Nacional a gagné au bout de l'ennui, Peñarol a fait match nul face à l'étonnant Boston River et s'enfonce au classement. Defensor a explosé River Plate, Danubio a encore gagné et est leader. Mais cela fait deux mois que je ne pense qu'à lui, à ce qu'il a donné à Colonia, et à sa disparition. Ou es-tu, Germán Rivero ?

Être né à Lens dans les années 1980 m'a donné un immense plaisir, celui de connaître l'ivresse d'un titre de mon équipe. Cette expérience unique, ce souvenir ineffable, s'accompagne dans ma mémoire du nom des 15 à 16 participants de cette aventure. Qui se souvient encore aujourd'hui d'Anton Drobnjak ? La réponse est simple : tous les supporters lensois, le serbe étant l'auteur de 14 buts l'année du titre. Dans quelques années, à Colonia, petite ville d'Uruguay ayant gagnée son premier titre l'année dernière, on se souviendra toujours d'un argentin de 24 ans, grand joueur, blond, ayant marqué 8 buts l'année du titre. Il a maintenant disparu des radars, voici son histoire.

Parcourir les interviews que Germán Rivero a donné, est un plaisir simple, du genre qui te donne confiance à nouveau dans le monde impitoyable du football. Il faut dire que les traces du joueur sur internet sont rares, réparties sur une période de quelques mois entre ses premières titularisations fin 2015 et le titre de Colonia en juin 2016. Dans ses interviews, il explique avoir été formé entre Argentinos Juniors et Tigre, équipes dans lesquelles il n'a pas réussi à s'imposer. Il a donc commencé sa carrière dans l'équivalent de la troisième division argentine, dans des clubs comme Flandria ou Fénix. Ne pouvant joindre les deux bouts, il conserve un travail de peintre en bâtiment, aidant son père sur les chantiers. Il conservera ce surnom de joueur « peintre » par la suite. Fin 2015, son agent lui propose Plaza Colonia, club qui vient de monter en première division et qui devra donc logiquement se battre pour le maintien. Colonia présente plusieurs avantages, dont celui d'être à seulement quelques heures de ferry de Buenos Aires. Germán accepte, et déménage en Uruguay avec femme et enfant. La vie sur place ne doit pas être un rêve permanent, son salaire devant être d'environ 700-800€ par mois, ce qui n'est pas exceptionnel pour vivre en Uruguay. Il va d'ailleurs s'entraîner à vélo, à 12 pâtés de maison, comme il aime le répéter en interview.

Rapidement, le miracle de Colonia, le « Leicester Uruguayen », va prendre forme. L'équipe réalise un bon Apertura, avec notamment un bon match nul contre Peñarol, mais Rivero n'est que remplaçant, barré par Sergio Leal. Il ne s'impose qu'au début du Clausura, formant un duo de choc avec Nicolas Dibble. Ce dernier est rapide, technique, virevolte durant les contres. Rivero est grand, physique, parfois un peu lent mais efficace dans la surface. Le duo est formé, et il permettra à l'argentin Rivero de marquer 8 buts et de se faire remarquer dans la presse hispanophone, de Marca jusqu'à El Grafico. Pour ces derniers, il réalise une série de photo depuis sa maison de Colonia, avec la médaille autour du cou, son épouse, son fils. Une famille heureuse. On le voit également devant son fameux vélo, tout sourire, se pinçant la langue entre les lèvres comme il le fait souvent en match, le type de tic que vous devez détester avoir mais qui vous donne un air sympathique au premier regard.

Plaza Colonia gagne donc le Clausura, mais les apparitions de Germán Rivero s’arrêtent là. Brusquement. Il part en vacances en juin, avec l'obligation de revenir en juillet ayant toujours 6 mois de contrat. Le club l'attend encore, n'ayant plus de nouvelles de lui. Ils ont bien envoyé un télégramme en Argentine, sans réponse. Ovacion écrit alors un article intitulé « Mais où est Germán Rivero ? », le 18 juillet, il y a deux mois. C'est la dernière actualité connue du joueur sur Google. Le titre de l'article est trompeur, car il ne donne pas de réponse à la question posée. Le journaliste, en vérité, ne sait pas. Le club explique que le joueur étant encore sous contrat, il ne pourra signer ailleurs. A aujourd'hui, il ne semble pas qu'il l'ait fait. Il est sans club, sans football.

A ce stade, il ne reste que des hypothèses. Il se peut qu'il ait arrêté le football, qu'il ait repris son métier de peintre en bâtiment, qu'il attende la fin de son contrat avec Colonia pour signer dans un autre club, libre. On aimerait savoir pour pouvoir le juger, pour savoir si c'était vraiment un mec bien. Hélas, nous n'en seront rien avant que le joueur ne le décide, et il se pourrait bien qu'il décide que nous ne saurons jamais le fin mot de l'histoire. Sache Germán que j'aimerais quand même avoir avec toi une conversation, pour te dire merci au nom de tous les gens de Colonia qui n'oublieront jamais ton nom, associé au plaisir unique et frustrant de n'être qu'une seule fois champion, à quel point tu es important pour eux.

Boston River 0 – 0 Peñarol

Peñarol devait gagner, après une défaite logique, à domicile, contre les bohemios du Wanderers. Da Silva peut compter sur la même équipe, avec deux attaquants de pointe achetés à prix d'or durant le mercato, Arias et Rodriguez. Les seules modifications sont les retours de blessure en défense d'Alex Silva et surtout de Carlos Valdez. En face, Boston River joue sa première saison dans l'élite mais en ayant beaucoup changé l'équipe depuis sa montée avec l'arrivée de nombreux joueurs expérimentés comme Diego Scotti.

C'était donc le premier Boston – Peñarol de l'histoire en championnat, et cela ne s'est pas vu sur le terrain. Boston a en effet joué en 3-5-2, mettant une forte pression sur son adversaire au milieu. On peut saluer la tactique d'Apud, entraîneur de Boston, qui a vraiment cherché à jouer ce match. Klingender a une première occasion dès la première minute stoppé par Alex Silva. Perg répond sur corner en mettant la balle sur la transversale. Le match est animé, et la première mi-temps est marquée par de nombreuses occasions nettes, beaucoup plus plaisant que celui de Nacional samedi. La deuxième période est plus calme, avec un Boston qui semble plus fatigué mais qui continue de bien résister avec les meilleures occasions et une grappe de Fratta qui vient caresser le dessus de la barre transversale. Peñarol ne donnera jamais l'impression de pouvoir se rebeller contre le résultat, contre l'adversaire, au point d'être presque dominé par une équipe promue. Score final, 0-0.

 

Côté Peñarol, il manque un joueur dans le cœur du jeu, un créateur. Hernan Novick est trop déporté sur son côté, et se trouve trop seul quand il se déplace dans le cœur du jeu. Dibble continue de jouer en solitaire, ce qui peut créer de très bonnes occasions mais aussi mettre en danger l'équipe. Alex Silva a apporté du débordement, les deux milieux défensifs Costa et Rodriguez ont été rigoureux mais n'ont rien apporté offensivement. Côté Boston River, un grand bravo à la charnière à trois, qui a très bien fonctionné, Baran, Alvarez, et Fratta. Au milieu, Kligender a beaucoup généré de jeu. Avec les attaquants titulaire, l'équipe aurait pu marquer mais Foliados en attaque a été en dessous du reste de l'équipe, il est habituellement remplaçant.

Joueur du match : Guillermo Fratta, ce qui fait plaisir parce que c'est vraiment un bon défenseur.

Fénix 0 – 1 Nacional

Ce match aurait pu être un choc. Le Bolso devait gagner ayant déjà deux défaites en trois matchs, une troisième aurait été rédhibitoire dans un tournoi court de 15 journées. Lasarte fait d'ailleurs quelques changements plaçant Martin Ligüera dans le cœur du jeu en numéro 10. Face à eux, Fénix est une bonne équipe défensive, ayant traditionnellement de bons attaquants en pointe comme Cavallini ou Estoyanoff.

