Après la période de recrutement de valeurs sûres et de grands noms, la MLS mise désormais souvent sur l’avenir. Avec au sein des recrutements internationaux, la chasse au joueur argentin est devenue une tendance forte. Explications d’un phénomène qui n’est pas prêt de s’arrêter.

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Ce n’est pas un phénomène nouveau : depuis les débuts de la ligue en 1996, plus d’une soixantaine d’Argentins ont rejoint les États-Unis et le Canada. Mais leur nombre est en constante croissance. Historiquement, le nombre de joueurs sud-américains a toujours été très haut en MLS. Avec vingt-quatre joueurs cette année, les Argentins sont la première démographie non-américaine (USA et Canada) ; ils possèdent le deuxième plus gros total de buts dans la ligue, un nombre qui devrait encore grandir aux vues des nouvelles acquisitions dans la ligue.

Plusieurs Argentins possèdent aussi le statut de « joueurs désignés », ces joueurs qui ont le droit, depuis l’arrivée de Beckham en 2007, de dépasser le cap salariale (qui se trouve autour d’un demi-million de dollar). Plusieurs joueurs de calibre international comme Sebastian Giovinco, David Villa ou Bastian Schweinsteiger sont dans cette catégorie, tout comme de nombreux argentin. Ces derniers sont pour la plupart arrivés dans la ligue au début des années 2010, tous pour différentes raisons, en suivant les exemples de Marcello Gallardo ou Guillermo Barros Schelotto, les premiers joueurs désignés argentins.

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Profils rares

Pour Federico Higuaín, qui est arrivé en 2012, la MLS était la possibilité de trouver le succès qu’il n’avait jamais pu avoir en Europe. Ethan Finlay, qui jouait à l’époque avec le Columbus Crew, se souvient : « Bon nombre d’entre nous se disait ‘Wow, c’est Higuaín. On a signé un mec du Réal Madrid’, c’était la première pensée qui nous avait traversé l’esprit quand on a entendu son nom, et c’était d’ailleurs le seul Higuaín qu’on connaissait ». En effet, malgré quelques bonnes saisons dans son pays natal, le frère de Gonzalo n’a jamais réussi à s’imposer en Europe. L’exil aux États-Unis était un moyen parfait pour cultiver son talent and obtenir la renommée qu’il souhaitait. Là-bas, il est devenu un joueur âgé mais talentueux, capable des plus grands revirements de matchs grâce à son talent technique, et il a appris à gérer sa position de joueur à gros salaire et la pression qui va avec. Higuaín est le type de joueur argentin que la ligue cherche : un numéro 10, un joueur qui va changer le cours d’un match à l’aide d’une passe, d’un dribble et un leader sur le terrain. Avec les même qualités, Ignacio Piatti fut signé par l’Impact de Montréal en 2014 après pas mal de galères en Europe et un come-back réussi en Argentine à San Lorenzo. À Montréal, Piatti est devenu un des joueurs les plus populaires de la région et de la ligue, mettant même de l’ombre au roi Drogba lors de son séjour montréalais, avec des statistiques excellentes : plus de 17 buts lors des saisons 2016 et 2017. Son arrivé en MLS était un soulagement pour un joueur qui a connu pas mal de problèmes avec le versement de ses salaires en Argentine, comme au Gimnasia de La Plata, où il connut plusieurs mois sans salaire. Ces problèmes sont évités aux États-Unis, où il peut aussi se libérer de la pression des médias argentins : « Je sais ce que c’est de vivre en Argentine. J’ai beaucoup joué au football là-bas, et si tout allait bien, j’étais Messi, mais si ça n’allait pas, j’étais un désastre », il avoue au micro d’Univision Deportes avant de poursuivre : « Et vous devez vivre avec cette pression en restant coincé à la maison, car il n’y a vraiment pas de vie privée. J’aime vraiment cette ligue (La MLS), elle grandit très vite, il y a des joueurs de qualité venant du monde entier, et j’aime surtout la vie que j’ai à Montréal ».

