Au terme d’une finale longtemps verrouillée par River Plate, Flamengo a décroché sa deuxième couronne continental grâce à trois minutes totalement folles, les trois dernières du match.

banutip

Hoje tem gol do Gabigol

Par Nicolas Cougot

Comment River Plate a pu perdre cette finale ? Comment Flamengo l’a gagnée ? Deux questions qui ne sont qu’une seule mais qui vont hanter longtemps les esprits des supporters millonarios. Car River Plate a tenu le match pendant 85 minutes avant de commencer à reculer et à le payer chèrement, le plus chèrement possible. Enzo Pérez en mode commandante devant sa défense, Javier Pinola qui a totalement muselé Gabigol durant 89 minutes, Bruno Henrique n’a jamais pu prendre de la vitesse, jusqu’à la 89e, Gerson et Arão maintenus sous pression durant une majeure partie du temps, on a longtemps vu River Plate totalement maîtriser la rencontre. Le premier acte a été une démonstration tactique des hommes de Gallardo. River laissait passer l’orage de début de match, posait le pied sur le ballon et sur sa première offensive, plantait sa flèche : Nacho Fernández côté droit centrait, Suárez laissait passer, Arão et Gerson se gênaient, Borré en profitait pour ajuster Diego Alves et faisait exploser la partie du Monumental placée derrière ce but, celle des Argentins. River contrôle alors le tempo, gère un Flamengo sans aucune idée, Gerson ne pouvant percuter, les quatre offensifs étant isolés, et appuie là où ça fait mal, dans le dos de Rafinha et d’un Filipe Luis peu inspiré. Mais ne tue pas le match. Aussi, les deux équipes rentrent aux vestiaires avec un seul but les séparant, tout reste possible. Flamengo se procure une énorme occasion en seconde période, une frappe à bout portant d’Everton Ribeiro sortie par Armani (ce sera son seul véritable arrêt du match), mais les minutes commencent à s’égrainer et le match tombe dans une sorte de gestion étrange avec un River qui n’est jamais véritablement menacé par un Flamengo sans idée, mais qui ne parvient pas à véritablement gérer les situations qui s’offrent à lui. Le rythme tombe, comme Enzo Pérez le déclarera plus tard, le match semble « mort ». Et pourtant. Exténué, Nacho Fernández doit sortir, Gallardo choisi alors Julián Álvarez pour « injecter de l'énergie avec un jeune qui pouvait en apporter », quelques instants plus tard, coup sur coup, Milton Casco et Santos Borré sortent, l’un et l’autre sur blessure, contraignant Gallardo à faire entrer Paulo Díaz et Lucas Pratto. Changement poste pour poste pour le premier, et changement avec l’idée d’apporter quelqu’un capable de conserver le ballon devant et ainsi permettre à son bloc de remonter et faire courir le temps. Ni l’un, ni l’autre ne fonctionnera.

89e minute, Bruno Henrique a un peu d’espace, Montiel et Álvarez sont en retard, il se présente seul face à Martínez Quarta qui lui laisse trop de place pour s’exprimer. Il sert De Arrascaeta dont le centre trouve… Gabigol oublié par Paulo Díaz. Flamengo relance alors totalement le match. Ce n’est pas fini, 92e minute, Pratto ne presse pas Diego, entré à la place de Gerson pour jouer un rôle de meneur reculé, l’ancien de l’Atlético, 10 dans le dos, envoie un long ballon vers l’entrée de la surface de River. Pinola se rate, Gabigol en profite et fusille Armani. River a oublié Gabigol deux fois dans ce match, n’a commis que deux erreurs, au pire des moments, trente-huit ans après, un 23 novembre, Flamengo décroche sa deuxième Libertadores. Jorge Jesus devient le deuxième entraîneur européen à le faire, vingt-huit ans après Mirko Jozić (une histoire que l’on vous raconte dans le LOmag n°4), Pablo Marí devient le troisième joueur européen à le faire (après le Tchèque Christian Rudzki (Estudiantes 1969 et 1970) et l’Italien Dante Mírcoli (Independiente 1972)). Flamengo est désormais en route vers un triplé historique.

Vu du stade

Par Romain Lambert

À l'annonce du changement de ville d'hôte à un mois de la finale de Libertadores, les Péruviens étaient loin d'imaginer qu'ils allaient accueillir le plus beau match continental. On peut dire que l'organisation de cet événement a été une franche réussite en si peu de temps. Le stade Monumental du club liménien Universitario s'est donc paré pour l'occasion, du logo et du slogan de la Libertadores, un véritable honneur pour la ville hôte.

Durant toute cette semaine, plusieurs activités avait été mises en place à Lima dans le but de promouvoir la grande finale mais aussi le Pérou. Dès mercredi, les supporters des deux camps arrivaient en masse dans la capitale péruvienne et prenaient possession de certain lieux emblématiques comme le Parque Kennedy de Miraflores pour les Millonarios et la Plaza de Barranco pour le Mengão. La veille du match, deux énormes banderazos ont été organisés par les hinchas des deux équipes et Lima basculait dans la folie d'une finale de Libertadores. Le jour du match, une voie express avait été habilitée sur l’artère principale qui mène au stade uniquement pour le transport des supporters gagnant ainsi un temps fou dans les embouteillages légendaires liméniens.

Arrivé devant le stade, tout était clair grâce aux indications pour atteindre sa tribune. Premier hic à l'entrée des tribunes : l'interdiction de porter lunettes, casquettes, ceintures et drapeau du club oblige les supporters à laisser leurs effets personnels prohibés aux portiques de sécurité. Sécurité qui était le mot d'ordre au sein du comité d'organisation et Lima se devait de faire figure de bon élève et prend exemple sur la sécurité ultra-renforcée de la finale de Madrid, appliquant ainsi les mêmes consignes. Ainsi, nous aurons le droit à une scène cocasse d'un policier qui confisque un ballon gonflable aux couleurs Rubo-Negro se faisant huer par la foule mais aussitôt applaudi lorsqu'il mime la célébration de Gabigol montrant les muscles.

Dans les tribunes, les flamenguista sont déjà nombreux à environ deux heures du coup d'envoi et chantent déjà à la gloire du Mengão. Il ne s’arrêteront jamais. Pas même après l'ouverture du score de River Plate. Au contraire, ils redoubleront d'intensité. Car en face, la hinchada de River venue remplir la moitié du stade se fait également entendre. En fin de match, les torcedores s'impatientent mais ne se résignent pas et l'égalisation de Gabigol dans le but devant la tribune nord argentine fait exploser la tribune sud du Monumental. L'espoir renait alors qu'il ne reste que quelques minutes à disputer dans cette finale. Quelques minutes dans lesquelles Gabriel Barbosa ira de son doublé pour sceller le match et libérer ces milliers de flamenguistas s’enlaçant les uns avec les autres. Certains n'en reviennent pas et fondent en larmes, d'autres se mettent à genoux pour prier tout simplement. Une marée rouge et noire ressort du stade en chantant la gloire de son équipe et continuera la fête tard dans la nuit dans les bras de Lima qui elle, a aussi réussi sa Libertadores et a surtout démontré qu'elle peut en organiser d'autre.

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.