Sauf que ces derniers sont absents pour ce match, et qu'ils ne sont pas remplacés efficacement. Le match va donc très rapidement tourner à un attaque-défense, avec 16 tirs à 1 durant les 90 minutes du match. Tout aurait pu être plié plus rapidement mais Silveira, attaquant de pointe bolso, n'est vraiment pas un super joueur et il a beaucoup vendangé. Sur les côtés de l'attaque, Ramirez a été bon car il ne jouait plus en pointe et pouvait donc utiliser sa vitesse sur les côtés, c'est lui qui s'est créé les meilleures attaques en premières périodes. Lozano s'est montré en deuxième période, mais c'est bien Ligüera qui va faire la différence. Il a été, durant tout le match, bien pris par Sellanes au milieu, mais a régalé sur les coups francs. Et c'est sur un bon coup franc concédé par Pallas à la 85ème que Ligüera ouvre le score sur un ballon bien ajusté au-dessus du mur. La faute de Pallas est décrite comme intelligente par les commentateurs, Viudez allant se présenter seule dans la surface. C'est oublier la qualité de tir de Ligüera. 1-0, score final, victoire logique. A noter, quand même, qu'avec Ivan Alonso en pointe, le bolso aurait gagné ce match beaucoup plus facilement. Il manque un vrai attaquant à cette équipe.

 

Côté Nacional, bon match de Fucile, de Ramirez, de Ligüera. Match affligeant de Silveira (même si son passage par le coiffeur est à saluer), Romero semble toujours en dessous en ce début de saison, il n'a pas apporté suffisamment de relais au milieu. Côté Fénix, bon match de Mele, gardien qui remplace Dario Denis qui est blessé. C'est un grand espoir uruguayen à ce poste. Pour le reste, rien. Pallas concède le coup-franc, Maxi Cantera a été violent tout le match, Mirabaje n'a pas su conserver la balle. Seul Juan Alves, sur son côté, a joué à son niveau. Rosario Martinez, l'entraîneur, s'est caché derrière l'absence de nombreux joueurs. On lui donnera le bénéfice du doute.

Joueur de la semaine : Martin Ligüera, jeune créateur de 36 ans

Il est déjà trois fois champions d'Uruguay avec le Bolso. En 1998, 2005 et 2009. Mais il n'a pas voulu fêter son but car il vient de passer deux ans au Fénix. Joueur de grande classe, apprécié de tous, il régale de ses passes et des coups de pied arrêtés les attaquants. Il est passé par l'Espagne, la Suisse, le Mexique, le Pérou, le Brésil, le Paraguay, avant de toujours revenir dans son club de cœur, son Nacional. Face à un Fénix qui avait fermé le jeu, il a débloqué la situation et sans doute sauvé la tête de Lasarte.

Ailleurs

Sud America 0 – 2 Danubio : Danubio prend donc la tête après 4 journées ! Après une bonne victoire contre Nacional en ouverture, les hommes de Leo Ramos se place dans la course au titre.

Racing 1 – 1 Wanderers : les bohemios perdent deux points face à l'équipe Cerveceros, sans doute fatigués après leur valeureuse qualification en Sudamericana.

Cerro 1 – 1 Juventud : match nul de la Juventud qui était leader avant cette journée. Comme les trois autres équipes qui étaient leader, elle n'a pas gagné.

River Plate 0 – 5 Defensor : Plus grosse défaite de River à domicile depuis 1933. JR en danger. Côté Defensor, l'équipe se replace dans le haut du classement.

Rampla Juniors 0 – 0 Liverpool : Match nul entre ces équipes du haut de classement.

Villa Española 2 – 4 Plaza Colonia : Colonia gagne son premier match de la saison et se rassure. Côté Villa Española, 4 défaites en 4 match et le profil idéal pour la place de relégué.

Pour le reste

Comesaña a donc démissionné de son poste d'entraîneur du Racing suite à des menaces reçues le week-end précédent. Des socios, connus du club, l'ont insulté pour qu'il titularise Liber Quiñones, buteur historique du Racing. Premier changement d'entraîneur cette saison.

Bizarrement, malgré la défaite, Da Silva a été assez peu contesté. Pourtant, avec déjà 7 points perdus sur les 45 que donnera ce championnat, Peñarol est en grande difficulté, en plus de la défaite au premier tour de Sudamericana...

Petit point qualification pour la coupe du monde, zone CONMEBOL : Uruguay premier.

Les buts

 
 

 

Résultats

Classement

Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba