Le River Plate de Carrasco bat Peñarol au terme d'un match époustouflant au cours duquel les carboneros n'ont pas su répondre au défi imposé par l'adversaire. Au classement annuel, Nacional revient donc à un point suite à sa victoire contre El Tanque, malgré un but du français Walter Vaz. Malgré sa défaite, Colonia reste en tête du tournoi de clôture à 8 journées de la fin. A mi-championnat, tout reste ouvert. Voyage au pays où le président de la république assiste à 4 matchs en une semaine.

Peñarol 0 – 2 River Plate

Rarement en Uruguay peut-on voir autant de jeu et de stratégie sur un match. Rarement il m'a été donné de voir un match où l'entraîneur a un tel impact sur son équipe et sur la confrontation avec l'adversaire. Il faut dire que JR Carrasco, coach de River Plate (le vrai, pas l'argentin), a choisi de jouer ce match en 4-2-4. A l'ancienne, avec deux blocs, un offensif de 4 joueurs, ne descendant presque jamais sous sa ligne médiane, et un défensif de 6 joueurs. Bref, une stratégie qui sent bon les années 30. Et Peñarol a perdu parce qu'il n'a pas su répondre à ce défi. Pourtant, les Carboneros ont bien démarré le match, avec quelques occasions et quelques frappes, mais  rapidement, ils n'ont pas su quoi faire avec le ballon, pas su trouver les décalages face à un bloc défensif jouant très bas. A l'inverse River Plate, rapidement en place avec son attaque composée de joueur très talentueux (voir très très talentueux concernant Michael Santos), a supplicié la défense Carbonero.  A la 40ème minute de jeu, le jeune Schiappacasse déborde sur le côté gauche, rentre dans la surface, crochète Aguirregaray qui ne le laisse pas passer. Penalty transformé par Michael Santos. Non seulement River domine, mais les Darseneros réussissent à passablement énerver Peñarol par leur domination. Les Manyas ne trouvent pas la clef, ne trouvent pas la solution face à leur adversaire. 1-0 à la mi-temps.

Le problème que pose ce match pour Da Silva, coach de Peñarol, est qu'il ne donne pas l'impression de l'avoir préparé, ou pire, d'avoir sous-estimé l'adversaire. Qui sait, sans doute les deux. River Plate joue toujours dans cette configuration d'équipe déséquilibrée, sans vraiment de milieu de terrain. Un peu à la mode Bayern, toute proportion gardée. Et face à ce type d'équipe, des solutions existent. Espinel, coach de Colonia, s'est présenté avec un milieu à cinq contre River : son équipe a réduit au silence les attaquants Darseneros, Michael Santos touchant très peu de ballon, l'attaque en général ayant très peu de profondeur. A-t-on le droit de perdre face à un 4-2-4 sans être coupable ?

En début de seconde période, Da Silva décide de remplacer presque l'intégralité de son milieu de terrain, les tenant sans doute pour responsable de la défaite en cours. Exit donc Aguiar, Nandez et Maxi Rodriguez. Rentrent sur le terrain Novick, Albarracin, et le jeune Federico Valverde, lancé dans ce match comme on lance un veau à l’abattoir. Évidemment, le changement de joueur n'a rien changé au problème systémique. River Plate a eu beaucoup d'occasions, notamment par Ribas qui a touché le poteau. A la 91ème, sur un très bon débordement, Santos offre un caviar à Tajan pour le but du 2-0 et la fin du match.

Côté évaluation, il faut noter le très bon match des deux milieux de River Plate, les deux cinco, Rodriguez et Gorriaran. Ils sont restés très bas mais ont su être très efficaces dans cette position, en courant notamment beaucoup, ce qui n'est pas étonnant pour Rodriguez puisque sa sœur sera aux JO pour l'Uruguay sur le 400 mètres. Schiappacasse a été très bon, a effectué beaucoup de débordements, dans un rôle de numéro 10 nouveau pour lui. Michael Santos a été impeccable, un but une passe décisive. Vous le verrez à Malaga dès août prochain, une perle. Sebastian Ribas a été légèrement en dessous car il a manqué quelques occasions. Côté Peñarol, que dire... Affonso a été très mauvais, en remplacement de Murillo, il n'a rien montré, perdant beaucoup de ballons. Le milieu n'a pas su mettre le pied sur le ballon, notamment Maxi Rodriguez, transparent. Aguirregaray concède un penalty tellement évident... Toute l'équipe a été décevante, aucun joueur n'arrivant à dépasser sa fonction. On notera aussi un vrai problème en attaque. Peñarol ne marque presque plus depuis le match contre le Defensor.

Joueur de la semaine : Juan Ramòn Carrasco, également appelé JR.

JR est un entraîneur à part. Ce fût déjà un joueur à part, assez prétentieux, jouant dans tous les clubs uruguayens dans les années 80 et 90 (Nacional et Peñarol inclus, cela ne lui pose pas de problème). Il a arrêté sa carrière de joueur à l'âge de 45 ans en deuxième division, en étant joueur/entraîneur de Rocha (plus beau département d'Uruguay, mais aucun lien avec mon histoire). En tant qu'entraîneur, il a développé un système très offensif, appelé le Tiki Tiki, basé sur un déséquilibre vers l'attaque avec toujours de nombreux attaquants dans l'effectif. Il a réussi à faire grandir River, avant d'échouer au Nacional et de revenir à River. Cette saison est compliquée avec une première participation en Libertadores qui a pris beaucoup d'énergie à l'équipe, mais qui a fait grandir les jeunes comme Santos ou Schiappacasse. On se souviendra que River a battu deux fois Peñarol cette saison (4-0 puis 2-0), dans deux victoires extrêmement tactiques.

