Coup de tonnerre en Liga Águila. Deux des trois favoris sont tombés. Junior et l'Atlético Nacional ont pris la porte après avoir perdu aux tirs-au-but contre respectivement l'América et le Deportes Tolima. Santa Fe est donc l'équipe la mieux placée pour le titre.

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On l'avait laissé battu et en grand danger. L'Atlético Nacional était attendu et devait renverser la vapeur pour obtenir son billet dans le dernier carré. Il n'en a rien été. L'équipe verdolaga n'a pas pu passer l'obstacle des quarts de finale. Malgré une victoire 2-1 sur le Deportes Tolima, le vainqueur de la Libertadores 2016 s'est incliné après une séance de tirs-au-but où les trentenaires Daniel Bocanegra et Luis Carlos Ruiz ont craqué. Pourtant, après une première période pas franchement emballante, on pensait que le champion en titre s'était mis à l'abri au retour des vestiaires avec deux buts en cinq minutes. Une frappe déviée de Luis Carlos Ruiz et un pénalty de Dayro Moreno avaient permis de renverser provisoirement la série. Mais une faute d'Edwin Velasco dans la surface cinq minutes plus tard a permis à Marco Pérez et à l'équipe vinotinto d'égaliser sur l'ensemble des deux rencontres. Mal en point et sans un Franco Armani une nouvelle fois héroïque, le Nacional ne serait pas allé jusqu'à la séance qui leur a été fatale. Petite précision, à la différence de la plupart des compétitions européennes le but à l'extérieur ne compte pas double en cas d'égalité. Dans un Atanasio seulement à moitié rempli, John Mosquera, Daniel Bocanegra et Luis Carlos Ruiz ont échoué, avec notamment deux arrêts pour Joel Silva, un spécialiste de cet exercice. Dans le même temps, Sebastián Villa échouait face à Franco Armani. Voilà comment on se retrouve avec le champion en titre qui prend la porte dès la première marche vers le titre.

Cette élimination n'est quand même pas si surprenante que ça. Depuis l'arrivée de Juan Manuel Lillo, l'équipe n'a jamais retrouvé son niveau de l'époque Rueda. Avec un chiffre qui fait mal, puisque l'ancien assistant de Jorge Sampaoli a perdu 8 des 26 matches qu'il a dirigés. Énorme pour ce club. Alors on s'interrogeait sur son futur ? Une chose était sûre, il avait toujours le soutien des joueurs et de son staff. D'ailleurs ce n'est pas seulement l'entraineur espagnol qui s'était présenté face à la presse après le match mais tout le monde, avec en préambule un message de René Higuita, le mythique gardien colombien et actuellement entraineur des gardiens du club paisa. Message où il a expliqué : « les joueurs et moi venons de notre propre initiative, ça n'a rien à voir avec le maestro Lillo, il ne demande pas de gardes du corps, on vient faire face à la situation. On a été proche de Lillo et on a vu un excellent être humain et un excellent travailleur, une personne qui est dans le football depuis 10 ou 20 ans ». Un autre soutien est venu s'ajouter à celui des joueurs et du staff, celui du président Andrés Botero. L'ancien président du comité olympique colombien a tout d'abord « remercié tous les joueurs qui ont soutenu Lillo et son staff » avant de préciser « on croit au processus et au travail qui a été fait […] on doit continuer à travailler et on croit en ce processus et on va continuer à l'appuyer ». Voilà qui a le mérite d'être clair. Mais l'entraineur, déjà passé par Millonarios en 2014 en a décidé autrement. Mardi, il a décidé de jeter l'éponge et a démissionné de son poste. L'Atlético Nacional est donc faire face à deux défis. Le premier, qui va être scruté, c'est évidemment le choix de la personne qui va succéder à « Juan Ma Lillo ». Le second est au niveau des recrues. Sans cesse déplumé depuis son titre, le niveau de cette équipe en a largement pâti. Pour recommencer à briller sur la scène nationale et continentale, cette équipe devra absolument se renforcer. Sur les ailes déjà, où Marlos Moreno, Orlando Berrio, Andrés Ibargüen n'ont pas été remplacé et ça commence à ressentir. Rodin Quiñones, le jeune de 22 ans a lui été nettement moins utilisé. Il faudrait renouveler également le milieu de terrain. Aldo Leao Ramirez et Diego Arias ont dépassé la trentaine et le basque de 30 ans Gorka Elustondo n'a pas forcément conquis cette saison. Le choix de céder Elkin Blanco et Alejandro Bernal à l'América pose donc question. Plus qu'à son arrivée, le technicien espagnol sera donc surveillé durant l'intersaison sur ses choix tactiques et ses choix de joueurs. Surtout qu'il pourrait perdre Dayro Moreno, seulement prêté par Tijuana. Le joueur voudrait rester un an de plus mais le président du club mexicain n'a pas encore donné sa réponse. L'intersaison sera donc agitée du côté de Medellín. Enfin, à l'initiative d'un mouvement de protestation pour ne pas jouer plus tard que le 10 décembre, les joueurs sont donc en vacances une semaine avant la date prévue.

