La finale du tournoi Intermedio a été belle, intense, joueuse, et a fini par être remportée par Liverpool. Ce titre, le premier en première division pour le club après 104 années d'existence, vient couronner un processus de plusieurs années, et un entraîneur Paulo Pezzolano. Vivement le Clausura !

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Les deux équipes avaient réussis un parcours presque parfait dans leur poule respective de ce tournoi Intermedio et arrivaient donc en pleine forme. D'un côté, Liverpool était descendu en 2014 à l'issue de saisons catastrophiques, marqués par la venue de vieux joueurs aux salaires élevés, de dirigeants douteux, d'erreurs à tous les niveaux. Depuis leur retour dans l'élite dès 2015, alors que le club avait failli disparaître, l'équipe de Belvedere a décidé d'investir dans la formation et cela marche. Dès 2016, l'équipe joue la finale de la Libertadores des moins de vingt ans. Un an après, Nicolás De La Cruz, extraordinaire joueur du club ayant à peine dix-huit ans, est vendu à River Plate, mettant le club à l’abri financièrement. Le club retrouve le haut du classement, se qualifie dès 2017 à la Sudamericana, et renouvelle l'expérience en 2019 avec notamment un tour passé contre des Brésiliens de Bahía, ce qui est un exploit.  Sur les deux dernières années, le projet a été porté par un magnifique entraîneur, Paulo Pezzolano (et un assistant ayant aussi déjà entraîner, Agustín Villazán), qui a réussi plus que d'autres à mettre en jeu les jeunes du club, bons ou un peu moins bons. L'équipe a terminé sixième du championnat l'année dernière, et est actuellement quatrième, en progression constante. Sebastián Cáceres, défenseur central titulaire au club depuis deux ans et au sein de la sélection des moins de vingt ans devait être vendu cette semaine à un club mexicain, mais Palma a insisté pour qu'il puisse rester jouer la finale. Le club mexicain n'a pas donné suite, le joueur est resté, et que c'est agréable de voir le sportif prendre la main. Pour une fois.

Histoire d'un nom : Liverpool

Côté River Plate, depuis le départ de JR en 2016, le club traversait un peu le désert, étant dans le ventre mou du classement, huitième l'année dernière. Même si l'équipe a également joué la Sudamericana, avec une victoire encore plus prestigieuse à la clef contre le Santos du petit chilien chauve, l'équipe ne se trouve pas, et termine l'Apertura à l'avant dernière position. Arrive alors Fossati, et immédiatement, dès le premier match de l'Intermedio, on sent que quelque chose est en train de se passer. L'équipe revit, que ce soit au niveau individuel qu'au niveau collectif. L'équipe commence par un nul contre Progreso avant d'enchaîner les résultats, dont un nul contre Nacional et une victoire contre Peñarol. Finalement River Plate termine premier, fruit pour le coup de la magie d'un entraîneur, Jorge Fossati.

Voilà pour l'histoire de cette finale, qui se jouait donc dans un Franzini des grands soirs, avec de nombreux supporters de Liverpool peuplant la tribune principale et celle de la plage Ramírez. L'enjeu ? Un tournoi reconnu comme une coupe du championnat, une place pour se qualifier directement à la Copa Sudamericana et la Supercopa Uruguaya 2020.

La finale a tenue toutes ses promesses, avec un très grand Liverpool dans la première heure de jeu, ponctué d'un but de Juan Ignacio Ramirez dès la vingtième minute de jeu. Les negriazules ne peuvent pas compter sur Diego Guastavino blessé, mais Acuña, recruté cet hiver à Fénix, assure sur le côté gauche, alors que Federico Martínez est impérial sur son côté droit. On ne voit pas ce qui peut inquiéter jusqu'à ce que Fossati fasse entrer Matías Alonso, en lieu est place de Diego Vicente, effacé sur ce match. Le changement dans l'organisation de l'équipe permet à son équipe de prendre l'avantage, notamment sur les côtés. Et à l'heure de jeu, c'est bien l'ex-Defensor Joaquín Piquerez qui égalise d'un extérieur pleine lucarne de l'entrée de la surface. Le jeu se poursuit, et la fatigue commence à monter. Les entraîneurs effectuent leurs changements, mais le temps réglementaire s'achève. À la neuvième minute de la prolongation, Liverpool reprend l'avantage sur une frappe magnifique de Bryan Olivera, auquel la défense laisse trop de temps à vingt-cinq mètres du but pour préparer sa frappe. Mais quelle frappe malgré tout, inarrêtable. On pense alors que Liverpool ne sera pas repris une seconde fois, mais à nouveau, dix minutes plus tard, Gonzalo Viera récupère un ballon sur un corner au deuxième poteau et trompe Oscar Ustari qui avait pourtant été très bon jusqu'à présent. Il faut voir la joie de Fossati sur le banc pour comprendre l'importance qu'a pris cette finale. Le match se termine donc sur une séance de tirs au but, ou Ramírez frappe d'abord la barre, avant d'être imité par son collègue de River Fernández. Quatre à quatre après cinq tirs, Pablo Caballero convertit pour Liverpool mais la frappe de l'ex-Peñarol Sebastian Píriz est bien arrêtée par le gardien argentin de Liverpool.

La finale aura donc été très plaisante, avec de l'enjeu et du jeu. Il y avait un faux-air de 2014 quand Danubio et Wanderers s'étaient affrontés pour le titre. Quand les « petits » jouent les finales, il n'y a plus l'excuse du budget, de l'arbitre supposément pour les grands, plus les combats individuels des clásicos, et il ne reste donc, en général, que du football. Et c'est cela hier que nous ont offert Fossati et Pezzolano, du football. Merci à eux. Le Clausura devrait être intense, avec des grands en difficultés (Peñarol à la dérive depuis la vente de tout le monde, Nacional a de grosses difficultés dans le jeu que le dernier clásico ne saurait occulter). En face, Cerro Largo, Liverpool, River Plate seront là, à coup-sur.

Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba