Un champion en reconstruction, des ambitieux aux dents longues, et un petit nouveau, la vingt-quatrième saison de MLS promet bien des émotions. Présentation des forces en présence.

banlomag

Vingt-quatre. S’il est un chiffre à retenir au coup d’envoi de la saison MLS, c’est bien celui-ci. Vingt-quatre comme le numéro de l’épisode 2019, vingt-quatre comme le nombre de franchises engagées après l’arrivée du petit dernier, le FC Cincinnati (dont nous vous parlions plus en détail dans le Lucarne Opposée magazine n°5). Les deux conférences se retrouvent ainsi avec douze membres et avant de partir à leur découverte, attardons-nous sur le nouveau pensionnaire de la Conférence Est.

La grande problématique qui se posait aux dirigeants des Orange et Bleu était de savoir s’il fallait (s’ils pouvaient) suivre le modèle Atlanta United, ou se caler sur celui de Minnesota United. L’un consiste à mettre des moyens considérables pour construire d’entrée un candidat au titre (avec le succès qu’on lui connait désormais), l’autre consiste à s’appuyer sur des joueurs de l’ombre pour prendre ses marques. Au final, Cincy offre quelque chose d’assez intermédiaire. Après avoir attiré Fanendo Adi dès l’USL, le petit nouveau ne joue pas dans le clinquant mais s’offre quelques habitués de la MLS : Roland Lamah, Kekuta Manneh, Darren Mattocks, Víctor Ulloa, Eric Alexander, Greg Garza (champion MLS l’an passé) ou encore Kendall Waston. De quoi construire sur du solide, du confirmé et donc pouvoir s’offrir une première saison digne de ce nom. Une saison qui aura aussi pour objectif de séduire pour attirer d’autres investisseurs après qui les dirigeants courent encore. Avec Emmanuel Ledesma dans le rôle du maître à jouer et le Français de l’étape Mathieu Deplagne dans les rangs, Cincy a de quoi y parvenir.

cincy

Conférence Ouest

Il sera évidemment bien difficile pour le petit nouveau d’espérer se mêler à la lutte pour les premières places dans la Conférence Ouest. Car à l’Ouest se trouve le club des ambitieux aux dents longues. Premier d’entre tous, le duo de Los Angeles. Du côté du Galaxy, l’énorme bide que fut la fin de saison et l’improbable élimination des play-offs lors de la dernière journée, a laissé des traces et le club a surtout misé sur une recherche d’assise défensive. Ciani et Cole sont partis, Diego Polenta arrive aux côtés de Juninho, ancien de la maison. Pour le reste, devant cela reste redoutable avec quatre DP cachés (la ligue n’en autorise que trois) : Zlatan Ibrahimović, Romain Alessandrini, et les frères Dos Santos. Le club cherchait un équilibre, pour cela, le club s’offre Guillermo Barros Schelotto qui trouve l’occasion rêvée de rebondir après une fin d’année 2018 terrible avec Boca. On sait donc déjà que le Galaxy optera pour un 4-3-3 qui mise sur l’apport offensif des latéraux, on attend de voir comment tout cela s’animera, il faudra sans doute un peu de temps, les matchs de présaison n’ayant pas été des plus fous (une seule victoire face au Vissel Kobe). L’équilibre, le LAFC l’avait rapidement trouvé l’an passé, alors il n’a pas trouvé la moindre raison de tout bousculer. Les Black and Gold conservent leur effectif, perdent peut-être en profondeur et leur pierre angulaire du milieu, Benny Feilhaber. Reste que sur le papier, le groupe de Bob Bradley doit lutter pour une place en play-offs, ne pas y être serait probablement un échec.

Attention cependant car la concurrence s’annonce tout aussi redoutable. À commencer par le Sporting Kansas. Depuis plusieurs saisons, le SKC n’est pas du genre à faire parler en dehors du terrain. Certes l’effectif mis à disposition de Peter Vermes souffle de quelques carences, notamment devant suite au départ de Diego Rubio notamment. Reste que le SKC est toujours solide, il l’a démontré en écrasant un Toluca certes en crise mais qui reste un Mexicain (et la victoire à la Bombonera n’est pas un détail pour un club venu de MLS). Le 4-3-3 de Vermes sera encore évidemment dangereux, il a dominé la Conférence l’an passé, il a tout pour continuer de le faire cette année après une présaison parfaite. Au royaume des concurrents et donc ambitieux aux dents longues, on trouve forcément les deux frères ennemis de Cascadia, Portland et Seattle. Finalistes l’an passé, les Timbers ont passé toute l’intersaison à la poursuite d’un avant-centre de très haut niveau. Bien des rumeurs ont couru, bien des noms ont été évoqués, au final, aucun n’est arrivé. Ce sera ainsi le seul point d’interrogation d’un groupe assez peu modifié. Derrière, le départ de Ridgewell va évidemment peser, mais Portland s’offre un latéral de premier plan avec l’excellent Jorge Moreira, parfait avec River Plate, jusqu’à ce qu’une blessure lui coûte sa place de titulaire. Peu de mouvements de grande ampleur dans l’effectif, Giovanni Savarese doit pouvoir emmener cette équipe vers les play-offs ou déjà assurer un bon début de saison avant de passer le prochain mercato à courir de nouveau après un vrai neuf. Peu de mouvements également du côté des Sounders. Habitués à démarrer lentement pour finir comme un boulet de canon, Seattle avait déjà préparé l’après Clint Dempsey et Brad Evans et repart donc en 2019 avec un groupe quasi intégralement identique à 2018. On attend surtout que cette équipe ne se la joue pas diesel et surtout, on attend avec une grande impatience le duo Lodeiro - Raúl Ruidíaz. Alors Seattle pourra envisager bien plus que de « simples » play-offs.

