Quel est le point commun entre Pink Floyd, Antoine Griezmann, huit Libertadores et un oignon ? Une finale, un Clásico. Avant les vacances, et la quatrième guerre punique avec la FIFA. Tout un programme. Comme le disait les paroles originales de la chanson de Moreno : Si tu vas à Rio, ne t’arrêtes pas et vas à Montevideo.

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Le week-end dernier, Peñarol s’est donc bien imposé pour gagner le classement annuel. Ce dernier avait pourtant été dominé par Nacional pendant toute la saison, mais le Bolso paie cher les points perdus face à Atenas à l’avant dernière journée. Nacional jouait alors avec une équipe bis qui devait permettre de se qualifier quelques jours plus tard en demi de Sudamericana face aux cariocas de Fluminense. Au final, cette stratégie, qui n’est donc pas exclusive à la Ligue 1, s’est transformé en une lubitzerie. Rien ne s’est évidemment passé comme prévu, le Bolso a fait nul contre Atenas, puis la belle machine s’est grippé contre le Flu, et Medina a maintenant besoin de gagner ce week-end pour garder un espoir d’être champion (et de garder son siège). Pour ce qui est du classement annuel, les choses ont été serrées jusqu’au bout, puisque Peñarol a longtemps perdu au Franzini face à un valeureux Defensor, avant de s’imposer dans les dix dernières minutes par Viatri puis Lorres. Nacional avait de son côté assuré face au Danubio d’un but du grand Sebastián Fernández, qui n’a donc pas suffi.

On a donc une ou plusieurs finales Clásicos en Uruguay, et tout le monde en salive d’avance. Ce n’était bizarrement pas prévu par l’AUF, qui avait autorisé les gérants du Centenario (le CAFO) à l’utiliser le week-end dernier pour le concert de Roger Waters (qui était content d’être dans un pays civilisé dans une tournée qui l’emmène aussi au Brésil et en Argentine). La scène du concert a défoncé la pelouse à un niveau grandiose, avec de belles marques claires sur lesquelles il n’existe plus une brindille d’herbe verte, mais comme le Centenario est le seul stade possible pour cet événement, les images vont être magnifique…  Mais évidemment, les médias sur place ne parlent que de ça, Griezmann chambre Godin, le monde entier à ses yeux rivés sur la ville d’Isidore Ducasse. Ou presque. Pour ce qui est de la balle, Peñarol est favori, ce qui ne facilite pas toujours la tâche. Les Carboneros restent sur un Clausura remporté facilement avec une seule défaite en quatorze matchs, et l’équipe revient au complet au bon moment avec Cebolla Rodríguez et le Taureau Fernández qui sont de retour suite à une petite blessure, Walter Gargano qui revient de six mois d’absence mais il a déjà pu jouer deux matchs pour se remettre dans le bain. L’équipe est presque au complet sauf Pereira suspendu mais Gargano et Cebolla se remettront comme l’année dernière à former le duo magique. Côté Nacional, l’équipe semble un peu en bout de course à l’image de Bergessio en pointe, fatigué, et de Pierre Webo, son remplaçant, qui semble sur le point d’avoir ses 120 trimestres pour une retraite bien méritée. La charnière fait également toujours peur, surtout si Rolin devait être encore absent. Mais tout cela est relatif. Un Clásico est un Clásico, tout est possible, sur quatre-vingt-dix minutes… Ce serait bien que Nacional gagne, car on aurait dans ce cas-là une finale en aller-retour qui serait encore plus belle que tout, que tout autre pseudo- Clásico sur terre. La dernière demi-finale Peñarol-Nacional avait été gagné par Nacional qui s’assurait alors le titre, en 2015. Le match avait été arrêté avant la fin, avec notamment le jet de siège par les supporters carboneros sur une ambulance. 

Plein d’autres choses se sont passés lors du dernier week-end comme la descente glorieuse de Torque, club acheté par le City Group il y a dix-huit mois. Ils accompagnent Atenas en deuxième division alors que les deux sont respectivement douzième et treizième au classement sur quinze et que ce devrait être Rampla et Boston qui devrait descendre si cette tragique règle de la moyenne sur deux saisons ne s’appliquait pas. Plus haut au classement, tout le monde avait décidé de perdre puisque Danubio et Defensor, tout en perdant, gardent leur troisième et quatrième place qualificative pour les premiers tours de Libertadores. Derrière, Cerro et Liverpool passent à côté de l’occasion en perdant également mais ils seront bien en Sudamericana avec River Plate et Wanderers. L’arrivée l’année prochaine des amis de Melo, Colonia et Las Piedras vont égailler le championnat avec le grand retour en force de l’intérieur.

En attendant, L’AUF va commencer à avoir de plus en plus sérieusement des problèmes avec la FIFA. Les statuts ne sont toujours pas modifiés, les clubs bloquent toujours la possibilité de donner du poids au football féminin ou de l’intérieur, et ça commence à sentir le sapin. Des voix comme Scotti menace de quitter les négociations alors qu’il avait été nommé comme négociateur par la FIFA, pendant que Godin envoie un courrier demandant plus de démocratie dans le football. Les clubs comme DefensorFénixRampla restent inflexibles et refusent systématiquement toute possibilité de négociation. La FIFA attendrait la fin de la Coupe du Monde féminine U17 pour déclencher La Machine Infernale et désaffilier l’AUF le temps d’une sérieuse remise en question. Ne demandez pas comment des clubs « intelligents » et, du moins, bien gérés comme le Defensor ou Wanderers en arrivent là. Je ne comprends pas moi-même. Pendant ce temps-là, les joueurs de club comme Fénix n’ont pas été payés depuis quatre mois et le petit frère Acuña travaille dans un supermarché en plus de son activité de footballeur.

Suárez arrive en France dans deux semaines, le latéral du Defensor, en l’absence de Laxalt et Varela. Oui, ce Suárez-là, l’autre aussi évidemment. Avec également Cabaco, l’ancien de Nancy, appelé pour la première fois en sélection.

Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba