Melbourne redevient une ville à une seule pointe. Le Big V de Kevin Muscat est allé répondre mentalement à son ennemi intime, le Sydney FC au bout de cent-vingt minutes de pure intensité. Une intensité incroyable aussi au McDonald Jones Stadium où les Jets d’Ernie Merrick ont réussi l’exploit de se retrouver sur la plus haute scène nationale après avoir longtemps écumé les dernières places au classement. À moins d’une semaine de la finale de cette phase finale, retour sur les deux plus beaux matchs de l’année.

banlomag

Newcastle dix ans plus tard

Entre rêve et réalité, entre football et passion, entre la dernière et la première place. Si rêver est un mot souvent employé dans le monde du football, le rêve est devenu une réalité entre Georgetown et New Lambton. Qui aurait pu croire en début de saison, l’avenir de ce Newcastle Jets ? Personne. Aucun savant doué de raisonnement logique aurait-pu croire qu’un club ayant terminé dernier au classement la saison passée, se hisserait à la plus haute marche du football australien huit mois plus tard. Melbourne City à la recherche d’une victoire historique à l’extérieur dans l’espoir de hisser ce club en finale de ces finals series s’est heurté à une autre équipe qu’en championnat. Battu en phase régulière, Ernie Merrick, l’entraîneur des Jets, avait parlé de « chance » quant au fait que ces Victorians avaient eu les trois points grâce à des coups de pieds arrêtés et que pour cette demi-finale, l’aspect allait être à l’inverse. Porté par un public enivré par l’envie de voir une nouvelle fois ses Jets en finale de ces play-offs, Newcastle s’est vite mis en situation. Des phases de jeu préparées, un jeu de passe travaillé et surtout des combinaisons à deux et à trois joueurs débloquant des espaces pour Riley McGree ou Dimitri Petratos, City a vite compris qu’un public pouvait donner des ailes à une équipe amoindrie en fin de saison de championnat. Jason Hoffman, légende du club de Newcastle, était même prêt d’ouvrir la marque dès l’entame de match, en dix minutes, Newcastle montrait tout ce qui n’allait pas dans cette équipe de City, prise de vitesse en défense et ce malgré le bon début de match d’Osama Malik. La possession et le jeu ne suffisait pas à entrer directement dans le match, sur la première et rare occasion de City, Bruno Fornaroli inscrivait le tout premier but. Une action où l’Uruguayen aurait très bien pu passer à côté, Nikolai Topor-Stanley avait eu la malchance de dévier le tir non-cadré d’El Tuna Fornaroli dans ses propres filets. Ne relâchant pas la pression sur l’adversaire, Newcastle allait parfois se faire des frayeurs comme lorsque le VAR refusait un pénalty pour City ou comme lorsque les Jets voyaient leur gardien se faire une déchirure musculaire. Lorsque Newcastle passait dans les espaces de Melbourne City, Osama Malik, l’ancien joueur du Central Coast Mariners était là, dans les airs ou avec le geste juste pour contrer une attaque des hommes en bleus. Melbourne City était à des années-lumière de son jeu habituel, celui ayant permis à ces Citizens de battre Brisbane Roar au tour précédent. Cantonnés à défendre, la soirée leur portait pourtant chance quand le dernier geste des joueurs du New South Wales était trop imprécis pour venir égaliser. Si les supporters de Newcastle espéraient, les joueurs espéraient encore plus fort. Chaque angle, chaque opportunité, chaque espace était utilisé pour y placer un tir. Dimitri Petratos essayait même un coup-franc de quarante mètres qui terminait sur la barre. Newcastle voulait provoquer sa chance et ne pas terminer sa saison à domicile. Dans une action d’école, Riley McGree allait aboutir à un une-deux avec Ronald Vargas puis égaliser. Il y a plusieurs façons de marquer un but et il y a celle de Riley McGree.