Derrière ce club des cinq, trois équipes pourraient tirer leur épingle du jeu. C’est le cas de Colorado. Difficile de faire des Rapids un candidat aux play-offs après l’horrible saison 2018 et pourtant. Car Colorado a mis le paquet durant l’intersaison pour sérieusement muscler son effectif. À commencer devant avec l’arrivée du duo Diego Rubio – Kei Kamara qui s’annonce redoutable avec Keylin Acosta pour le servir. Ensuite avec celle d’un homme qui va apporter l’équilibre, Benny Feilhaber. Anthony Hudson se retrouve désormais avec une équipe qui est suffisamment solide pour viser le top 7 même si le plus dur sera de gérer le cas de l’ancien Tim Howard qui ne veut toujours pas raccrocher les crampons et dont le cas a été souvent très gênant l’an passé. Dernier prétendant, sans doute pas celui qu’on aurait pu attendre l’an passé mais qui a pris le temps de construire mercato après mercato, Minnesota United. L’été dernier, les Loons ont musclé leur milieu et leur animation offensive en attirant deux DP, Ángelo Rodríguez et l’excellent Darwin Quintero, et Romario Ibarra. Cette saison, ils se sont attaqué à l’aspect défensif, véritable talon d’Achille de l’équipe. Vito Mannone arrive dans les buts, l’excellent Ike Opara se place en défense, Osvaldo Alonso à la récupération. Le club attire aussi l’excellent Ján Greguš au milieu et semble ainsi enfin parvenir à être capable de trouver un réel équilibre. En tout cas, après deux saisons pour découvrir, Adrian Heath se retrouve désormais à la tête d’une équipe qui va et doit clairement viser le top 7. La troisième équipe est Houston. On le sait depuis le parcours en US Open Cup l’an passé, le Dynamo est une équipe de coupe, redoutable à jouer en élimination directe. C’est ainsi qu’elle peut être amenée à poser bien des problèmes par la suite si elle se hisse en phase finale du championnat. Mais il faudra y parvenir. Le club s’appuie sur ses immortels, comme DaMarcus Beasley, mais aussi quelques talents comme Juan David Cabezas dont la saison 2018 a été plombée par les blessures et dont l’absence s’est immédiatement répercutée sur les performances de l’équipe, ou encore le formidable duo Tomás Martínez – Mauro Manotas (13 passes décisives pour le premier, 19 buts pour le second en 2018) et les fusées Quioto – Elis sur les côtés. Avec en plus les arrivées de Tommy McNamara devant, de Matías Vera au milieu, Houston s’offre une profondeur de banc très intéressante. Un vrai profil de candidat au top 7.

houston

Reste ensuite les « imprévisibles ». Du côté de Dallas, l’ère Pareja est désormais révolue, le club mise désormais sur la continuité avec ses équipes de jeunes en nommant Luchi Gonzalez, ancien directeur de l’académie au poste. Le club texan va donc probablement s’appuyer sur ses jeunes, les nombreux départs à l’intersaison et le peu d’arrivées (on notera tout de même celle de Bressan, devenu totalement indésirable à Grêmio après sa prestation catastrophique face à River en Libertadores) démontrant s’il le fallait que les Toros allaient repartir de zéro en 2019. Difficile dans ces conditions de les voir miser sur une place dans le top 7, l’objectif semble se jouer surtout sur le plus long terme, le fait que la MLS soit une ligue fermée le permettant. Même constat pour Real Salt Lake et San José. Les Claret and Cobalt misent sur la formation et se montrent peu actifs sur le marché, ne renforçant finalement pas véritablement une équipe qui s’est hissé en demi-finale de Conférence l’an passé sur un miracle. À San José, la problématique est différente. Pire équipe de MLS en 2018, les Quakes se sont offert un vrai bon entraîneur en la personne de Matías Almeyda. Mais le chantier est immense. D’une part car il s’agit d’inverser une dynamique des plus négatives, d’autre part car le pari est de le faire avec un effectif très peu renouvelé. Quelques arrivées, dont celles de Cristian Espinoza aperçu l’an passé à Boca, ou de la jeune promesse péruvienne Marcos López, mais pas véritablement de modification d’un groupe auteur d’une saison totalement ratée. Le pari est donc de remobiliser tout le monde et de jouer sur les talents de tacticien d’Almeyda. Pour jouer le top 7, ça parait compliqué mais qui sait, sur un malentendu.