L'autre gros qui a vacillé, c'est Junior. Le club de Barranquilla a perdu gros, très gros cette semaine. Éliminé par Flamengo en demi-finale de la Copa SudAméricana, on attendait de voir s'il y allait avoir une réaction à la maison face à l'América. Il y en a eu une mais elle n'a pas été suffisante. Ce match retour au Metropolitano a été un grand match et une excellente publicité pour le football colombien. Du rythme, de l'intensité, des occasions et quatre buts. Ce quart pourra laisser des regrets à l'équipe tiburón tant elle semblait avoir le match en main. C'est elle qui a ouvert le score grâce à Teófilo Gutiérrez qui a repris un ballon repoussé par Carlos Berjarano sur une frappe de Yimmi Chará. On la pensait même à l'abri après le but de son latéral gauche Germán Gutiérrez sur une belle frappe de loin croisée. Mais voilà depuis l'arrivée de Jorge Polilla da Silva, cette équipe de l'América a trouvé des ressources qui lui avaient déjà permis d'entrer dans le dernier carré du semestre précédent. Par deux fois cette équipe a su revenir au score. La première sur un superbe coup-franc de Juan Camilo Angulo. Coup franc intervenu après une action collective qui laisse penser que cette équipe dispose d'une marge de manœuvre pour l'année 2018. La deuxième dans les derniers instants sur une tête rageuse du défenseur central Eder Castañeda. Déjà défaillant face à Flamengo, Yimmi Chará a encore craqué au pire des moments pour son équipe. Sa tentative a été repoussée par le gardien international équato-guinéen. Sans trembler, Cristian Martínez Borja a donné la victoire à son équipe dans la foulée et a offert une célébration à la Messi, Ronaldo (ou Fekir) en enlevant son maillot pour le montrer au public.

Paradoxalement, le constat semble être le même pour les deux équipes. Le potentiel est important et il ne faut surtout pas tout bouleverser. Pour Junior, mardi, Julio Comesaña a décidé également de prendre la porte. Après le match, la famille Char (propriétaire du club et Alejandro est le maire de Barranquilla). Le mot « échec » a même été prononcé. Ce mot semble très (trop) fort, tant on oublie que cette équipe était à la rue depuis deux semestres. C'est vrai que les investissements ont été conséquents et qu'au final le club de Barranquilla repart avec « seulement » la Copa Águila. Mais cette équipe n'a pas à rougir de ce qu'elle a proposé. Elle a posé de gros problèmes à Flamengo par moments et aurait encore plus bousculer le géant brésilien avec un peu plus de justesse. Deux joueurs n'ont pas eu le rendement espéré. Le premier c'est l'Uruguayen Mathias Mier, arrivé de Peñarol, n'a pas convaincu. Notamment dans les grands matches comme lors de la demi-finale continentale. Le deuxième c'est Téo. Le buteur sensé faire passer un palier à son équipe, n'a pas été le killer imaginé. Pire, les langues se délient petit à petit et certains médias assurent que son égo gênerait certains de ses coéquipiers, le paraguayen Ovelar en premier lieu. De toute façon si le club de la côte Caraïbe veut jouer les premiers rôles en Libertadores en 2018, il faudra recruter un véritable buteur, capable de faire la différence sur une occasion. Certains bruits de couloir parlent de Miguel Borja, en difficulté à Palmeiras. Mais si le club brésilien lui assure sa confiance, ça sera impossible de le faire revenir au pays. Si le club veut un étranger, il faudra dégraisser en raison du nombre d'étrangers dans l'effectif (4 au total et 3 sur le terrain en même temps). Le recrutement de Junior sera scruté de très près durant l'hiver européen. Par contre on connaitrait l'identité de l'homme qui serait sur le banc. Ancien du club, Alexis Mendoza pourrait revenir au club, lui qui a connu une expérience assez mitigée comme entraineur. Il détient le record d'invincibilité à la maison (21 matches consécutifs) et il a également gagné une fois la Copa Águila en 2015. Mais son départ avait été assez houleux après un semestre indigeste et un désaccord avec Fuad Char l'actionnaire principal.

