Suite à un mois intense de Mondial place à la reprise du championnat chilien. De passage à Viña del Mar pour le week-end en même temps que le Colo-Colo, c’était pour moi l’occasion de réaliser un fantasme d’enfant en allant voir jouer l’Eterno Campeón qui jouait contre l’inattendu 3ème du championnat, l’Unión La Calera.

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Après avoir fêté dignement le titre de champion du monde, même si de manière étrange car à 11h du matin et en plein hiver austral, il fallait bien se remettre aux championnats de clubs avec la reprise du championnat chilien. Le Colo-Colo se déplaçait donc samedi à Viña del Mar y jouer son match de reprise non pas contre le club local, Everton, mais contre l’Unión La Calera, le club de la ville La Calera. C’est la première bizarrerie de ce match car le stade Sausalito, est habituellement l’antre d’Everton lui aussi pensionnaire de Primera División, le stade est d’ailleurs habillé de bleu et jaune. Tout ça parce que le stade de La Calera a été démoli l’année dernière et se trouve en pleine reconstruction et qu’ils jouent normalement à domicile le temps des travaux dans le stade de Quillota, mais celui-ci était aussi en travaux. De toute façon, pour accueillir le Cacique il vaut mieux un stade plus grand (ce qui est le cas du Sausalito).

Deuxième bizarrerie, l´horaire, midi. Étrange pour un match de foot (en tout cas pour l’Européen que je suis) mais cela serait dû en grande partie au fait que les hinchas du Colo sont toujours dans les mauvais coups, et pour éviter qu’ils aient le temps de s’empiffrer suffisamment de bière ou autres substances, on les fait jouer à des horaires si tôt. On m’a d’ailleurs dit qu’il est très peu probable, en dehors de ses matchs à domicile, que l’Eterno Campeón joue ses matchs après 19h à cause des antécédents de violence ayant émaillé ses matchs (cf. le match de décembre 2015 contre le Santiago Wanderers qui avait été une vraie bataille rangée et avait vu le match arrêté, puis la finale de la Supercopa contre cette même équipe il y a quelques mois, qui avait vu les supporters des deux camps s’affronter dans la tribune vide censée séparer les deux hinchadas, le match étant allé cette fois-ci à son terme). Après vérification sur le calendrier de la journée, il n’est finalement pas si rare au Chili de jouer à cet horaire-là, mais cela me perturbe quand même.

Troisième bizarrerie, le tarif prohibitif et exorbitant pour un match de ce calibre, j’ai dû payer 23.000 pesos chiliens pour accompagner des amis en tribune, soit presque 30 €. La Calera accueillant, elle a fixé ses propres prix, et les a bien évidemment augmentés, vu qu’elle avait l’assurance d’une affluence intéressante quel que soit le prix en accueillant le club le plus populaire du pays. C’est à regretter, d’autant plus qu’en virage la place était à presque 15 € pour les Colocolinos, une fortune selon les Chiliens eux-mêmes et à presque 8 € pour les supporters locaux, là aussi assez cher au vu des tarifs généralement appliqués. Il semble que le club de La Calera avait opté pour remplir les caisses plutôt que de jouer dans un stade plein.

Bref, ce match se jouait donc dans le stade champêtre du Sausalito, entouré d’un joli bois et d’une très jolie lagune artificielle dans laquelle les Viñamarinos viennent se baigner en été. Le stade est en tout cas bien caché, comme si l’on avait souhaité le mettre à l’abri des regards indiscrets. Toujours autant de policiers autour du stade, avec les fameux et horribles canons à eau de la police chilienne (surnommés guanacos par la population), police qui criminalise toujours autant les supporters de foot au Chili, alors que justement aucun incident majeur (si ce n’est une tentative avortée de vol de drapeau des Colocolinos vers la fin) ni avant, ni pendant, ni après le match n’était à signaler, alors même que les supporters de deux équipes sont entrés et sortis ensemble.

L’affluence du jour est de 7500 spectateurs, très moyenne (pour ne pas dire faible) pour un stade ayant une capacité de 21 000 places, mais avec une tribune fermée au public pour séparer les supporters des deux clubs. L’horaire, la distance séparant Viña del Mar de La Calera (une cinquantaine de kilomètres et une bonne heure de route) mais surtout le prix des places serait pour beaucoup dans l’affluence moyenne du jour.

Le match opposait donc l’Unión La Calera, surprenant troisième de ce premier tournoi au format long depuis très longtemps (enfin !), et Colo-Colo. La Calera arrivait avec le statut de surprise, avec la meilleure attaque et la meilleure différence de but, situation assez remarquable pour cette équipe au petit budget et qui se met à rêver d’une qualification à la Copa Sudamericana 2019 et à espérer jouer les trouble-fêtes pour le titre jusque dans le programme d’avant match distribué aux supporters Cementeros. Mais malgré cet enthousiasme, pendant cette trêve hivernale le club a perdu ses deux meilleurs éléments, tous deux transférés, dont son meilleur buteur, l’argentin Brian Fernández (avec 11 buts) passé par Metz et parti au Necaxa rejoindre la colonie chilienne, et le gardien Gabriel Arias, argentino-chilien et récemment appelé avec la Roja qui est reparti en Argentine au Racing après à peine 6 mois. De l’autre côté, le Colo-Colo se cherche un peu et n’est que sixième avant ce match. L’événement côté albo est le retour au club de l’Argentino-paraguayen, ancien montpelliérain, Lucas Barrios, après avoir vadrouillé pendant dix ans entre Europe et Asie. Il sera d’ailleurs acclamé à l’annonce de son nom. À mon grand regret le nom du Mago Valdivia ne sera pas scandé car blessé pour ce match, pas de trace du second fils du Cholo Simeone sur la feuille de match côté La Calera.

