lutte à la dernière place, Central Coast Mariners (2-3) et Newcastle Jets (1-0). Sur le plan continental, le résultat n’est pas si inintéressant. Battu à la dernière journée 1-0 par Jiangsu Sunning, les Reds ont terminé troisième de leur groupe devant le Gamba Osaka. A titre de comparaison, Brisbane Roar et le Western Sydney Wanderers ont terminé bons derniers de leurs groupes respectifs.
Pourtant, ces motifs d’espoir ne peuvent encore cacher un avenir des plus indécis. Le tunnel semble encore long. La prochaine saison sera probablement travaillée plus tôt et rien n'indique pour l’instant de meilleurs signes. L'agent de Dylan McGowan a annoncé à la presse que le défenseur a signé un précontrat de plusieurs années dans un club Européen, ce sera au Portugal, à Paços de Ferreira. Ses coéquipiers, derniers rescapés du double titre, n'ont pas un avenir scellé au club. Tous les joueurs cadres sont en fin de contrat (Carrusca, Isaias, Galekovic, Cirio, La Rocca, Elsey...). Si l'ensemble de ces joueurs prennent la sortie, une équipe complète sera à refaire sans aucun pilier sur lequel s’appuyer.
Mais le pire est sur le banc. Déjà approché par Pep Guardiola pour devenir son assistant à Manchester City, pourrait succomber à un second appel de l’Espagnol, et est désormais libre. Le 10 mai dernier, le technicien annonçait en effet qu’il avait décidé de quitter le navire. Tout semble compliqué à l’heure actuelle et dans les mois à venir pour la franchise du South Australia. La révolution barcelonaise semble cependant avoir vécue, ne serait qu’à l’évocation des noms annoncés au club (on sait déjà que ce ne sera pas Gabriel Batistuta, le club se tournerait vers un coach ayant une expérience en Bundesliga). Une chose reste sûre, ses supporters continueront à être derrière leur club. Parmi les plus chauds et fervents du pays, ils seront à n’en point douter les piliers de la nouvelle reconstruction. Celle qui fera oublier aux Reds l’enfer vécu lors d’une saison 2017 qu’ils n’imaginaient pas aussi sombre.


