La fin d'un long purgatoire, le bout du tunnel, la fin de la traversée du désert : voilà comment Palmeiras savoure son titre de champion du Brésil 2016, douce récompense dont le club était sevré depuis 1994. Car le Verdão revient en effet de loin, de la série B très exactement, dans laquelle il tombait en décembre 2012. Retour sur un retour au sommet accompli en seulement 4 ans par un cochon revanchard.

De l'enfer au paradis

Pour les supporters de la Palestra Italia, l'année 2012 est d'une puissante amertume : le club remporte la Copa do Brasil et se qualifie pour la Libertadores 2013… mais est relégué en Serie B à l'issue d'une saison catastrophique démarrée avec le champion du monde Felipe Scolari sur le banc (lire Brésil : et le Verdão noircit…). Palmeiras repart donc à l'échelon inférieur pour la saison 2013, une angoissante situation pour l'institution la plus titrée du Brasileirão, déjà connu tout pile dix ans auparavant. Le président coupable de cette infamie et honni par la torcida, Arnaldo Tirone, arrive alors à la fin de son mandat et cède sa place à Paulo Nobre. Plus jeune président alviverde depuis 1932 à seulement 45 ans, l'ex-pilote du Paris-Dakar ne sait pas encore qu'il sera l'homme du renouveau. Quoiqu'il en soit c'est Gilson Kleina, qui avait pri la relève de Felipão en cours de saison sans pouvoir éviter la fin tragique de 2012, que Nobre va charger de ramener Palmeiras à sa place, parmi l'élite brésilienne.

Cette mission, l'ancien assistant d'Abel Braga à l'OM va la remplir avec succès. Avec l'expérimenté et fraichement recruté Fernando Prass aux cages, Henrique (ex-Napoli 2015/2016) en défense, Marcio Araujo à la récup, auteur d'une brillante saison 2016 sous la liquette de Flamengo, le duo Leandro-Kardec devant et, bien sûr, ce diable de Jorge Valdivia à la baguette, le Verdão remporte haut la main la Série B 2013. Cette année-là, seule un autre Verdão parvient à suivre, à peu près, le rythme des paulistanos : un certain Chapecoense (lire L'histoire d'un nom (21) : Associação Chapecoense de Futebol). Le retour en Série A la saison suivante va être plus chaotique. L'année de son centenaire, Palmeiras s'offre, après trois journées de championnat, l'argentin Ricardo Gareca, actuel sélectionneur du Pérou. Ce dernier ne tiendra que neuf matchs (douze en comptant la Copa) et laissera o Porco à trois unités de la zone rouge. C'est Dorival Junior, l'actuel entraineur de Santos, que Nobre va appeler en catastrophe pour jouer au pompier. Palmeiras attendra finalement les toutes dernières journées pour officialiser son maintien, que les alviverdes doivent surtout à la nullité de leurs concurrents plus qu'à leurs propres performances.

Il y aura fallu traverser une sacrée tempête, mais le capitaine Nobre a bel et bien réussi à stabiliser la course du vaisseau Verdão. Il est désormais temps de regarder vers l'avant et reconquérir les sommets. Cette nouvelle aventure commence avec un nouveau pilote, Oswaldo de Oliveira, et un équipage renforcé, taillé pour la performance, dont Dudu, Zé Roberto et un certain… Gabriel Jésus sortant tout droit du centre de formation. L'effectif se fait la main sur un estadual dont il finit finaliste, puis entame le gros morceaux, le Brasileirão. Un mauvais départ à très vite raison d'Oswaldo, qui laisse sa place sur le banc à Marcelo Oliveira, double champion en titre avec Cruzeiro. Palmeiras trouve enfin avec le technicien mineiro, un rythme de croisière correct, effectuant un parcours digne de ce nom qui le fera même pointer à la 4e place à dix journées du terme. O Porco s'écroulera en fin de parcours mais l'important est ailleurs : En Copa do Brasil le club enchaine les succès, sortant tour à tour Cruzeiro, l'Internacional (qui est alors encore à la hauteur de sa réputation) puis Fluminense, pour retrouver le voisin santista en finale. Ce même Santos qui les a battu en finale du Paulista il y a quelques mois, cette même baleine blanche mythique qui lui tient tête au rang des équipes les plus titrés du pays. Au bout d'une séance de tirs au but électrisante, le portier Fernando Prass se saisit de son harpon le plus aiguisé, et terrasse le légendaire cétacé. Cette fois-ci, au contraire d'Achab et des vainqueurs du trophée de 2012, le Palmeiras de 2015 et son héros ganté ne coulent pas avec leur gloire. Le peuple alviverde peut savourer ce titre désormais totalement dépourvu d'amertume.

La Copa, c'est une chose, mais le Brasileirão en est une autre, bien plus importante au yeux d'un club de la stature de Palmeiras. Nouveau passage à quai, nouvelles améliorations et voilà notre Verdão paré pour 2016. De nouvelles têtes font leur apparition dont Jean, qui a déjà bien bourlingué avec Fluminense, Yerry Mina, solide défenseur colombien, Moises, revenant d'une expédition en Dalmatie, ainsi que les jeunes promesses Roger Guedes et Tchê Tchê. Les adversaires ne riront pas bien longtemps de l'atypique patronyme de ce dernier… L'alchimie va toutefois mettre un certain temps à se faire et comme en 2015, le pilote du navire est débarqué après quelques mois de voyage. Marcelo Oliveira est donc prié de refiler sa casquette à Cuca. Réputé pour son caractère bien trempé, le coach aux faux airs d'Allan dans Tintin va mettre tous ses matelots au pas et redresser la barre, au prix de parcours boiteux en Libertadores et en Paulista.

L'entrée de Palmeiras dans le Brasileirão va annoncer la couleur : le Verdão pulvérise l'Atlético Paranaense 4 à 0. Lors de ce match, face à un effectif de qualité d'ailleurs promis à une bonne saison, Prass et ses coéquipiers écrasent leur adversaire. Un match référence dès la première journée. Avec un Prass impassable et un Gabriel Jésus en feu, que désormais toute l'Europe s'arrache, le super-cochon de Barra Funda mène un train d'enfer et se cale à la première place à partir de la 8e journée. Seulement voilà : les JO de Rio pointent le bout du nez et font payer la rançon du succès au Verdão, en privant le club de ses deux moteurs pour un gros mois. Tous les observateurs s'accordent alors pour sonner le glas du bon début de saison alviverde. Les deux matchs qui suivent les départs du capitaine et de l'enfant prodige, vont dans un premier temps donner raison aux sceptiques. Palmeiras tombe face à l'Atlético Mineiro de son ancien coach Marcelo Oliveira (16e journée), puis contre un Botafogo qui ignore encore qu'il se lance dans une incroyable série de de succès (17e journée). Alors que le vaisseau tangue dangereusement, perdant même le fauteuil de leader, Cuca va parvenir à garder le groupe solidaire et concentré. Si bien que le grain est de courte durée, les voiles se gonflent à nouveau et Palmeiras recommence à filer au vent à toute berzingue. C'est à ce moment que l'on prend conscience de la solidité de l'effectif alviverde : le bahianais Jailson remplace Prass avec brio, Vitor Hugo tiens la charnière centrale avec la force de caractère de son (presque) illustre homonyme, Jean et Zé Roberto font habilement parler leur expérience, Moises et Tchê Tchê contrôlent rigoureusement le cœur du jeu, enfin, surtout, Dudu est totalement transformé par les responsabilités du brassard de capitaine que lui a intelligemment conféré Cuca. Le caractériel, instable, irrégulier attaquant s'est mué en un guerrier infatigable et déterminé. 

Palmeiras n'aura donc pas fléchi bien longtemps en l'absence de ses deux vedettes, mieux, l'effectif a gagné lors de ce mois d'août, un bien qui va les conduire vers le succès : des certitudes. Le Verdão devient à partir de ce moment, inarrêtable et remportera 14 des 21 matchs qui lui reste avant de toucher au but (pour une petite défaite face à Santos et 6 matchs nuls). Même lorsque la fatigue commence à se ressentir et que la solidité s'effrite, o Porco s'arrache pour rafler les 3 points, comme lors de cette victoire au forceps et au mental contre Santa Cruz, à dix journées de la fin du tournoi. Au soir de la 37e journée de championnat, Palmeiras remporte une victoire historique contre Chapecoense, pour qui le match est malheureusement aussi historique, et soulève officiellement son neuvième trophée de champion du Brésil. Le peuple vert, qui attendait pareil exaltation depuis 1994, enflamme le quartier de Barra Funda à São Paulo : Palmeiras a enfin retrouvé sa grandeur.

