La Major League Soccer est maintenant un championnat sérieux, observé et les propriétaires sont de moins en moins là pour développer la ligue et le soccer dans leurs régions et marchés, mais de plus en plus pour gagner les trophées. Conséquence, le poste d’entraîneur est de plus en plus instable. Analyse d’un phénomène nouveau.

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L’histoire débute pour la ligue et les franchises doivent la marquer dès maintenant pour créer leur légende. Mais le nombre de franchise ne cesse d’augmenter, rendant plus difficile la conquête des trophées et les places pour les play-offs plus compliqués à atteindre, surtout quand les nouveaux venus tels LAFC ou Atlanta ne sont pas là pour jouer les seconds rôles. La conséquence de ceci, en plus de l’augmentation rapide des dépenses et des joueurs de qualités en MLS, est la progression constante des départs d’entraîneurs à la tête de franchise, dans une ligue fermée ou pourtant une mauvaise saison n’est pas synonyme de relégation. Est-ce un phénomène mondial ou juste la volonté de la ligue de s’éloigner, petit à petit, des entraineurs américains pour des profils pour internationaux ? Éléments de réponse.

2018, une année record en bat une autre

En 2017, le record du nombre d’entraîneurs ayant été remercié (ou ayant démissionné par « consentement mutuel ») avait été battu avec cinq postes laissés en pleine saison. Mais 2018 est allé encore plus loin avec -pour le moment- six postes d’entraîneurs abandonnés en pleine saison MLS. Le tout alors que s’ils ne sont évidemment pas comptabilisés parmi les partants, cinq coaches avaient été remplacés en avant-saison, cinq nouveaux s’étant installés en poste en début de saison : Rémi Garde a remplacé Mauro Biello à la tête de l’Impact de Montréal, Brad Friedel est arrivé au chevet de New England Revolution, Giovanni Savarese à Portland, Stahre au San José Earthquakes et finalement Anthony Hudson débarquait au Colorado Rapids.

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Pendant la saison, les premiers à partir ne furent pas virés, mais ont choisi de rejoindre l’Europe en plein mercato estival : Patrick Vieira céda aux sirènes de l’OGC Nice et y signa le 11 Juin, laissant son New York City FC à Domènec Torrent, l’adjoint espagnol de longue date de Pep GuardiolaJesse Marsch a quitté les Reds Bulls pour le club allemand -aussi détenu par Red Bulls- du RB Liepzig, en tant qu’adjoint. Son adjoint de longue date, Chris Armas, a ainsi pris sa place. Entre temps, c’est Jason Kreis, l’entraîneur d’Orlando City SC, qui était remercié le 15 juin, après des résultats très décevants malgré une campagne de recrutement de qualité (Justin Meram, parti depuis, Sacha Kljestan, Lamine Sané, Stéfano Pinho), remplacé par l’entraîneur de Louisville (USL, deuxième division), James O’Connor, qui pour le moment n’arrive pas à redresser le cap. Enfin, en septembre, les entraîneurs qui étaient définitivement hors des play-offs, ou qui semblaient en mauvaise position pour y accéder, tombèrent petit à petit : Sigi Schmid, le 10 septembre, parti de son poste au Los Angeles Galaxy, remplacé par Dominic Kinnear, puis Mikael Stahre le 17 (San José Earthquakes) et Carl Robinson, des Vancouver Whitecaps, le 25.  

On pourrait penser que ce phénomène est surtout dû au nombre de franchises qui augmente, ce qui signifie plus d’entraîneurs. Cependant, c’est surtout dû à un changement de procédé de la part des propriétaires qui, avant remerciaient leurs managers en fin de saison, rarement en plein milieu, mais maintenant n’hésitent plus lorsque les séries négatives s’installe. Ils étaient par exemple huit à changer d’entraîneurs avant le début de saison 2014 ou cinq en 2013.

Changement de mentalité

Comment expliquer ces changements brusques et croissants à la tête des franchises de MLS ? Le premier facteur est évidemment sportif et lié à l’augmentation du nombre de franchises. Comme dit plus tôt, le nombre de trophées reste le même, le nombre de places en play-offs n’augmente que peu, pour de plus en plus d’équipe. La pression du résultat est donc plus forte, les déçus plus nombreux. Deuxièmement, les dépenses augmentent. Certains clubs, voyant des équipes comme le Los Angeles FC ou Atlanta United dépensent en dollars pour des résultats plus que positifs, veulent les mêmes résultats avec rapidité. C’est le cas des propriétaires du Los Angeles Galaxy ou de ceux d’Orlando City, qui avaient beaucoup investi pendant la saison, mais qui n’ont pas eu les résultats escomptés, et ont par conséquent perdus leurs entraîneurs.

D’autres veulent, en conséquence, développer des victoires par d’autres moyens, avec des projets de jeux et des effectifs moins chers mais toujours de qualité, grâce à une vision de jeux développée sur le long-terme. Les exemples de Jesse Marsch au New York Red Bulls en font rêver plus d’un, et certains entraîneurs comme Carl Robinson (remercié par Vancouver) ont été remercié pour, selon de nombreux observateurs, son manque de projet. Finalement, et c’est une bonne nouvelle pour la ligue, les entraîneurs de MLS sont maintenant scrutés à l’étranger : Patrick Vieira a réussi son pari à New York avant de partir pour la Ligue 1. Mais si son nom était déjà connu des français, celui de Jesse Marsch l’est beaucoup moins. Le voir arriver (même comme adjoint) à Leipzig est une bonne nouvelle, même si elle est aussi aidée par les connexions du groupe Red Bull.

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Quel avenir pour les entraîneurs nord-américains ?

Avec la réduction de joueurs américains sur les terrains de MLS, dû à l’arrivée de la TAM (Targeted Allocation Money, un fond permettant aux équipes d’ajouter ou de retenir des joueurs qui auront un impact immédiat sur le terrain) et autres bonus monétaires de la ligue qui permet aux franchises d’acheter plus de joueurs à l’étranger, on pourrait penser que les entraîneurs américains seraient eux aussi en perte de vitesse en MLS. C’est en effet le cas sur ces deux dernières années, mais il est difficile de savoir si ce n’est qu’un effet de mode ou une conséquence définitive, considérant les variations des années précédentes.       

En tous cas, les prochains profils pourraient être internationaux. Les noms de Thierry Henry (pour le LA Galaxy, voire l’USMNT) ainsi que de Guillermo Barros Schelotto, qui a annoncé rester à Boca Juniors, jusqu’à la fin d’année, commencent à courir dans les rubriques rumeurs. Cependant, la balance devrait rester équilibrée. Pour Vancouver, le Canadien Marc dos Santos est pressenti, Caleb Porter (ex-Portland Timbers) et James Gunn (coach de soccer universitaire) sont aussi des noms qui émergent pour les San José Earthquakes et le Los Angeles Galaxy. D’autres pourraient aussi partir pendant l’intersaison (tel Veljko Paunovic, l’entraîneur des Chicago Fire, Adrian Heath, de Minnesota ou Tata Martino pourrait partir pour la sélection argentine qu’il a déjà entraînée, réelle preuve que débuter en MLS ne veut pas forcément dire s’enterrer. Preuve aussi que le championnat nord-américain a définitivement franchi un cap.

Antoine Latran
Antoine Latran
Rédacteur Etats-Unis pour @LucarneOpposee et @MLShocker, à suivre sur @AntoineLatran et @FrenchSounders