Invaincue. La sélection est invaincue en cette année 2019, mais cela ne veut rien dire. Vraiment. Peñarol a presque fait un beau parcours en Libertadores. Presque. Nacional est champion, alors que l’arbitrage était censé les faire perdre. Supposément. Seule certitude, 2019 s’en est allé, voici son histoire.

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Sélection : on aurait quand même tous bien aimé assister à un Brésil – Uruguay à Rio

Dans les chiffres, et si l’on regarde la série de match de l’année, on pencherait plutôt pour une année satisfaisante, surtout en vue des éliminatoires. La Celeste est invaincue, a battu des sélections qu’elle aura comme adversaire dans les trois années à venir comme le Pérou, l’Équateur, le Chili, elle a fait match nul contre l’Argentine en fait d’année, contre le Pérou à Lima, donc un faisceau de signaux positifs. Sauf que le match qu’il fallait pas « ne pas perdre », le match durant lequel il fallait avoir un but de plus que l’adversaire, la Celeste n’a pas su le gagner. Pas pu, pas su, pas aidée par l’arbitrage ni par l’adversaire non plus, mais le quart de finale de l’Uruguay en Copa América a bien été perdu aux tirs au but, et le reste importe peu pour le moment. Le tir au but de Luis Súarez a bien été arrêté. Les Péruviens avaient beau s’être fait roustés quelques jours avant par l’hôte, ils filaient en finale jouer le match que tout l’Uruguay attendait de jouer. Le football ne connaît pas le mérite comme l’a déclaré Godín en fin de match, et Tábarez a fait sienne cette antienne durant la fin de l’année puisqu’il a renouvelé les postes de dynamiteur de l’équipe avec notamment les arrivées de Brian Rodríguez ou Brian Lozano, joueurs qui pourraient amener ce côté déséquilibrant qui a manqué au Brésil. L’essentiel est d’apprendre de ses erreurs. 2020 commence avec le début des qualifications pour la Coupe du Monde en mars puis une nouvelle édition de la Copa América qui se jouera en Argentine pour la Celeste, pour la phase de groupes du moins. Au-delà des résultats, on se satisfera du développement de joueurs au milieu de grandes qualités, comme Federico Valverde qui s’impose dans le onze comme il le fait dans la capitale espagnole, d’un Bentancur qui progresse, et de l’arrivée de nouveaux comme le susmentionné Rodríguez, mais aussi Darwin Núñez ou Matías Viña.

En championnat : des hauts et débats

Nacional est un beau champion. Ils ont gagné le classement annuel au final, et cela veut bien dire quelque chose : l’équipe a été régulière, a réussi à enchaîner les tournois, et à se remettre de cinq premières journées catastrophiques. Sur les cinq clásicos de l’année, ils en ont gagné trois, et fait deux matchs nuls notamment pour le premier clásico au Campéon del Siglo, celui de l’Apertura qui aurait pu « tuer » le championnat pour Peñarol (selon moi, le match clef de la saison). L’alchimie créée par Álvaro Gutiérrez a fait des merveilles, avec une équipe qui a retrouvé une stabilité défensive (Rafael García au milieu de terrain…) avant de trouver des schémas qui ont finalement rendu l’équipe offensive, avec les retours en forme du Chory Castro, de Felipe Carballo ou encore de Santiago Rodríguez. Au final, il n’y aurait presque rien à redire, si José Decurnex n’avait pas déclaré à trois journées de la fin que son équipe se faisait voler, que le corps arbitral était noyauté par l’AUF et par Peñarol, que tout était un scandale, allant jusqu’à laisser entendre que l’équipe ne jouerait pas en 2020 tant qu’elle n’aurait pas des « garanties » sur l’arbitrage… C’était avant que Nacional soit champion, et aujourd’hui il n’y a plus aucun doute sur le fait que Nacional jouera le championnat en 2020. La pseudo-crise générée par la direction du club tricolore aura malgré tout des conséquences, avec un responsable de l’arbitrage qui se fait cambrioler et dont le séjour est repeint de menaces (alors que sa compagne est enceinte), et un championnat qui se joue sur dix jours fin décembre à cause de reports de journée. Bref, à l’avenir, José Decurnex devra apprendre à perdre aussi bien qu’il sait gagner.

Côté éternel rival, le championnat donne la sensation d’avoir été bradé en août dernier. Alors que le club avait réussi un excellent premier semestre, une majorité de joueur de l’effectif sont partis, pour faire entrer des sous dans les caisses. Exit donc les Lucas Hernández, et Cristian Lema, les Brian Rodríguez, les Darwin Núñez ou les Gabriel Fernández. Et exit donc, aussi, les chances de titre. Si l’on ajoute à cela les blessures récurrentes d’un Cristian Rodríguez hors de forme et la blessure tragique de Walter Gargano lors du Clausura, il ne restait à Mémo López qu’une équipe de jeune, menée par un Facundo Pellistri qui a montré de belles choses mais que l’on aurait aimé voire dans un autre cadre. Le club repart donc vers 2020 avec le retour au club de Diego Forlán, plus beau blond d’Uruguay, au poste d’entraîneur, mais avec aussi quelques polémiques internes puisque, pour la fin de l’année, l’influent site Padreydecano a publié un long papier d’un supporter du club s’interrogeant sur les pratiques encore en cours de crédit des dirigeants envers le club. Malgré la vente de très nombreux joueurs ses dernières années, le club n’a pas un sou en caisse, mais continue de devoir de l’argent (environ cinq millions de dollars) à la structure familiale des Damiani (ex-président), basée au Panama, ainsi qu’à d’autres dirigeants. Des prêts faits à taux avantageux pour le prêteur, alors qu’il est lui-même décisionnaire au sein du club… une pratique d’un autre temps, qui fait que chaque transfert ne sert qu’à payer le passif, et à continuer ce cycle infernale de la dette. La sélection s’est améliorée sur la base de bonnes pratiques, la sécurité dans les stades aussi. Il est temps aux socios de s’attaquer à la gestion de leur propre club.

Au-delà des conflits chez les deux poids lourds, l’année 2020 a été l’année de l’intérieur avec les bonnes performances de Plaza Colonia mais surtout de Cerro Largo. Les deux clubs étaient promus, et l’on ne donnait pas cher de leur peau en début de saison, mais ils se sont imposés au plus haut niveau avec pour chacun de très bons résultats à domicile et la volonté de jouer les grands dans leur propre stade. On va donc les retrouver dès 2020 en coupe continentale, et les dirigeants de Cerro Largo espèrent toujours faire venir la grande compétition à Melo. Car il paraîtrait que oui, Melo possède bien un aéroport international. À la surprise générale. Les deux clubs seront rejoints par un autre club de l’intérieur en championnat, avec la montée du Deportivo Maldonado.

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Jérôme Lecigne
Jérôme Lecigne
Spécialiste du football uruguayen, Suisse de l'Amérique du Sud, Patrie des poètes Jules Supervielle, Juan Carlos Onetti et Alvaro Recoba