Il n’y aura finalement pas eu besoin d’une finale en bonne et due forme. Après avoir gagné l’annuel, après avoir gagné le Clausura lors du match d’appui, Nacional a battu dimanche Peñarol pour la demi-finale (Apertura contre Clausura) et est donc champion d’Uruguay. Le couronnement d’une année 2019 haute en couleur.
C’était dans l’air du temps. Depuis six mois, Nacional était en mode rouleau-compresseur, malgré quelques déconvenues, et Peñarol n’avait pas pu retrouver le fil perdu en cours de saison. Pour cette dernière carte jouée côté Peñarol, Mémo Lopez a tout changé (huit joueurs entre les deux matchs) avec les entrées de joueurs plus expérimentés comme Estoyanoff, le retour d’Abscal ou Xisco, mais cela, définitivement, ne pouvait pas suffire. Nacional reconduisait de son côté son équipe « type » avec comme seul modification Cardacio en lieu et place de Rafa García suspendu devant la défense. Pour le reste, du solide, avec Laborda dans l’axe qui accompagne Corujo et Armando Méndez et son profil de tracteur dans le couloir. Devant, l’inusable Gonzalo Bergessio. Comme lors de la première de ses finales, Peñarol a mollement dominé le début du match, ne se créant que quelques occasions de la tête par Xisco (bien gérées par Mejia), pendant que Bergessio avait deux occasions de punir l’équipe carbonero de ses erreurs défensives, passant de peu à côté de l’ouverture du score. Le vrai personnage de cette première mi-temps est la pluie, qui a reléguée la pelouse du Centenario au rang de marécage, et qui a rendu inutilisable le système auditif dont était équipé l’arbitre pour la VAR. Résultat, le quatrième arbitre a passé son temps à courir le long de la ligne de touche avec son talkie-walkie pour faire l’interface entre l’arbitre et les arbitres vidéos. Estoyanoff en a presque profité en plongeant sur un contact avec Viña dans la surface bolso, mais l’arbitre ne s’est pas laissé abuser.
Peñarol est légèrement monté en puissance au retour des vestiaires, se montant malgré tout toujours fébrile, recevant de nombreux cartons jaunes (tout comme Nacional, la pelouse n’aidant pas). Pellistri et De Los Santos entrent, et apportent un peu plus de vitesse dans le jeu, mais toujours sans se procurer d’occasion franche. Comme souvent avec Álvaro Gutiérrez et ses équipes, c’est après l’heure de jeu que le match se décante. Sur une bonne percée côté droit, Nacional obtient un corner. Après un premier renvoi, le ballon revient sur Rodríguez qui centre tendu à hauteur de genou dans le paquet. Aux six mètres, Matías Zunino met le plat du pied qui va bien et trompe Dawson. Peñarol n’arrive pas à garder la tête froide, et dans la foulée, Lores et Dawson se font exclure coup sur coup. Nacional peut célébrer son titre avec le public, ce titre que l’arbitrage devait soi-disant lui enlever en manipulant le championnat…
L’équipe championne
Luis Mejía : il a rapidement pris le relais d’Esteban Conde tombé en disgrâce, et il a toujours été très efficace dans ses cages, avec peu d’erreur, même si parfois une technique « à part » comme lors de cette finale où il dégage une frappe de Canobbio de la poitrine. Le Costaricain, passé par Toulouse, devrait continuer dans les cages.
Matías Viña : C’est le joueur révélation de ce championnat d’Uruguay. Il n’avait pas eu beaucoup de temps de jeu avant l’arrivée de Gutiérrez, mais ce dernier l’a imposé sur le côté gauche et ne l’a plus bougé. Ses débordements ont fait couler de nombreuses sueurs froides à ses adversaires. Il s’est imposé au point d’être appelé en sélection, et il ne devrait pas faire de vieux os en Uruguay.
Guzmán Corujo : De retour après sa blessure des ligaments croisés, il s’est imposé comme le pilier de la défense. Très propre, bon dans les airs, il a aussi un bel avenir devant lui.
Felipe Carvalho : l’ancien de Malmö qui avait affronté le PSG de Zlatan en son temps n’était pas forcément venu pour être titulaire. Dans un style peu académique, il s’est imposé dans l’axe comme un défenseur solide, laissant peu d’occasions passés, malgré une certaine lenteur.
Guillermo Cotugno : il a longtemps été latéral droit de cette équipe préféré à Palito Pereira qui a trainé sa peine à chaque apparition. Blessé en fin de saison, il a laissé sa place à Armando Méndez, ex-Fénix qui a imposé son gabarit et ses débordements lors des derniers matchs. Il a provoqué ce commentaire de Zunino : « Tu fais tes débordements deux fois au début du match et après tu me laisses jouer s’il te plaît ».
Rafael García : Le défenseur central repositionné devant la défense a été la trouvaille tactique de l’entraîneur bolso. C’est assez peu reproductible, peu esthétique, mais cela a permis à Nacional de gagner de nombreux matchs, et donc d’être champion. C’est déjà pas mal.
Gabriel Neves : formé au club, il s’est imposé comme l’un des piliers de l’équipe au milieu de terrain, du haut de ses vingt-deux ans et malgré sa moustache.
Felipe Carballo : le joueur prêté par le Sevilla FC a réussi à être avec Neves le créateur de jeu, le modérateur, le modulateur. Ses passes et ses belles frappes ont réussi à donner un aspect agréable à l’équipe, malgré le fait qu’il n’y ait qu’un seul attaquant devant lui.
Santiago Rodríguez : Le débordeur. Il s’est imposé sur son côté droit en parallèle d’un certain Brian Rodríguez côté Peñarol. La blessure qu’il a subie en milieu de saison et qui l’a éloigné des terrains pendant deux mois lui a bizarrement permis de rester, contrairement à son pendant côté Peñarol, et lui a permis d’être champion avec son club. Il ne devrait pas rester longtemps en Uruguay non plus.
Gonzalo Castro : Chory est de retour au club depuis dix-huit mois maintenant, et n’était pas forcément dans les petits papiers en début de saison. Sa technicité lui a permis de briller dans les clásicos et il a inscrit le plus beau but de la saison contre Peñarol lors de l’intermedio. Pas mal, pour un préretraité.
Gonzalo Bergessio : Deuxième année en Uruguay pour l’ancien stéphanois, et, devenu capitaine, il a de nouveau marqué la saison de nombreux buts. Son profil de bagarreur est idéal pour le schéma de jeu de son entraîneur, et devrait rester pour une troisième saison.
Le douzième homme, Matías Zunino : Encore une saison ou l’ex-Defensor a joué partout sur le terrain, au milieu, sur les ailes, en latéral. Et il s’est transformé en buteur pour offrir le titre à son club. Un joueur délicieux.
Ce titre permet à Nacional de ne pas laisser Peñarol avoir un troisième titre, mais ne va malheureusement pas permettre de construire pour l’avenir. Gutiérrez a déjà annoncé son départ, son remplaçant pourrait être Munúa, de retour après une expérience en Espagne. De nombreux joueurs devraient être vendus, dont Viña qui serait sur les tablettes de quelques pontes espagnols. Les célébrations ont été endeuillées par la mort d’un supporter, le soir du match. L’assassin n’a toujours pas été trouvé.