Un malentendu, c’est ce sur quoi Vancouver semble miser. Le constat est un peu rude mais il faut dire que l’on ne sait pas trop comment aborder les Whitecaps pour 2019 tant tout a changé. Robinson et son absence de culture tactique sont partis, mais avec lui, plusieurs joueurs importants aussi. À commencer par le duo Kei Kamara - Alphonso Davies devant. Mais la liste est immense tant le club a procédé à une remue-ménage complet de son effectif. Il y a évidemment des arrivées intéressantes, Erik Godoy peut aider à apporter de la solidité derrière et le duo Fredy Montero – Joaquín Ardaiz a tout pour faire trembler bien des défenses de MLS. Reste à voir comment Marc Dos Santos animera tout cela dans son 4-3-3, son système favori, 4-3-3 dans lequel on attend de voir Hwang In-beom. Alors évidemment, dans le meilleur des mondes, la sauce va rapidement prendre et les Whitecaps vont se mêler à la lutte pour les play-offs. Mais souvent, le meilleur des mondes est une illusion.

Conférence Est

À l’Est, nombreux sont les candidats qui vont se battre pour aller chercher Atlanta, le champion sortant. À commencer par les deux clubs de Big Apple. Le plus sérieux sera sans doute le New York Red Bulls. Meilleure équipe de la saison régulière l’an passé avec un record de points à l’appui, auteur d’un excellent début d’année en CONCAChampions, le finaliste de conférence de la saison dernière se retrouve avec un effectif peu modifié, à l’exception du départ majeur qu’est celui de Tyler Adams pour l’un des autres clubs du groupe (le RB Leipzig). Chris Armas va pouvoir continuer à s’appuyer sur son groupe déjà très performant pour aller vaincre la malédiction des play-offs. Car il est évident que si les RB n’allaient pas au minimum en play-offs, ce sera un échec retentissant. L’appartenance à un groupe multi-club est une problématique tout aussi présente pour le voisin new-yorkais. Membre du City Group, les Blues voient certains joueurs arriver et partir en fonction des décisions de la maison mère. C’est le cas de Yangel Herrera rentré à Manchester après une saison entachée par une grosse blessure (avant d’être de nouveau prêté en 2019), ou de Valentín Castellanos arrive de la machine à triangulation qu’est le petit frère uruguayen Torque. Mais le plus gros choc pour City est clairement le départ de celui qui était City à lui tout seul : David Villa. Première grande star du club et seul à véritablement confirmer en comparaison avec les Pirlo et autres Lampard, il était l’âme de l’équipe en même temps qu’il en était sa force de frappe atomique (80 buts en 124 apparitions). Pour le « remplacer », NYCFC s’offre le Giovinco roumain Alexandru Mitriță qui devrait prendre place dans un onze au sein duquel on suivra avec attention le jeune Keaton Parks prêté par Benfica. Reste que la plus grande interrogation concernant les Blues est sur le banc. Domènec Torrent n’aura désormais plus l’excuse d’un groupe qu’il n’a pas constitué pour expliquer la débandade finale d’une équipe qui avait plutôt bien commencé l’an passé sous Viera. L’ancien adjoint de Guardiola devra aussi et surtout montrer qu’il est capable de proposer une véritable approche tactique à son équipe. Une équipe qui devrait batailler pour une place dans le top 7.

Un top 7 qu’une ancienne gloire de la MLS, DC United, peut clairement viser. La saison dernière a été remarquablement gérée malgré les difficultés. À commencer par celle de devoir jouer douze de ses quatorze premiers matchs de la saison à l’extérieur, dans l’attente de son Audi Field. Une arrivée dans le nouveau stade, couplée à celle de Wayne Rooney qui a alors totalement changé la saison de DCU. Avec une saison plus classique à venir, un groupe grandement conservé, surtout le LuchoRoo, dénomination du duo Rooney – Acosta (22 des 37 buts inscrits en deuxième partie de saison), l’apport de deux nouveaux argentins, Lucas Rodríguez devant, l’expérimenté Leonardo Jara derrière, ce DC a réellement de quoi se mêler à la lutte en haut du tableau de la conférence.

Reste donc le candidat numéro 1 à sa propre succession, Atlanta United. Du côté des Five Stripes, le titre 2018 est venu mettre fin à l’ère Tata Martino et un nouveau cycle commence, celui de Frank de Boer. Difficile d’y voir une continuité en termes de philosophie de jeu même si sur le terrain, le club n’a pas véritablement perdu de son incroyable potentiel. Miguel Almirón a certes cassé tous les records en termes de vente (27M$ à Newcastle), son remplaçant n’est autre que le meilleur joueur d’Amérique du Sud en 2018, Pity Martínez. Il est la preuve que la filière sudam du club fonctionne toujours à plein régime et son association avec un Barco que l’on espère plus présent, mais surtout avec l’homme des records, Josef Martínez promet bien des nuits blanches aux défenses de la MLS. Au rayon des interrogations, au-delà de l’aspect purement tactique, deux choix de recrutement semblent étrange : l’arrivée de Brek Shea, ancien espoir du pays qui n’a jamais confirmé, mais surtout Florentin Pogba dont le souvenir de sa dernière grande performance sur un terrain de football requiert une solide mémoire. Reste que malgré tout, Atlanta possède de grandes chances d’aller au bout, les Five Stripes ont déjà montré leur caractère en atomisant Herediano au retour en CONCAChampions après un match aller au Costa Rica raté.

philadelphie

Quelle place reste-t-il ainsi pour les autres membres de la Conférence Est ? Du côté de Columbus, la menace de la délocalisation définitivement écartée, le Crew n’a pas bousculé son effectif, demi-finaliste de Conférence l’an passé, mais s’est offert un excellent coach, Caleb Porter qui succède à Gregg Berhalter parti s’occuper de la sélection nationale. On retrouvera donc en grande partie le même onze, avec l’éternel Federico Higuaín et le bouillant Gyasi Zardes, reste à voir si cela sera suffisant pour refaire le coup du top 7. Le Crew fera sans doute partie d’une masse appeler à batailler pour un ticket en play-offs. Parmi eux, on espère trouver l’Impact qui perd Ale Silva mais réussit à attirer Maxi Urruti et qui veut surtout continuer de progresser dans sa discipline tactique et collective imposée par Rémi Garde. On attend d’y trouver aussi l’équipe qui dispose du stade à la plus belle vue de la MLS, Philadelphie. L’Union recrute intelligemment : Aurélien Collin et son expérience fera du bien dans une défense bien jeune, Marco Fabián et son génie (irrégulier mais génie quand même) pourrait apporter bien des choses au milieu, Sergio Santos et ses qualités de finisseur (auteur d’une excellente saison 2018 avec Audax) peuvent servir. À voir si Jim Curtin trouvera l’équilibre mais cet Union peut venir jouer les trouble-fêtes s’il y parvient. Son match d’ouverture donnera le ton puisque Philadelphie affrontera le champion 2017 à la dérive depuis, Toronto. Les Reds sortent d’une saison 2018 totalement ratée, sans doute plantée par l’objectif CONCAChampions, ils n’auront pas celui-ci en 2019, Toronto ayant été sortie sans gloire par les Panaméens du C.A.I. Il faut dire que le club est revenu à ses vieilles habitudes, celles de tout jeter. Giovinco et Vázquez ont quitté le club, qui a perdu ainsi une grande partie de son potentiel offensif, le recrutement n’est guère emballant à l’image du retour de Laurent Ciman en MLS après un passage désastreux en Ligue 1. La mission play-offs s’annonce compliquée pour Greg Vanney.

Elle s’annonce compliquée également pour le trio Chicago – New England – Orlando. Le Fire a attendu la fin du marché pour muscler son recrutement, C.J. Sapong et surtout Nicolás Gaitán arrivant à quelques jours du coup d’envoi de la saison et donnant un peu plus de volume au onze de départ commandé par Bastian Schweinsteiger. Rayon arrivées, à noter celle, intéressante de David Ousted dans les buts. C’est déjà un poil plus intéressant que New England qui joue la carte sud-américaine, en attirant la Pantera Caicedo qui arrive du DIM, et qui signe comme DP Carles Gil, qui possède une solide expérience européenne. Bien léger sans doute pour espérer un top 7. Reste un concurrent, Orlando City qui après avoir tenté Kaká il y a quelques saisons, tente le pari Nani cette année. Seul véritablement pari du club car à côté, Yoshimar Yotún est parti, le recrutement se fait jusqu’à l’USL. Pour une équipe qui souffrait déjà d’équilibre et de certitudes, cela partait bien insuffisant.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.