Fort d’un but d’avance, River Plate se rendait à la Fortaleza de Lanús pour décrocher sa deuxième finale de Libertadores en trois ans. Il n’en sera rien. Au terme d'une match historique, le Granate se qualifie pour sa première finale.

Après un premier acte qui avait tourné à la partie d’échec, on attendait énormément des retrouvailles entre deux des meilleurs techniciens du continent, Jorge Almirón et Marcelo Gallardo. Les deux coaches armaient des équipes quasi-identiques à celles de la première manche, à 100% pour le Granate, à un Saracchi près pour le Millo. On attendait de voir un Granate bien plus ambitieux, on aura été servi. D’entrée de partie, les hommes d’Almirón monopolisaient le ballon et s’ils ne se montraient finalement que trop peu dangereux, même si la tête de Velázquez faisait passer quelques frissons dans les échines d’une défense du Millo bien statique, ils maintenaient River sous pression. Elle durait une dizaine de minutes, le temps pour les visiteurs d’aller ouvrir le score totalement contre le cours du jeu après que Nacho Fernández obtenait un penalty quelque peu généreux de la part de Wilmar Roldán, l’arbitre colombien et futur grand protagoniste de la rencontre. Scocco n’en demandait pas tant, il trompait Andrada pour le 1-0 en faveur de River. Sonné, Lanús allait se retrouver totalement KO lorsque cinq minutes plus tard, l’excellent Gonzalo Montiel se muait en renard des surfaces et trompait à bout portant un Andrada qui venait de repousser un bon coup franc de Martínez. A 2-0, c’était certain, l’affaire était pliée, la Fortaleza s’était éteinte.

Les nouvelles Gallinas

C’était sans compter sur deux facteurs clés pour le Granate : son incessante volonté de toujours jouer son jeu et sa légende vivante José Sand. Lanús continuait de débouler, tantôt côté droit, tantôt côté gauche, tournant autour de son point d’ancrage Pepe Sand et s’appuyant sur les services de Román Martínez son chef d’orchestre. Si les situations existaient, les occasions franches se faisaient attendre, jusqu’au cinq dernières folles minutes du premier acte. Il y aura tout d’abord cette main de Marcone dans la surface, non sanctionnée d’un penalty évident. Marcelo Gallardo demandait alors au quatrième arbitre ce que le VAR disait, ce dernier lui répondait qu’il n’allait pas être requis. Décision lourde de conséquences. Car moins de cinq minutes plus tard, Sand était enfin servi dans la surface, il fusillait Lux et réduisait l’écart juste avant la pause. Le match venait de basculer alors que quelques instants auparavant, Scocco avait été illicitement stoppé par Braghieri alors qu’il éliminait Andrada seul face au but sans que le central du Granate soit exclu.

Revenu sur le terrain bien après son adversaire, River était encore en retard au coup d’envoi. On ne jouait que depuis une quarantaine de secondes lorsque Pepe Sand récupérait un deuxième ballon dans la surface et trompait de nouveau Lux. 2-2, l’exploit était à portée de main. Andrada remportait son face à face avec Scocco, les espaces se créaient de plus en plus, Sand allait se transformer en bourreau de son club formateur. La légende du Granate débordait côté droit, rendant Pinola spectateur de son centre, Alejandro Silva en faisait de même avec Maidana et servait Lautaro Acosta seul face au but vide pour le 3-2. La Fortaleza explosait. Allait alors arriver le moment qui faisait entrer le match dans l’histoire. Sur une nouvelle offensive du Granate, Pasquini s’écroulait plein axe. L’arbitre colombien ne bronchait pas avant finalement de décider de requérir à l’assistance vidéo. Incompréhension dans les rangs de River qui ne comprenait pas pourquoi le VAR allait être utilisé quand il ne l’avait pas été à deux reprises en sa faveur plus tôt, la main de Marcone, le coup de poing de Martínez sur Rojas. Incompréhension renforcée par la décision de finalement accorder le penalty (évident à la vue des images). Alejandro Silva ne tremblait pas, Lanús avait retourné le match et n’allait plus rien lâcher.

Le triomphe d’Almirón

Qu’importait en effet le poteau trouvé par Pinola, qu’importait la frappe dangereuse de Ponzio sauvée avec brio par Andrada, les minutes défilaient et le Granate d’Almirón faisait parler sa maîtrise, se reposant sur l’intelligence de son duo Sand – Acosta pour faire remonter son bloc et se poser en terres millonarias. Le score n’allait plus évoluer. Un soir de juin 1966, River avait mené 2-0 en finale de Libertadores avant de perdre 4-2 face à Peñarol, devenant ainsi les Gallinas dont le nom passait à la postérité la semaine suivante lors d’un déplacement à Banfield, plus de 50 ans plus tard, l’ennemi juré du Taladro a rappelé ce douloureux souvenir à Millo. Marcelo Gallardo rêvait de quitter River en lui offrant une deuxième Libertadores, il n’en sera rien. Le duel opposant les deux meilleurs entraîneurs du pays a tourné à l’avantage de Jorge Almirón. Un an après avoir fait du Granate la plus belle équipe d’Argentine, il l’emmène en finale aux portes de remporter sa première Libertadores. Et ainsi définitivement s’assoir à la table des géants.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.