De son côté l'América continue sa route et peut rêver du titre, ce qui serait un exploit monumental. De toute façon sa saison est réussie pour deux raisons. La première est le maintien évidemment, ce qui n'était pas évident début septembre après une défaite à Envigado. La deuxième est tout sauf anecdotique puisque le club de Cali retrouvera la scène continentale quoiqu'il arrive en 2018. Grâce à la reclassification, los escarlatas sont assurés de jouer au minimum la SudAméricana. La scène continentale fait partie de l'ADN de la maison. Toujours invaincu, Jorge da Silva a des allures de magicien. Son passé comme joueur du club l'a évidemment aidé (il est le dixième meilleur buteur de l'histoire du club). Cette équipe a surtout changé de mentalité avec l'arrivée du technicien uruguayen. Elle est capable d'avoir ce supplément d'âme qui lui permet d'aller arracher l'égalisation dans les derniers instants sur le terrain du favori. Mais elle est aussi et surtout capable de bien jouer au football. Par moments cette équipe nous a offert des séquences séduisantes avec notamment une remontée de balle à base de jeu en triangles qui a abouti sur une grosse occasion en début de deuxième période. De toute façon en sortant avec la manière le favori dans la course au titre, l'América est devenu un candidat solide pour décrocher un quatorzième titre de champion, son premier depuis le deuxième semestre de l'année 2008. Pour ça, il faudra faire sans Elkin Blanco, son milieu défensif qui sera suspendu lors du match aller pour accumulation de carton jaune.

On aura le droit à une demi-finale avec 27 titres de champion dans les armoires. C'est un des enseignements à tirer de ces quarts, un historique de Colombie retrouvera le chemin de la finale après un long moment dans l'ombre. Puisque face à l'América, c'est Millonarios qui va se dresser. Le club « azul » n'a pas été brillant mais a assuré l'essentiel après le 1-1 du match aller. Un pénalty offert au quart d'heure de jeu par le défenseur de La Equidad Jhon Cano sur une main dans la surface (alors qu'il n'y avait aucun danger) et un but dans les derniers instants de David Mackalister Silva dans une défense horriblement passive alors qu'on se dirigeait vers les tirs-au-but. Vous l'aurez compris, l'équipe asegurador aura posé de gros problème à son adversaire. Un but du meilleur buteur Carmelo Valencia à quinze minutes du terme aura même laissé penser l'exploit possible. Affiche la plus équilibrée sur le papier, ce match retour a, une nouvelle fois, été assez fermé même si le but de la première période a permis de libérer quelques espaces qui ont rendu ce match plus intéressant. Au final cette qualification n'est pas illogique malgré la fébrilité défensive affichée par moments. Évidemment, Ayron del Valle, même s'il n'a pas marqué a usé la défense adverse par ses déplacements et son pressing constant. Ce qui peut expliquer sa passivité des derniers instants et qui a permis au club embajador de se qualifier. Et en plus d'avoir assuré un billet dans le dernier carré, Millos a quasiment assuré sa qualification pour la prochaine Libertadores. Première équipe à la reclassification (derrière l'Atlético Nacional), il faudra perdre les deux matches contre l'América et que Santa Fe gagne ses deux matches en demi-finale pour que ce cataclysme se produise. Pas impossible mais ça semble quand même hautement improbable. Et si l'América sera privé d'Elkin Blanco pour le match aller, Millonarios ne pourra aligner ni Jhon Duque ni Duvier Riascos, tous deux suspendus.

Le dernier larron des demis, c'est Santa Fe. Comme vous l'avez vécu dans l'inside qu'on lui a consacré, face à Jaguares, on a eu le droit à un match retour avec des buts, contrairement au match aller. Grâce à un excellent Anderson Plata, le club cardinal n'a pas vraiment tremblé. Deux buts de la tête, le premier d'Héctor Urrego et le second de Wilson Morelo ont donné un avantage décisif. Deux buts dans les dix dernières minutes de Juan David Valencia et d'Omar Pérez ont donné un peu plus d'ampleur au score. La réduction de l'écart de Jaguares a à peine fait trembler les joueurs de Grégorio Pérez. Son trio offensif, Plata/Morel/Pajoy offre des garanties non négligeables dans cette course au titre où Santa Fe apparaît comme l'équipe la mieux placée pour le titre. De par son classement et de la solidité qu'elle a montré lors de la phase « todos contra todos ». À noter que sa demie face à Tolima est un remake de la finale du deuxième semestre 2016, dernier titre du premier champion de l'histoire du football colombien. Si Santa Fe et Millonarios se qualifient tous les deux pour la finale on aurait le droit à quelque chose d'inédit, une finale entre les deux principaux clubs de Bogotá. Ce qui ne s'est jamais produit dans l'histoire depuis que la finale se joue en match aller-retour.

Pierre Gerbeaud
Pierre Gerbeaud
Rédacteur Colombie pour Lucarne Opposée