Le 11 avril dernier, la finale de la FA Cup a sonné le glas d’une interminable saison 2020/21 en Thaïlande. Il aura fallu quatorze mois et un calendrier calqué sur celui des championnats européens pour venir à bout de toutes les compétitions domestiques, dont la tenue des matchs a été dictée par les caprices d’un certain virus connu et pour le moins tenace.
Du couronnement de BG Pathum Thani au retour chevaleresque de Buriram, en passant par l'écroulement de Sukhothai et l'émergence de clubs de campagne, ce serait un euphémisme de dire que la saison de football au pays du sourire fut riche en rebondissements et histoires incroyables. Lucarne opposée vous propose donc de revenir sur les épisodes marquants d’une saison qui restera dans les annales.
La première étape de ce bilan s'arrête dans l'extrême nord de la Thaïlande, où le club phare de la région, Chiang Rai United, vient de remporter la FA Cup aux dépens du Chonburi FC. Avec ce nouveau titre qui leur permet un accès direct à la phase de groupe de ligue des champions, tout porte à croire que les Beetles (surnom du club) ont réussi haut la main leur saison.
Quatrième du championnat, le club s’illustre localement de la plus belle des manières en remportant son sixième trophée depuis 2018. Toutefois, ce tableau idyllique cache une interrogation sur la stratégie du club sur le long terme. Champion en 2019, Chiang Rai United souhaite devenir le nouveau patron en Thaïlande. Moins clinquants que les Buriram United et autre Muangthong Thani, les nordistes ont pour objectif de prouver qu’ils ne sont pas là par hasard et que les réticences dont ils font l’objet sont infondées. Si l’armoire à trophée a encore une fois pu se remplir cette année, le club a cependant connu une phase terriblement négative fin 2020 dont le point d’orgue fut le licenciement brutal de l'entraîneur japonais Masami Takim quelques jours avant la campagne de matchs de ligue des champions au Qatar.
Cette soudaine éviction du coach nippon, avant la plus prestigieuse compétition continentale, a suscité quelques moqueries dans le paysage footballistique thaï. En effet, certains observateurs se sont délectés de l’amateurisme d’un club qui veut pourtant jouer les gros bras sur le plan national. En autogestion pendant quelques jours, l'équipe est alors reprise par le Brésilien Emerson Pereira quelques heures avant l’embarquement pour Doha. Avec un entraîneur tout frais et des joueurs déstabilisés par ces multiples remous, Chiang Rai livre des prestations inégales dans cette phase de groupes de ligue des champions. Après une défaite cinglante contre le FC Seoul cinq buts à zéro, l'équipe parvient à faire preuve de résilience et livrer des prestations convenables le reste de la compétition avec une victoire et deux nuls. Ce redressement ne suffit pas, les Beetles terminent dernier du groupe, et suscitent un sentiment de frustration, celui d’un rendez-vous manqué.
Le reste de la saison de Chiang Rai est à l'image de ce qu’ils ont montré en ligue des champions, alternant prestations convaincantes et matchs complètement ratés, dont le symbole ultime est l’absence d'identité dans le jeu. En effet, quand d’autres équipes du championnat s’illustrent par un style de jeu bien défini, le club nordiste ne parvient pas à dégager une identité tactique, ce qui donne le sentiment que la réussite de l'équipe se base souvent sur un dépassement de fonction de ses individualités tels que Sivakorn ou le brésilien Bill. Malgré un jeu et des prestations aléatoires, Chiang Rai est quand même parvenu a remporté la FA Cup et se qualifier pour la prochaine ligue des champions, ce qui prouve que, même dans la difficulté, ce club a les épaules pour devenir un grand à l'échelle locale.
Cette finale de coupe, contre une équipe de Chonburi convalescente, illustre parfaitement l'année qui vient de s'écouler. Une prestation neutre dont les ingrédients sont une pincée de solidité à laquelle on ajoute de la réussite et une belle force mentale, qui permettent aux joueurs de soulever la coupe à la suite d'une séance de tirs aux buts. On pourrait comparer les prestations de l'équipe a un film moyen, au scénario bancal et sans vraiment de direction d’acteurs, mais se terminant par un climax tellement beau qu’il en ferait presque oublier le reste du long-métrage.
Si la saison qui vient de s’achever semble satisfaisante sur le plan statistique, il faut cependant que le club nordiste construise un projet à long terme en se basant sur ses forces. Ces dernières sont nombreuses et prometteuses. Un entraîneur charismatique et apprécié en la personne d’Emerson Pereira, de talentueux joueurs locaux tels que Phitiwat, Sivakorn ou encore Ekanit Panya, ainsi que des joueurs étrangers qui apportent une superbe plus-value à l'image du milieu coréen Cho Ji-hun. Avec ces atouts, il est donc grand temps pour Chiang Rai United de terminer sa crise d’adolescence et d’afficher ses ambitions, celles d’un club qui doit devenir le plus important du pays.