Les joueurs clés du champion 2016

Prass/Jailson : Le passage de témoin parfait. Parti pour les JO, puis finalement blessé au dos pour une très longue période, le capitaine emblématique est contraint de céder sa place. Jailson sera le second choix de Cuca pour relever la tâche, mais ce sera le bon. Mieux, le portier bahianais remplit tellement bien sa mission qu'il est élu meilleur gardien de la saison par la CBF et le magazine Placar. Sa sortie pour laisser symboliquement Prass finir la partie du titre contre Chapecoense fut, émotionnellement à l'image de sa saison : grande.

Vitor Hugo : Second joueur le plus utilisé par Cuca, le défenseur central de seulement 25 ans est le symbole de la solidité défensive du Verdão. Que ce soit aux côtés de Yerry Mina, Edu Dracena ou Thiago Martins, Vitor Hugo s'est montré intraitable au marquage, tranchant dans ses interventions et même décisif devant le but à quatre reprise, donnant même la victoire à ses coéquipiers par deux fois. Impassable.

Tchê Tchê : Cette saison, il le nom que Cuca a le plus couché sur les feuilles de match, soit 37 fois sur 38 ! Danilo das Neves Pinheiro de son vrai nom, s'est révélé dans les rangs d'Addax lors du Paulista 2016 dont il termine finaliste. Pari osé, le joueur de 24 ans dépannera d'abords en tant que latéral droit avant de passer en milieu récupérateur où il va exploser. Infatigable et habile techniquement, Tchê Tchê est vite devenu un poison pour les milieux adverses, annulant les offensives ennemies et relançant intelligemment son équipe vers l'avant. Zé Roberto, dont la présence dans l'effectif ne doit pas être étrangère au succès du jeune homme tant il a évolué sur le même registre, a trouvé son digne successeur.

Dudu : Du talent, Eduardo en a, personne n'en doutait. L'ancien joueur de Kiev, qui affrontait le PSG en C1 en 2013, était d'ailleurs l'une des recrues phares de la saison précédente, et l'un des piliers de la victoire en Copa. Mais le petit ailier (c'est un pléonasme ça non ?) a un caractère de cochon et cela le desservait lui ainsi que ses coéquipiers. Pétant littéralement une durite, il poussait par exemple violemment l'arbitre dans le dos lors de la finale du Paulista 2015… en plus de sa logique longue suspension, son absence fera cruellement défaut lors du match retour et Palmeiras laissera le titre à Santos. Cuca va littéralement transformer le jeune joueur de 24 ans : Le brassard de capitaine qu'il lui passera suite au départ de Prass, va agir comme un prisme, transformant son excès d'énergie du négatif au positif. En plus d'être un leader technique Dudu devient à mi-parcours la principale source d'énergie mentale de son équipe, et c'est bien lui qui soulèvera la coupe le jour du sacre.

Gabriel Jésus : Médaille d'or au JO 2016, symbole du renouveau de la Seleção, Pep Guardiola in love… y a-t'il vraiment besoin d'en dire plus ?

Mentions spéciales : Zé Roberto, papi increvable / Jean, latéral fulgurant / Moises, 2 en 1 : box to box et créateur / Roger Guedes, ailier plein de promesse / Yerry Mina, central technique / Cleiton Xavier, numéro 10 et super-sub

Les matchs clés

J1/ Palmeiras 4 - 0 Atlético Paranaense :

Vainqueur de la Copa Brasil en 2015, Palmeiras attaque ce Brasileirão 2016 empli d’ambitions. C’est face à un inquiétant Atlético-PR qu’O Verdão a joint les actes à la parole ce week-end. Si O Furacão du Paraná est bien le premier à se signaler dès le début du match sur une tête hors cadre et mollassonne de son défenseur Thiago Heleno, c’est bien Palmeiras qui ouvre le score au bout de 20 minutes de jeu. Partant dans le dos des zagueiros, le prodigieux Gabriel Jesus reçoit une jolie arabesque de Cleiton Xavier, puis centre en rase-motte pour Roger Guedes qui coupe parfaitement au premier poteau. En seconde période, les hommes de Cuca déroulent, à l’image de Gabriel Jesus et Cleiton Xavier, visiblement heureux de retrouver une place de titulaire après avoir fait banquette l’an passé. Deux ficelles et une passe dé’ pour le premier, doublé d’offrandes décisives pour le second. Si on ajoute à cela les contrôles orientés ravageurs de l’un et le grand pont au calme de l’autre, la note est vraiment salée pour l’Atlético. Il faudra se reprendre très vite du côté des paranaenses.

