« J'aurais pleuré, sans savoir pourquoi. J'aurais pleuré à cause de l'émotion, évidemment : mais d'une émotion étrange, qui n'était ni joie ni tristesse, ni certitude ni doute, mais un peu de tout cela ensemble ; pour ces images, pour mes dessins, pour mes figurines, pour mes drapeaux ; parfois pour ce que j'aurais pu gagner, parfois pour ce que j'aurais pu perdre ; enfin, j'aurais pleuré pour la magie sans secret de cette soirée froide, de cette soirée chaude, de cette soirée impossible ». Aldyr Garcia Schlee.

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6 Juillet 2018 – 20 novembre 2018. Quatre mois, quatorze jours plus tard, la France et l'Uruguay se retrouvent comme ces vieux amis qu'ils sont devenus. 6 Juillet 2018, c'est ce jour-là que l'AUF avait validé ce match amical contre la France, prévu au départ au Parc des Princes, déménagé depuis au Stade de France depuis une certaine Coupe du Monde qui rend l'éléphant de Saint Denis « remplissable » un mardi soir congelé de novembre. La France a donc gagné, dont acte. Rien ne pourra faire vivre ce qui aurait pu être vécu, cette autre dimension dans laquelle Diego Godín a soulevé la Coupe du Monde, couronnant une grande compétition, une grande histoire, un projet avec des joueurs extraordinaires comme le capitaine, Luis, Edi, Martín, Nando... La prochaine Coupe du Monde est dans plus de quatre ans, avec ce décalage en fin d'année, quatre ans encore. Beaucoup la verront à la télévision, la page 2010-2018 va bien devoir être tournée un jour. Le plus tard possible. Quel dommage que ce match de Nijni Novgorod. Quel dommage. Quel dommage. Le voyage est la récompense...

En attendant, le prochain objectif est cette Copa América au Brésil en juin prochain. Pour se faire, l'Uruguay enchaîne les matchs amicaux et après avoir perdu contre la Corée du Sud et le Japon en octobre et avant d'aller jouer la China Cup en mars, la Celeste a décidé de jouer en Europe cette séquence de novembre avec le Brésil à Londres puis la France à Saint Denis. Le milieu et l'attaque restent les mêmes que ces dernières années avec Cavani et Suárez en pointe, devant un milieu composé de Vecino, Bentancur, et Torreira. Le quatrième du milieu est la surprise de Tabárez depuis deux mois, Gaston Pereiro. Contre le Mexique en septembre, il était entré en tant que deuxième attaquant en remplacement de Suárez. Ici, il remplace Nahitan Nandez tenu de rester à Buenos Aires pour un match entre équipes argentines. Pereiro alterne sur les côtés avec Cavani, mais a tendance à faire reculer ce dernier au milieu de terrain. Ce n'est pas encore un franc succès. Derrière, Tabárez doit faire face à une hécatombe temporaire avec les blessures de Godín, Gimenez, Coates, Varela et même Sarrachi nouvellement appelé pour sa première sélection sont blessés. Et Mayada ne peut pas être appelé à cause de l'incompétence de la CONMEBOL qui met la finale de Libertadores à cheval sur la date FIFA. Tabárez doit donc construire sa défense autour d'un ancien, sans doute l'un de ses joueurs préféré, Martín Caceres. Autour de lui, il a décidé d'appeler les joueurs des sélections de jeune pour leur apporter de l'expérience et les habituer au plus haut niveau. Contre le Brésil, on a donc retrouvé Mathías Zorrito Suárez côté gauche et Bruno Mendez dans l'axe.

Mathías Suárez est le plus âgé puisqu'il a déjà 22 ans. Il a participé à toutes les sélections de jeune de l'Uruguay puis s'est imposé, petit à petit au Defensor. C'est un caractère de cochon, qui aime bien aller au contact, mais il est aussi capable de débordement et de frappes magnifiques. Contre le Brésil, il avait face à lui un autre petit jeune, Neymar. Il a passé son match à surtout essayé de ne pas faire de faute par derrière et de ne pas commettre d'erreur trop grave. Il n'a pas été mauvais foncièrement, mais on le sentait, contrairement à son habitude, sur la réserve. Ses centres suite aux débordements ont été catastrophiques. Bruno Mendez, qui était titularisé dans l'axe contre le Brésil, était encore plus une surprise. Il est certes capitaine de la sélection U20 qui va jouer au printemps prochain la Copa América de sa catégorie, mais ses performances au Wanderers ne présumait pas d'une telle sélection. Et pourtant, il a été plus que propre, s'imposant physiquement au sol et dans les airs, ne laissant pas d'espace aux attaquants brésiliens. La défense était complétée de Diego Laxalt qui s'est imposé en six mois de temps comme le latéral droit de la sélection, aussi bon en défense qu'en apport offensif. Dans les cages, Campaña a remplacé temporairement Muslera suite à la blessure de ce dernier. L'ancien gardien du Defensor a été aussi très bon, comme à son habitude, ne concédant un but que sur un penalty offert aux Brésiliens.

Face à la France, l'équipe devrait connaître quelques modifications en défense. Erick Cabaco devrait connaître sa première sélection à la place de Bruno Mendez ou Mathías Suárez (auquel cas Caceres se déporterait à gauche, ce qui est peu probable au vu de sa nécessaire expérience dans l'axe). Derrière les attaquants de toujours, il est aussi possible que Tabárez essaie autre chose que Pereiro avec un autre créateur comme Valverdre ou De Arrascaeta. Ce sera toujours Campaña dans les cages, ce dernier cumulant de l'expérience (ce ne sera que sa troisième sélection) comme remplaçant de Muslera. Une victoire n'effacerait pas la déception, ce n'est qu'un amical de novembre, un match pas très sérieux. Et puis nous ne sommes pas ennemis. Encore moins moi. Mais quand même. Un peu...

Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba