Le 27 avril 2018, l'image de la poignée de main entre Moon Jae-in et Kim Jong-un a fait le tour du monde. Dans la foulée, les deux hommes ont signé la Déclaration de Panmunjom qui promet la paix sur la péninsule coréenne. Parmi les articles de ce texte, un rapprochement sur le plan sportif est évoqué, mais la Korea Football Association ne semble pas vouloir aller dans ce sens. Explications.
« Sur le front international, les deux parties sont convenues de faire la démonstration de leur sagesse, de leurs talents et de leur solidarité collective en participant conjointement à des évènements sportifs internationaux comme les Jeux asiatiques 2018. »
L'unification par le sport des deux Corée n'aura pas attendu la déclaration de Panmunjom pour se faire. En 1991, les deux pays participent conjointement aux Championnats du Monde de ping-pong se déroulant au Japon lors desquels le double mixte remporte la médaille de bronze et l'équipe féminine remporte la médaille d'or. Pour les cinéphiles, l'histoire de ces quatre jeunes filles a été portée sur grand écran en 2012 avec As One (Korea en version originale) de Moon Hyun-sung. Toujours en 1991, les deux Corée envoient une équipe unifiée à la Coupe du Monde U20 au Portugal qui est sortie en quart de finale par le Brésil (5-1) après avoir battu l’Argentine de Pochettino, Cocca et Esnaider en phase de groupe.
Vingt-sept années plus tard, lors des Jeux Olympiques de Pyeongchang en Corée du Sud, l'équipe féminine de hockey dispute le tournoi avec des joueuses du nord et du sud. Enfin, cette année également, les deux pays se sont réunis en plein milieu des Championnats du Monde de ping-pong en Suède, s'évitant par la même occasion de s'affronter en quart de finale du tableau féminin et de se qualifier directement en demi-finale. Ils décrocheront la médaille de bronze. Par ailleurs, les deux pays ont défilé sous le même drapeau lors des Jeux Olympiques d'été 2000 et 2004, des Jeux Olympiques 2006 et 2018 et lors des Jeux Asiatiques 2002 et 2006.
La déclaration de Panmunjom n'apporte donc rien de nouveau mais pose les bases d'une potentielle participation commune aux Jeux Asiatiques 2018 à Jakarta. Bien avant ce 27 avril 2018, le Ministère de la Culture, du Sport et du Tourisme sud-coréen avait approché quarante fédérations nationales pour connaître leur point de vue sur une réunification des athlètes à Jakarta. Seulement sept sports ont manifesté un intérêt : le ping-pong, le basketball, le judo, la gymnastique, le soft tennis, le canoë et l'aviron.
La Korea Football Association, pourtant toujours favorable à une collaboration avec le Nord, ne s'est pas déclarée favorable à une équipe unifiée. Plusieurs raisons sont avancées avec pour exemple la récente expérimentation de l'équipe unifiée de hockey comme la barrière de la langue puisque malgré une histoire et une culture commune, les deux pays ont développé un vocabulaire différent qui a causé bien des problèmes aux hockeyeuses ou bien le manque de temps pour former une équipe compétitive. Deux raisons qui ne sont pas vraiment recevables dans la mesure où finalement, très peu de joueurs nord-coréens peuvent tenir la comparaison avec les joueurs du sud, à moins qu'un quota de joueur soit imposé. Le seul qui puisse potentiellement se faire une place est le jeune Han Kwang-song qui évolue en Italie. D'autre part, Kim Hak-bum, nommé à la tête des moins de 23 ans en début d'année, aura très peu de rassemblement avec toute son équipe.

Finalement, la principale raison, pourtant non évoquée lors des tractations si on en croit un membre de la KFA, est le service militaire des jeunes sud-coréens. Pour rappel, le service militaire est toujours effectif en Corée du Sud et concerne tous les jeunes hommes entre 18 et 31 ans. Cependant, un athlète masculin sud-coréen qui remporte une médaille aux Jeux Olympiques ou une médaille d'or aux Jeux Asiatiques en est exempté. Pour les footballeurs, qui n'ont pas d'exemption, leur service militaire peut s’effectuer au sein de Sangju Sangmu ou Asan Mugunghwa (lire Sangju Sangmu FC, “We are real soldiers”), avec comme conséquence de voir aussi leur chance de rejoindre l'Europe s'amoindrir. Il est donc difficile d'imaginer la KFA priver des joueurs sud-coréens d'une potentielle exemption, surtout que la Corée du Sud est ultra favorite pour cette compétition. La compétition étant ouverte aux joueurs de moins de 23 ans, la liste des prétendants est impressionnante : Song Bum-keun, Hwang Hee-chan, Lee Seung-woo, Paik Seung-ho, Kim Min-jae, Cho Young-wook, Lee Keun-ho, Han Chan-hee, Seo Young-jae, Hwang Hyun-soo, Jang Yun-ho ou encore Lee Jin-hyun. Le tournoi autorise aussi les équipes à sélectionner trois joueurs de plus de 23 ans et Kim Hak-bum a bien l'intention de faire venir Son Heung-min pour qu'il puisse enfin obtenir une exemption de service militaire. Mais le joueur de Tottenham n'est pas le seul à prétendre à une wild-card puisque les « Français » Kwon Chang-hoon ou Suk Hyun-jun peuvent aussi espérer figurer dans l'équipe.
Tant que le service militaire sera obligatoire en Corée du Sud, il semble impossible que la KFA accepte de s'allier avec le Nord pour la catégorie U23 participant aux Jeux Olympiques et aux Jeux Asiatiques, afin ainsi d’éviter de mettre en « danger » la carrière de certains éléments. Une problématique qui ne concerne toutefois pas l'équipe A, ce qui pourrait peut-être entraîner à l'avenir une participation conjointe des deux Corée à des Coupes d'Asie et des Coupes du Monde. Mais le chemin semble encore long avant de voir une telle chose se produire.