Nacional 3 – 1 El Tanque Sisley

Victoire logique du Nacional face à un El Tanque Sisley qui devra se battre jusqu'au bout pour le maintien. Pourtant, les Bolsos sont très diminués par une épidémie d'oreillons qui touche de nombreux joueurs. L'infirmerie est remplie avec Ramirez, Porras, Barcia, Cabaco... et j'en passe. Malgré cela, c'est bien Nacional qui ouvre le score sur une belle course sur son côté de Tabò, remplaçant de luxe, dès la 8ème minute de jeu. El Tanque ne fait pas le poids, mais va égaliser grâce à son joueur « Lucarne Opposée », grâce au seul français du championnat uruguayen (et le premier français à jouer en Uruguay depuis le début du XXème siècle), grâce à Walter Vaz (son interview ici). Ce dernier reçoit une belle passe dans la profondeur, élimine facilement son défenseur et trompe Conde d'une belle frappe du droit. C'est le premier but de l'homme de Montmorency avec son nouveau club.

Assez logiquement, en deuxième période, Nacional va reprendre l'avantage grâce à Gamalho de la tête, sur un coup franc bien frappé par Tabò. Le grand brésilien n'est pas très précieux dans le jeu mais apporte un point d'appui, et une présence importante sur les coups de pied arrêtés. A la fin du match, Nico Lopez clôturera la marque avec un nouveau but, en un contre un avec le gardien. Score finale 3-1, victoire logique de Nacional.

Côté Nacional, les remplaçants ont été bons, notamment Tabò en attaque. La défense a été solide, battue seulement une fois sur une action individuelle de Vaz. Conde a eu peu de travail. Match solide des Bolsos. Côté El Tanque, de nombreuses lacunes techniques de joueurs au milieu et en attaque comme Acuña ou Galli ne permettent pas à l'équipe de se projeter plus vers l'avant. Vaz a été bon en pointe, apportant un point de fixation, il a été moins bon quand il a décroché.

Joueur du match : Cristian Tabò

Ailleurs 

Danubio 1 – 1 Racing

Plaza Colonia 1 – 2 Juventud de Las Piedras : Première défaite de la saison pour l'équipe d'Espinel qui reste première du Clausura grâce aux défaites des autres équipes. Colonia aurait pu gagner ce match avec un peu plus de réussite, ayant souvent mis en danger Carini. Bon résultat pour la Juventud qui sort un peu de la zone rouge.

Villa Teresa 2 – 2 Defensor: Encore des points pris par Villa Teresa, face à un Defensor vraiment en crise. Drôle de saison pour Villa Teresa, déjà condamné à mi-saison avec seulement 5 points pris lors de l'Apertura, mais déjà 11 lors du Clausura.

Wanderers 3 – 1 Cerro: Le Cerro perd sa deuxième place sur ce match, doublé de Gaston Rodriguez côté Bohemios.

Liverpool 1 – 1 Fénix: Liverpool perd l'occasion de prendre des points pour le maintien en loupant un penalty. Fénix reste bien placé, seule équipe invaincue du Clausura.

Pour le reste

Petit point classement des éliminatoires pour la coupe du monde Russie 2018 : 1er, Uruguay.

Peñarol a inauguré son stade avec une victoire contre le River Plate argentin (résumé ici), mais n'a pas pu jouer son match contre River Plate ce week-end dans son stade car il n'a pas été homologué. Pourquoi ? Car les tribunes latérales n'avaient pas une barrière obligatoire d'une hauteur de 2,20 mètres... Bon, le Centenario n'a pas non plus ces barrières, mais son habilitation n'a pas été remise en cause. Colère noire de Damiani donc qui n'a pas apprécié et qui propose de mettre des barrières temporaires pour les prochains matchs. On ne sait pas encore où Peñarol jouera son prochain match.

Le même Damiani est l'objet d'une enquête de la FIFA pour ces liens avec Figueredo, ex-président de la CONMEBOL. Il fait aussi parti des « personnalités » présente dans le fameux fichier des Panama Papers. Bon, Damiani n'a pas vraiment une réputation de Saint, donc cela n'a surpris personne.

Sinon, dans la série des petits boulots que vous auriez aimé pouvoir faire, je vous propose Président de la République Oriental d'Uruguay. Tabaré Vazquez a en effet enchaîné cette semaine dans les tribunes :

Lundi : PeñarolRiver Plate argentin, inauguration du stade Campeon del Siglo

Mardi : Uruguay - Peru au Centenario, match éliminatoire pour Russie 2018

Jeudi: Jubilé d'Alvaro Recoba au Gran Parque Central

Samedi : ProgresoRampla Juniors, match de deuxième division. Vazquez a été président de Progreso avant d'être président de la république.

Pas mal, non ?

Les buts

 

 

Résultats

Classement

Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba