Première partie de nos bilans auriverde, on se concentre sur le championnat. Un Brasileirão qui n’aura connu qu’un seul maître, comme le continent : Flamengo.

banutip

Flamengo : géant

Il y a des champions que l’on rajoute simplement au palmarès, comme Palmeiras et le Corinthians ces quatre dernières années par exemple, et il y a ceux dont on reparlera dans dix, trente, cinquante ans. Ce Flamengo 2019 est de ceux-là. L’année avait pourtant bien mal commencé chez les Rubro-Negros avec une première partie de saison décevante sous la houlette d’Abel Braga et, surtout, un dramatique incendie au Ninho do Urubu, le centre d’entrainement du club, qui coutera la vie à dix jeunes pensionnaires au début du mois de février. Braga débarqué au bout de six petites journées, le Mengão va se tourner vers Jesus, Jorge Jesus et sa crinière argentée. Sous les ordres du technicien portugais et renforcé par quelques recrues de poids tel que Rafinha, Pablo Marí, Gerson et Filipe Luís, Flamengo revient gonflé à bloc de la trêve imposée par la Copa América entre juin et juillet, pour littéralement écraser le Brasileirão, accrochez-vous bien : vingt-trois victoires, quatre nuls, dont une série-record d’invincibilité de vingt-quatre rencontres, deux petites défaites, dont une sans enjeu bazardée lors de l’ultime journée, quatre-vingt-dix points au total pour un taux de victoire par match record de 78,9%, enfin quatre-vingt-six buts marqués dont quarante-six par le duo Gabriel Barbosa/Bruno Henrique seul (vingt-cinq pour le premier, vingt-et-un pour le second). Si l’on ajoute à ce sixième titre les quatorze passes décisives de Giorgian De Arrascaeta, champion en la matière cette saison, le championnat carioca, la Copa Libertadores avec son final acadabrantesque face au grand River de Gallardo, ainsi qu’une finale de Coupe du monde des clubs héroïque, mais perdue, contre Liverpool, alors on se rend véritablement compte qu’en 2019 il y avait Flamengo, et les autres.

Santos et Palmeiras : grands, seulement

Si le titre du Corinthians de 2017 aura grandement été facilité par la médiocrité des prétendants, ceux de Flamengo pour 2019 se seront montrés à la hauteur d’un champion de cette envergure. Le Verdão tout d’abord, qui remettait son titre en jeu, aura réalisé un parcours sans faute jusqu’à la trêve, avant de connaitre un premier trou d’air qui sera fatal à big moustache Scolari. Mano Menezes prendra la relève, parvenant à lutter un temps avant de peu à peu perdre pied et laisser filer le Mengão vers le titre. De son côté Santos avait à cœur de redorer son blason après un exercice 2018 pas folichon, faisant un pari très osé : relancer Jorge Sampaoli après son échec à la tête de l’Albiceleste. Le Peixe réalisera un départ canon avant de connaitre, à l’instar de Palmeiras, une forte période de turbulences, une seule victoire en huit matchs, peu après le retour de la trêve, qui lui coûtera la possibilité de se joindre au Porco à la poursuite de Flamengo, et ce malgré de belles prestations et un magnifique finish des ouailles de Sampa. Avec soixante-quatorze points chacun au total et dix d’avance sur leurs propres poursuivants, les deux clubs les plus titrés du Brésil auront somme toute réalisé une saison qui aurait bien pu valoir un nouveau titre pour l’un ou pour l’autre sans un champion aussi stratosphérique. En 2019, Santos et Palmeiras furent grands, manque de pot pour l’emporter il fallait être géant.

Grêmio et Athletico Paranaense : chasseurs de lièvres

Courir deux lièvres à la fois est une épreuve bien difficile, Grêmistas et Atléticano en savent quelque chose. Dotés de moyens bien moins conséquents que Flamengo et Palmeiras, mais engagés sur tout autant de tableaux, les deux Sudistes auront perdu beaucoup d’énergie dans leurs campagnes de Coupe respectives. Au bout du compte, chacun aura su placer les coups d’accélérateur aux moments idoines pour s’octroyer les quatrième et cinquième places du classement directement qualificatives pour la Libertadores 2020, tout en réalisant des parcours en Coupe, plus qu’honorable pour Grêmio avec des demies de Copa do Brasil et de Libertadores, et carrément glorieux pour le Furacão avec un huitième en Libertadores mais une victoire en coupe domestique. L’occasion donc de saluer le magnifique travail de Renato Gaùcho au Grêmio, au club depuis 2016 pour une Copa do Brasil, une Libertadores et deux demi-finales de cette même compétition, ainsi que celui de Tiago Nunes, qui quitte l’Athletico Paranaense fort d’une Copa do Brasil également et d’une Copa Sul-Americana. Comme quoi, à courir plusieurs lièvres, on en ramène au moins un.