Le jeune espoir australien parlait de « chance » quelques jours plus tard, parce-que cette égalisation avait fait le tour du monde. Une aile de pigeon, à l’entrée de la surface, pour lober Dean Bouzanis, spectateur et acteur passif d’un des plus beaux buts de l’année. Newcastle signait son retour et la fin de Melbourne City. Les joueurs du quartier de Bundoora sont restés à l’arrière, à attendre une faute ou la fatigue des adversaires pour attaquer. Il n’en fut rien. Tel un signe dans le ciel australien maqué de bleu et de rouge ce soir-là, Jason Hoffman, présent lors de l’unique titre de ces Jets en 2008, expédiait un mauvais contrôle du malheureux Osama Malik au fond des filets de Bouzanis. Melbourne City manquait par deux fois de revenir au score quand Warren Joyce tentait à nouveau de faire entrer son « super-sub » Nick Fitzgerald pour égaliser. Trop tard. Melbourne restera une année encore en dehors des projecteurs, tout le succès de l’année reviendra à des Jets qui dix ans après leur titre pourraient relever l’exploit de passer de lanterne rouge à champion en titre.

Newcastle Jets était amoindri en fin de saison. Le départ d’Andrew Nabbout a clairement réduit l’impact des pensionnaires du McDonald Jones Stadium couplé à la baisse de forme de Roy O’Donovan. Mais malgré cette efficacité moindre, Newcastle a su se relever grâce au match incroyable gagné à domicile contre l’adversaire principal le Central Coast Mariners (8-2) qui a redonné de la compétitivité et une forme au club. Dix ans après son dernier titre, Newcastle a l’opportunité de réitérer et de se replacer sur l’échelle nationale dont le club avait disparu à la suite de managements ratés. Ce succès est aussi celui de Lawrie McKinna, le président transpirant la passion. Déjà présent dans la tribune des supporters lors du dernier match du championnat, McKinna était bras levés pour le match face à City. Un président quasi-joueur capable de porter un maillot du club en interview des jours après le match. Si Newcastle Jets perd en finale, le message transmis au football australien reste tout de même fort : tous les clubs doivent tendre à ressembler aux Jets avec un stade à taille humaine, un projet, des joueurs dévoués pour l’objectif et un entraîneur à qui l’on fait confiance même après une série de défaites.

Du côté de Melbourne City, c’est un nouvel échec, faute cette fois-ci à une ferveur moindre que son adversaire poussé par pas moins de 20 000 supporters. City reste une place forte du championnat mais encore trop tendre pour soulever le Championship. Heureusement, Daniel Arzani a donné son souhait de rester une saison supplémentaire au club. C’est maintenant à Warren Joyce de faire en sorte qu’en octobre 2018, Melbourne City soit à nouveau prêt à aller chercher les plus hautes places du championnat national pour se mettre dans les meilleures conditions en finals series.

