La Thaïlande accueillera une partie des matchs de phase de groupes de la prochaine édition de la ligue des champions asiatique en juin prochain et c’est peu dire que la stupéfaction est de mise parmi les observateurs du football local.
Décembre 2020, alors que l’ACL version 2020 bat son plein au Qatar, rumeurs et spéculations vont bon train sur les pays qui feront office de terres d'accueil de l'édition 2021 de la plus prestigieuse compétition asiatique continentale. Australie, Japon, Chine, Corée du Sud… Alors que la liste des prétendants, dont le prestige sur le plan des infrastructures footballistiques ne fait aucun doute, s’allonge, certains esprits blagueurs en Thaïlande proposent alors, sous forme de boutade la plupart du temps, que le pays du sourire ouvre ses bras aux équipes asiatiques lors de la phase de groupes. Entre moqueries et fatalisme, les réactions à cette proposition ne suscitent en aucun cas une once d’espoir de voir une telle compétition avec, tout cela implique en termes d’organisation, se dérouler en Thaïlande. Oui mais voilà, le football étant un puits sans fond de surprises et de retournements, il s'avère que la blague vient de se transformer en réalité et qu'au-delà d’une euphorie tout à fait compréhensible, de sérieuses questions se posent.
Si l'on analyse ce choix de la confédération asiatique sous le prisme de la sécurité sanitaire, tout porte à croire que la Thaïlande est le candidat idéal. Pays au taux de mortalité de la COVID-19 parmi les plus faibles du monde (85 décès pour environ 70 millions d’habitants), le pays a su gérer la crise sanitaire au point d’autoriser à nouveau le public à assister aux rencontres du championnat local. Cette gestion, rigoureuse mais néanmoins efficace, a donc sûrement pesé lourd dans la balance au moment du choix fait par la confédération. Toutefois, l’argument sanitaire semble se heurter aux problèmes liés aux infrastructures.
Premier point, les stades, qui de fait, sont pour le moins inégaux en termes de modernité et de capacité d'accueil. Bangkok, dont deux clubs sont qualifiés pour la compétition (BG Pathum Thani et Port FC), possède deux stades dignes de ce nom pour accueillir les matchs : le stade national Rajamangala (50 000 places) et le stade Thammasat (25 000 places). Si ces deux enceintes semblent tenir la corde pour héberger les rencontres, cela semble un peu limite au vu des douze équipes et dix-huit rencontres qu’il faudra repartir. C’est à partir de là que le micmac organisationnel commence. À trois cents kilomètres de Bangkok, la ville de Buriram et sa flambante neuve Chang arena ont tout du candidat idéal pour participer à la fête. Ville réputée pour l’organisation d'événements sportifs haut de gamme tel que la course de moto GP, Buriram possède un stade d’une modernité rare en Asie sud-est. Cependant, est-ce que les dirigeants de Buriram United seraient intéressés à l'idée d'accueillir une compétition à laquelle ils ne sont pas qualifiés ? Le débat est ouvert ici, et quoi qu'il en soit, toute cette histoire va donner lieu à de longues négociations politico-sportives sur le plan local et entre les clubs.
L’autre bijou du royaume en termes de stade est le Mitr Phol stadium de Ratchaburi. Certes doté d’une capacité modeste (10 000 places) le stade se targue néanmoins d'être le plus marketing friendly et de posséder une pelouse digne des plus beaux billards des stades de la premier league anglaise. De plus, il est l’antre du troisième club thaï qualifié de la compétition, le Ratchaburi FC. Tout semble donc aller pour que cet endroit puisse abriter les futures rencontres, si ce n’est un détail, celui des infrastructures hôtelières. Ville modeste et non-touristique située à l’ouest de Bangkok, Ratchaburi n’a, contrairement à Buriram, ni l'expérience ni les infrastructures pour accueillir l’organisation, même partagée, d’une compétition telle que la ligue des champions.
Le dernier cas est celui de Chiang Rai. Ville très touristique et agréable, la ville abrite le club du même nom en lice dans les barrages de la compétition. Si le stade Singha Park semble avoir le potentiel pour y voir le déroulement de certaines rencontres, le problème géographique va se poser. Située à l'extrême nord du pays, Chiang Rai est très excentrée par rapport à Bangkok et ses alentours et tout voyage vers la capitale requiert une heure d’avion. Dans un tournoi qui verra une rencontre tous les trois ou quatre jours, est-ce que ces voyages seront acceptés par les clubs concernés ? À voir.
Actuellement dans une démarche de réouverture au tourisme international, la Thaïlande peut et doit se servir de cette opportunité donnée par la confédération asiatique, pour montrer qu’elle a les épaules pour assumer une telle charge organisationnelle. Cependant, comme mentionné ci-dessus, il va falloir trouver les solutions aux différentes problématiques géographiques et celles liées à des infrastructures sportives existantes mais encore un peu justes. Nul doute que le pays répondra présent comme il le fait la plupart du temps quand il s’agit d’organiser des événements de toutes sortes. Il va sans dire que même si cette nomination représente un sacré défi pour les organisations locales, elle représente un beau cadeau pour les supporters et amoureux du football en Thaïlande qui auront l'opportunité de voir les plus belles écuries du continent asiatique dans des tribunes de stade. Dans le contexte mondial actuel, cela n’a pas de prix.