Le style de vie est en effet une des premières raisons données lors d’un départ aux États-Unis, avec le salaire. Diego Valeri, un autre joueur désigné et numéro 10 argentin, cette fois-ci au Portland Timbers, était parfaitement titulaire dans le club de sa ville natale, Lanús, près de Buenos Aires. Un jour, alors qu’il conduisait sa BMW, il fut volé et menacé, une arme à feu sur la tempe. Sa femme et sa jeune fille étaient aussi dans la voiture. « Après ce moment, on a commencé à penser à des opportunités pour jouer à l’étranger dans différents endroits du monde », raconte-t-il au New-York Times, « Des situations comme ça sont dures à changer pour les argentins. Ce n’est pas facile de vivre, au jour le jour, en particulier à Buenos Aires », confie-t-il dans une interview pour la MLS, « je suis né et j’ai vécu toute ma vie à Lanús mais Portland est ma deuxième maison, à chaque match j’essaye de montrer à quel point je veux remercier la ville et ces habitants ». Depuis, Valeri est devenu une des plus belles histoires de la MLS, en gagnant par exemple le trophée de meilleur joueur la saison dernière, devant des noms comme David Villa et Sebastian Giovinco. Il a déjà parlé de son souhait de prendre sa retraite à Portland ; sa jeune fille jouant pour les divisions juniors de l’équipe féminine. Caleb Porter, l’ancien coach des Portland Timbers, a signé six autres argentins après Valeri, et explique pourquoi dans le New-York Times : « Certains pays produisent certaines positions plus que d’autres. En MLS, toutes les équipes cherchent des éléments créatifs, et tu sais que tu peux en trouver en Argentine ». Les succès décrits ici ont ouvert des portes, ont confirmé ces choix.

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Nouvelle vague

Cette mode du créateur argentin est loin d’être terminée. La saison dernière, Atlanta United a révolutionné la ligue avec son football offensif, produit en particulier par de jeunes sudaméricains. Dirigé par Tata Martino, qui a dirigé la sélection argentine, l’équipe a mis la mode non pas l’achat de sudaméricain, mais leur acquisition à un très jeune âge. Vingt-six joueurs du continent ont été acheté lors de la dernière période des transferts, le plus vieux étant âgé de 27 ans et l’âge moyen étant à 22 ans.

Sept d’entre eux sont argentins, dont trois joueurs désignés. L’âge moyens de ses joueurs aux hauts salaires est aussi en plein changement. L’époque des Kaka, Andrea Pirlo ou Thierry Henry est terminée ; les clubs préfèrent concentrer leurs budgets sur des jeunes talents. Le meilleur exemple de cette mode est Ezequiel Barco, la dernière signature de Tata Martino, qui est devenu le transfert le plus cher effectué par la ligue. Venu d’Independiente pour 15 millions d’euros à seulement 18 ans. Homme clé du Rojo lors de sa conquête de la Copa Sudamericana 2017, grande promesse du football argentin, il était pourtant courtisé par certains grands clubs européens. Après les succès des précédents, les Argentins sont maintenant pris à un âge plus jeune, au contraire des Higuaín, Piatti et Valeri, avec l’intention de se développer en MLS pour ensuite partir en Europe.

Un seul problème réside pour ces jeunes argentins qui rejoignent la MLS : Contrairement à leurs compatriotes qui restent en Superliga argentine, ils ne sont jamais sélectionnés avec l’Albiceste. Alors que des joueurs évoluant avec le Paraguay, l’Uruguay ou le Chili ont reçu quelques minutes en équipe nationale, aucun argentin n’a été sélectionné pendant son temps en MLS. Sebastian Blanco ou Diego Valeri ont par exemple déjà joué sous le maillot bleu et blanc, mais jamais pendant leur temps à Portland. Pour le moment, un départ en MLS signifie une carrière internationale en pause. Mais au vu des profils rejoignant désormais l’Amérique du Nord, cela pourrait changer dans les mois à venir.

Antoine Latran
Antoine Latran
Rédacteur Etats-Unis pour @LucarneOpposee et @MLShocker, à suivre sur @AntoineLatran et @FrenchSounders