Coup de massue et coup d’éclat

Coup de tonnerre. À l’échauffement du match, Rhys Williams était contraint de laisser ses partenaires du Melbourne Victory jouer cette demi-finale face au Sydney FC sans lui. Le défenseur blessé, Kevin Muscat a dû bricoler sa défense en intégrant Stefan Nigro dans le onze de départ puis appeler Josh Hope pour venir prendre la place de Nigro sur le banc. Au même moment, les bookmakers retiraient leur mise donnant le Melbourne Victory vainqueur. Déjà à armes égales, il était difficile de batailler des Sky Blues dans leur quête historique de conquérir un doublé Premiership – Championship sur deux saison d’affilé. Comme au dernier match du championnat, la partie était stratégique et les deux clubs n’attaquaient pas dès le premier quart d’heure, laissant le temps à leurs entraîneurs respectifs de comprendre les faiblesses de l’adversaire. Melbourne Victory et Sydney FC sont deux astres du championnat, habitués aux grands matchs. Si en championnat les matchs sont moins intenses, la ligue australienne allait vivre un autre évènement après avoir vécu un match extraordinaire entre City et Jets. Parce que Sydney FC n’a pas été au-dessus de son adversaire lors de cette rencontre capitale, parce que Melbourne Victory est allé puiser au plus profond de lui-même pour quitter l’Allianz Stadium, forteresse des Sky Blues, avec un ticket pour la finale. Adrian Mierzejewski a pourtant donné le tempo des Sky Blues. Homme de match, le polonais était à l’origine de leur ouverture du score quand Stefan Nigro déviait dans ses propres filets le ballon. Mais le Big V n’était pas assommé et partait de l’avant en profitant des erreurs de Sydney pour revenir et passer devant à la marque. Le deuxième but des Victorians était l’image d’un Sydney FC, présent sur le terrain, capable de marquer mais délicat dans le jeu de passe. Une passe en retrait ratée de Joshua Brillante, des défenseurs happés par l’aura de Besart Berisha et laissant un James Troisi seul face à Andrew Redmayne. Les Sky Blues s’étaient alors mis dans une position inconfortable où il était incroyable de croire à leur élimination, d’autant plus en face de leur public. Brendan O’Neill était pas loin de remettre les compteurs à égalité mais c’est surtout Lawrence Thomas, le portier du Melbourne Victory, qui revêtait la cape de géant. Thomas a écœuré les ultimes offensives de Mierzejewski et de ses partenaires. Kevin Muscat lançait ses dernières cartes avec l’entrée de Kevin Athiu à la place d’un Berisha surpris de son remplacement. L’Albanais, mécontent, aura tout de même été présent sur le banc à supporter ses partenaires dans les dernières minutes. Le jeune Athiu donnait même raison à son entraîneur, sa fraîcheur et son envie était proche de clouer le match. On jouait les dernière secondes du match, il en restait six dans le temps additionnel et Terry Antonis envoyait un centre de la dernière chance de Mierzejewski dans ses propres filets. Une action incroyable de par son scénario. Les cartes étaient redistribuées, mentalement, Melbourne ne pouvait pas revenir et Sydney était aux anges. Terry Antonis allait alors vivre ce que seul le football peut engendrer. De fautif à héros, l’ancien joueur du PAOK est allé faire un sprint de soixante mètres pour délivrer ses partenaires à la 117e minute. En pleurs, Antonis parvenait tout juste à comprendre l’exploit qu’il venait de réaliser. Melbourne sortait le Sydney FC, dans un Big Blue Derby à Sydney. Le Big V venait de mettre un terme à l’ère de Graham Arnold au Sydney FC.

Toute la communication du Sydney FC aura tournée autour de ce second double-titre. Voir Melbourne Victory sortir un Graham Arnold, très peu considéré sur le plan national, ravira les supporters des autres clubs. Les Sky Blues made in Graham Arnold ont ainsi vu arriver leur fin et doivent désormais se tourner vers un nouveau cycle. L’heure est maintenant à la digestion de cet échec, à la recherche d’un nouvel entraîneur et aux prolongations de contrat. Sydney FC ne sera donc pas le « Manchester United » de la A-League, Kevin Muscat aura apprécié de jouer le fauteur de trouble. Maintenant, Arnold prendra la tête de la sélection nationale pour les quatre prochaines années. Qu’en deviendra-t-il des Sky Blues ? Une question dont on ne se soucie guère à Melbourne. Le club redore son blason et se venge de la défaite en finale de la saison passée en répondant mentalement plus fort face à un adversaire très aguerrit. Melbourne aura notamment laissé des plumes durant ce combat. Rhys Williams ne sera pas de la finale, les joueurs auront eu trente minutes de compétitions intenses en plus dans leur fatigue musculaire et Kevin Muscat sera orphelin de ses deux entraîneurs adjoints expulsés durant la rencontre. Le Big V se place en outsider dans cette finale du fait des statistiques passées et ira jouer une finale de nouveau à l’extérieur face à leur ancien coach. Le Big V garde son expérience dans ce genre d’enjeu, là où les Jets sont encore dans l’éphorie d’y retrouver la sensation.

Antoine Blanchet-Quérin
Antoine Blanchet-Quérin
Spécialiste du football australien, néozélandais et océanien pour Lucarne Opposée.