J5 & J6/ Palmeiras 4 - 3 Grêmio & Flamengo 1 - 2 Palmeiras :

Le Grêmio et l’Internacional Porto Alegre suivent les pensionnaires de l’Itaquera, seulement battus à la différence de but. Les deux clubs rivaux du sud ont été, chacun leur tour, accrochés lors de ces deux journées. L’Inter ce dimanche par Vitoria à Salvador, 1 à 0, un accident de parcours, et les gremistas en milieux de semaine lors d’un match épique face à Palmeiras, joué sous des trombes d’eau, terminé sur le score de 4 à 3. Les bleus et noirs avaient pourtant mené au score, mais o Verdão, qui recevait au Pacaembu pour l’occasion, a renversé la vapeur sur deux coups de pied de coin. Palmeiras justement, complète donc le G-4 qualificatif pour la Libertadores au soir de cette 6e journée. En recherche de stabilité, les porcs (ben oui que voulez-vous) ont profité de ces deux matchs pour faire le plein et surtout, enfin sortir victorieux d’un déplacement. C’était face à Flamengo qui recevait au stade Mané Garrincha à Brasilia. Maitres du jeu et sûrs d’eux les joueurs de Cuca s’imposent 2 à 1 sur un pénalty provoqué par la parade du défenseur rubro-negro César Henrique, qui n’est pas sans rappeler le sacrifice de Luis Suarez en 2010 face au Ghana. Pas gagnant su ce coup.

J17/ Botafogo 3 - 1 Palmeiras :

Complet chamboulement au sein du G4 ! Palmeiras enchaine sa seconde défaite consécutive face à Botafogo sur le score de 3 à 1, et perd la première place au profit du grand rival Corinthians, vainqueur pour sa part de l’Internacional 1 gol à rien. Face au Verdão, l’équipe de Ricardo réalise tout simplement son meilleur jogo du tournoi. Sans Prass et surtout Gabriel Jesus, o Porco galère franchement. Cuca va devoir rapidement trouver une solution, les JO vont devraient durer un moment pour la Seleção.

J28/ Santa Cruz 2 - 3 Palmeiras :

La machine de Zé Ricardo qui s’enraille, que demander de plus pour Palmeiras ? En déplacement sur le terrain de Santa Cruz, le groupe de Cuca a néanmoins failli manquer de saisir cette opportunité. O Verdão atteindra pourtant la pause avec le match bien en main et un but en plus que son adversaire, par une jolie pichenette de pépé Zé Roberto, mais tombera au retour des vestiaires sur un Cobra Coral tenace. Volontaires, Grafite et sa bande réussiront à revenir une première fois au score à la 56e, puis une seconde à la 70e, sur un pénalty de l’ancien manceau, après que Palmeiras ait à nouveau pris les devants. Un match courageux des nordestinhos, mais insuffisant : A dix minutes du terme, Roger Guedes coupe une jolie passe en profondeur de Cleiton Xavier. 3 à 2 score final, ce fût dur mais le cochon n’est pas passé pour un jambon."

J37/ Palmeiras 1 - 0 Chapecoense :

Le destin est, comme trop souvent, d'un cynisme glaçant. Il fallait donc que Palmeiras se voit sacré champion national face à l'autre Verdão, Chapecoense. Aujourd'hui les deux équipes sont malheureusement entrées au panthéon du ballon rond auriverde, les uns touchant enfin les étoiles après 22 ans d'attente, les autres les rejoignant pour toujours. Lucarne Opposée aurait préféré vous décrire les scènes de joie qui ont suivi la victoire de Palmeiras (1-0, but de Fabiano), l'émouvante sortie de Jailson et le retour de Prass, les larmes du prodige Gabriel Jésus pour son dernier match sous le maillot du Porco… Mais les larmes ne sont plus joyeuses et le cœur n'est plus à la fête. Palmeiras est un magnifique champion, qui saura attendre décemment le temps des éloges.

Tous les buts du Porco :

 
 
Simon Balacheff
Simon Balacheff
Médiateur culturel, travailleur humanitaire et bloggeur du ballon rond tourné vers l'Amérique Latine. Correspondant au Brésil pour Lucarne Opposée