Le recibimiento est assez classique, si ce n’est que les fumées de couleurs rouges et blanches sorties à l’entrée des joueurs ont été réalisées avec un procédé assez original pour être remarqué, puisque fait avec des…extincteurs. C’est une technique à méditer peut-être moins toxique que certains tifos faits de fumées toxiques et/ou dangereuses types fumigènes. Les supporters locaux avaient ramené des instruments (un bombo et des cuivres) et ont joué tout le match ce qui a mis une bonne ambiance et égayé le match à l’heure du repas. À souligner pour l’ambiance que le Colo-Colo semble jouer à domicile étant donné que les trois-quarts du stade sont remplis de supporters de l’Eterno Campeón. Dernier point avant de passer au match, il semblerait que le gardien du Colo postule au titre de #Cacamiseta2018 avec une tenue plus proche d’un pyjama aux couleurs de son club qu’autre chose.

Chili – Primera División 2018 : de l’art du retour

Passons au match en lui-même. La première mi-temps ne fut pas d’une grande qualité, avec un rythme assez bas, les deux équipes semblant utiliser cette mi-temps comme échauffement post trêve hivernale, sans vraiment accélérer le jeu ni d’un côté comme de l’autre. Colo-Colo est quand même nettement supérieur, mais manque la dernière passe et ses attaquants semblent vouloir rentrer dans les cages avec le ballon. On peut se demander s’ils ne le regretteront pas à la fin du match. On n’a dû attendre vers la 35ème minute pour voir une occasion franche de but avec la frappe sur la barre de l’extérieur de la surface du Capitan Paredes et les Cementeros sont beaucoup trop lents en contre-attaque pour espérer marquer lors de cette première mi-temps sans grande saveur.

Au retour des vestiaires, le rythme s’accélère, et c’est justement La Calera qui prend plutôt l’initiative d’accélérer le jeu avec une contre-attaque, mais le Colo reprend vite le dessus. Quelques occasions par-ci-par-là-là mais toujours la même sensation que les attaquants colocolinos veulent rentrer avec le ballon dans les cages. Le numéro 11 argentin de La Calera, Mariano Barbieri au physique de Shaqiri (toutes proportions gardées) embête bien les défenseurs albos, et est tout prêt d’ouvrir la marque sur un gros cafouillage vers la 55ème minute, sur lequel les rouge et blanc réclament une main dans la surface. Suivra un corner qui ne donnera rien mais c’est finalement l’entrée de Jaime Valdés (à la 56ème) qui dynamitera réellement le jeu des Albos, avec notamment une grosse frappe détournée par le gardien de l’extérieur de la surface à la 62ème. On assiste à une deuxième mi-temps beaucoup plus rythmée, mais la Calera semble accélérer sur ses contre-attaques. Les Colocolinos finissent par ouvrir la marque à la 75ème minute par le revenant Lucas Barrios, qui signe donc son retour. Les chants à la gloire du Colo-Colo reprennent de plus belle, et les cuivres des supporters cementeros semblent jouer une marche mélancolique, baissant de rythme mais ne s’arrêtant pas pour autant tranchant avec les rythmes entrainant qu’ils ont su jouer jusqu’ici. Finalement Esteban (j’entends certains supporters derrière moi l’appeler affectueusement par son prénom, comme s’il faisait vraiment partie de la famille) double la mise vers la 82ème. La victoire semble acquise, mais le meilleur cementero, le n°23 Fernando Saavedra, très remuant sur son côté droit durant tout le match réduit le score dans le temps réglementaire, mettant le doute chez leur adversaire du jour jusqu’au bout. Bien battus, mais ce seront finalement les visiteurs qui s’imposeront. Cette victoire permet à l’équipe de Santiago de recoller au classement mais c’est surtout un coup dur pour La Calera et leur fol espoir de jouer le poil à gratter pour la lutte au titre.

Ce match aura été finalement un vrai match de reprise, on sentait les deux équipes pas encore en jambe en première mi-temps, avec une embellie sur la deuxième partie. Vivement la suite du championnat avec un Colo-Colo qui semble reprendre du sérieux.

Le match se termine dans une bonne ambiance et je pars retrouver un ami colocolino auteur d’un ouvrage assez balaise, de presque 170 pages sur l’amitié entre l’Alianza Lima et le Colo-Colo (plus d’infos : https://web.facebook.com/amistadsinfronteraslibro). Il me dit qu’il n’aura pas pu entrer dans le stade (je devais y aller avec lui au départ, ce qui m’aurait fait économiser un paquet de fric et vivre le match en virage), car empêché par les policiers pensant qu’il allait vendre son livre à l’intérieur malgré son billet à la main. Il aura finalement vendu le livre à la sortie du stade vêtu de son maillot de l’Alianza. Je lui en achète un exemplaire pour le soutenir, vu qu’ils n’ont pas encore fini de payer les dettes de l’édition et ainsi repartir du match avec de la lecture sous le bras… à 14h, juste à temps pour le repas chez la belle-famille.

 

Par Gabriel Micolon, à Viña del Mar pour Lucarne Opposée

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.