São Paulo, Internacional, Corinthians... et Ceará : minimum syndical

Sixième à un et deux points du Grêmio et du Furacão, qualifié directement pour la Libertadores 2020, São Paulo aurait statistiquement, sur le championnat uniquement, pu être placé avec les deux larrons qui le précèdent. Oui mais voilà, trop irrégulier, que ce soit avec Cuca ou Fernando Diniz sur le banc, éliminé de toutes les coupes dès le premier tour, ce Tricolor termine 2019 avec bien moins d’honneur que la caste du dessus. Même son de cloche pour l’Internacional et le Corinthians, dont les performances très poussives finirent par désavouer respectivement Odair Hellmann et Fabio Carille, mais dont l’obtention finale de sésames pour les tours de qualifications de la prestigieuse compétition continentale, vient sauver une saison en demi-teinte. Pour le Ceará, ce minimum syndical revêt une saveur plus goûteuse, puisque au regard de son statut, le maintien parmi l’élite est toujours loin d’être chose acquise au départ de la course. Finalement premier non relégable, en ne passant qu’une seule journée dans le Z4, o Vovô remplit parfaitement son contrat, ni plus, ni moins. Qualifiés pour les uns, sauvés pour les autres, une belle preuve de l’utilité du minimum syndical, non ?

Vasco, Atlético Mineiro, Botafogo et Fluminense : vogue la galère

Qu’elles doivent paraître longues ces dernières saisons pour les supporters de ces quatre historiques. Jamais dans la course à rien, englués dans le ventre mou du Brasileirão, parfois même menacé par le Z4 pour certains, voire quasiment lors de l’ensemble de la saison pour Fluminense, l’exercice 2019 de ces zozos fut une bien morne plaine. Mention spéciale pour Botafogo qui termine à la place du con, quinzième quand les quatorze premières sont toutes synonymes de compétitions continentales, et pour l’Atlético Mineiro qui voit sa saison sauvée de l’ennui par son rival, mais on en vous en parle un peu plus loin.

Fortaleza, Goiás et Bahia : la cerise sur le maintien

Pour Fortaleza, Goiás et Bahia, la mission de départ était claire : se maintenir en Série A pour 2020. Mission accomplie pour les trois avec une récompense en prime, une qualification pour la Copa Sul-Americana 2020. Certes, tout le monde aura connu son lot de hauts et de bas, un départ malheureux puis un retour souriant de Rogerio Céni sur le banc de Fortaleza, onze journées pour une victoire pour Goiás ou bien un final similaire pour les Bahianais de Roger Machado, pour qui il était grand temps que cela se termine, mais ce seront bien les chouettes performances du trio que nous retiendrons de cette saison 2019. On en avait l’habitude pour Bahia, on le découvre pour Fortaleza et Goiás. Au plaisir !

Cruzeiro : du bide à la catastrophe

Alors celle-là... personne ne l’a vu venir. Du côté de Cruzeiro, nous restions sur un mandat exemplaire en cours, celui d’un Mano Menezes arrivé en juillet 2016, tant par son exceptionnelle longévité pour le Brasileirão que par sa réussite, avec deux Copa do Brasil et deux championnats mineiro. Alors certes, nous savions aussi qu’il allait falloir du travail et peut-être un peu de temps pour que le groupe digère les départs des cadres Manoel, De Arrascaeta et Sobís. Oui, nous le savions... mais de là à aboutir à un tel naufrage ! Après deux petites victoires lors des treize premières journées et une piteuse dix-huitième place, Mano laisse à Rogerio Céni un vestiaire acquis à sa cause qui ne comprend pas son limogeage par la direction. La suite est un psychodrame digne de la Novela du samedi soir, avec un Rogerio Ceni désavoué publiquement par son propre vestiaire qui retourne à Fortaleza au bout de huit misérables rencontres, Abel Braga qui débarque en catastrophe à la Kombouaré, un Tiago Neves qui boude jusque dans les ultimes instants, les plus décisifs du championnat et... et une relégation historique pour la Raposa, qui n’avait alors jamais connu tel affront. Pire qu’une déroute, il s’agit là d’un crash industriel d’un club qui dépensait, logiquement, comme un cador du Brasileirão, et qui se retrouve endetté jusqu’au cou pour 2020. On leur souhaite de rebondir rapidement, comme le fît l’Internacional en 2017, mais pour le moment c’est assez mal embarqué.

CSA, Chapecoense et Avaí : inéluctables destinées

L’an passé déjà notre chère Chapecoense avait vécu une saison éreintante, et à dire vrai, au regard de ses moyens, l’on se doutait bien que ce moment fatidique arriverait un jour. C’est aujourd’hui une vérité, après y avoir accédé en 2014 et y avoir connu les plus grandes joies comme les peines les plus obscures, le Furacão do Oeste quitte l’élite brésilienne, malgré un vain baroud d’honneur dans le dernier tiers du championnat. À jamais dans nos cœurs. En ce qui concerne CSA et Avaí, peu de chose à dire, si ce n’est que la marche entre la Série B et la Série A est bien trop grande pour certains. On notera les huit jolies victoires du CSA, qui aura mis un peu plus de temps que les autres avant de rendre les armes pour de bon. Reste que le club de Maceió est champion du Brésil des plus belles plages, c’est déjà ça.

Simon Balacheff
Simon Balacheff
Médiateur culturel, travailleur humanitaire et bloggeur du ballon rond tourné vers l'Amérique Latine. Correspondant au Brésil pour Lucarne Opposée