Le Chili de Vargas fait tomber le champion du monde

Ils étaient six, cinq ont réussi à franchir le premier tour. Les sud-américains n’ont pas déçu pour le retour de l’épreuve reine sur leur continent après 36 ans d’attente. Si certains ont surpris et conquis les non-initiés, d’autres, favoris annoncés, se sont effondrés. Le bilan des sud-américains.

36 ans d’attente pour enfin revoir une Coupe du Monde sur le continent, l’heure était venue de montrer au monde que les sud-américains savent recevoir. Avec six qualifiés au premier rang desquels Brésil et Argentine, immédiatement classés par les européens comme les favoris logiques, la CONMEBOL avait de solides arguments à faire valoir. Elle n’aura finalement pas réellement déçu ses habitués. Le bilan, sélection par sélection.

Argentine : le paradoxe


Nombreux étaient ceux qui faisaient de l’Albiceleste un finaliste potentiel. Placé dans un groupe largement à sa portée, profitant de tirages plutôt cléments jusqu’à la demi-finale, la sélection de Sabella aura donc en partie répondu aux attentes placées en elle. Pendant que ses fans s’offraient un buzz mondial avec leur chant à la gloire de Maradona, l’Albiceleste, pourtant si proche de décrocher une troisième étoile, aura cultivé les paradoxes et montré ses limites. Car s’il était une certitude, c’est bien que peu pouvaient rivaliser avec le potentiel offensif argentin. Dans l’ombre de Messi, à qui nombre de suiveurs promettaient un mondial à la Diego, les Di Maria, Lavezzi, Higuain et autres Agüero formaient effectivement une armada offensive de poids pour le sélectionneur. Restait alors à trouver une stabilité défensive, point faible annoncé de l’équipe. Sabella aura cherché la bonne formule avant de la trouver au meilleur des moments : la phase finale de l’épreuve. En sortant Fernandez et Gago pour leur préférer Demichelis et Biglia, le coach argentin réussi son pari. L’Argentine se transforme en machine à faire déjouer. Elle n’encaisse plus de buts. Malheureusement, orpheline de Di Maria, seul véritable danger offensif après l’extinction de Messi, l’invisibilité d’Agüero et la maladresse des Higuain et autres Palacio, l’Albiceleste montrera aussi (surtout) ses limites. A faire reposer son animation sur le seul talent d’un joueur, avec un sélectionneur qui touche à ses limites tactiques (la sortie de Lavezzi à la pause reste une énigme) et une profondeur de banc réduite, l’Argentine manque sa chance de décrocher une troisième étoile et, comme d’habitude, se prépare désormais à partir en quête d’un nouvel entraîneur qui devra apporter une nouvelle dynamique (voire tout reconstruire).

La faillite brésilienne : démesurée.


Pour l’européen, la débâcle brésilienne est apparue comme un véritable coup de tonnerre. Pourtant, si les proportions qu’elle a atteintes sont évidemment démesurées, le fait de ne pas voir le Brésil arriver au bout de « sa » Coupe du Monde n’est pas une surprise en soit.

Le problème brésilien ne date pas d’aujourd’hui et la victoire lors de la dernière Coupe des Confédérations aura finalement causée bien plus de dégâts que de bienfaits. Car outre ce succès, la sélection nationale auriverde ne brille plus sur le continent (éliminée dès les quarts lors de la dernière Copa America) alors que ses clubs semblent subir un lent déclin sur le plan continental, souvent sauvé au palmarès par le dernier rescapé. Le Brésil a ainsi remporté les quatre dernières Libertadores mais depuis 5 ans, un lent déclin semble amorcé. Sur la période 2005-2009, 27 clubs brésiliens participent à la Libertdores. 24 sont au rendez-vous des huitièmes, 14 des quarts, 9 des demies, 7 participent à la finale. Sur les 5 dernières saisons, 29 clubs ont pris part à la compétition. Sur ces 29, 24 sont en huitièmes, 13 en quart, 6 en demie, quatre en finale. A l’exception de l’année 2012, particulièrement faste, ce déclin est plus marqué, ponctué cette saison par le pire résultat du pays : 6 engagés, 3 seulement en  huitièmes, le dernier rescapé sautant en quart. Pour la première fois depuis 10 ans, il n’y aura aucun brésilien en finale. En Sudamericana, le bilan est guère plus brillant avec seulement deux vainqueurs au palmarès en 12 éditions.

Si on regarde les jeunes, les u20 n’ont pas franchi le premier tour du dernier Sudamericano, ne se qualifiant pas pour la première fois depuis 1979 à la Coupe du Monde de la catégorie (dont ils étaient tenants du titre). Les u17, quadruple tenants du titre doivent se contenter de la troisième place du dernier Sudamericano de la catégorie, deuxième pire résultat de leur histoire. Outre ses techniciens qui semblent stagner, le football brésilien souffre au niveau de sa formation. Là où ses voisins n’en finissent plus de former des footballeurs, le football brésilien est gangréné par les agents, présents dès le plus jeune âge alors que les gamins tentent de passer le cap des premières peneiras et cherche ses nouveaux produits, ces jeunes bankable rapides à exporter vers une Europe pour laquelle ils sont formatés. Le meilleur exemple reste sans aucun doute le cas du Desportivo Brasil, club créé par la holding Traffic, partenaire désormais de Manchester United, et qui fabriqua un Keirrison, l’une des dernières comètes engendrée par le football brésilien. La défaite concédée face au futur champion du monde reste démesurée dans sa proportion. Elle doit cependant ouvrir les yeux au Brésil : son football est en danger (et nous ne parlerons pas de la distance qu’il prend avec sa base populaire). Le Brésil doit désormais se servir de cet échec. Il faut ne pas avoir peur de regarder la réalité en face, même si elle fait mal. Le pays du football doit se reconstruire. Cela prendre du temps mais s’il continue d’attendre, cet échec en appellera d’autres. Avec la Copa America qui se profile, le danger est grand.

Colombie – Chili : les confirmations


Nous ne nous en étions jamais cachés, Colombie – Chili était notre finale rêvée. A l’heure du bilan, toutes deux nous laissent avec autant de satisfaction que de regrets. Regrets car les deux équipes sont tombées trop tôt face au même adversaire après l’avoir pourtant plus que bousculé (on ne reparlera pas du but de Yepes face au Brésil). Regrets car finalement, toutes deux pouvaient espérer mieux. Mais la satisfaction aussi : Chili et Colombie restent parmi les belles révélations de l’édition 2014 et le travail accompli par Sampa et Pekerman aura porté ses fruits. Le parallèle entre les deux formations est tel que cette Coupe du Monde n’est qu’un commencement. Quart de finaliste mondial chez les u20, le Chili prépare désormais sa Copa América de 2015 dont il sera l’un des grands favoris. Vainqueur du sudamericano u20, huitième de finaliste mondial, la Colombie possède également une jeunesse dorée qui viendra apporter sa qualité à un groupe qui a redonné sa fierté à tout un peuple et s’est déjà trouvé un guide en sa pépite de 22 ans, James Rodriguez. Si elles parviennent à conserver leurs techniciens respectifs, les deux sélections seront probablement les deux meilleures du continent dans les quelques années à venir.

Uruguay : le futur se prépare aujourd’hui


L’un des grands soucis de la Celeste lors des qualifications a longtemps été de parvenir à assurer la transition entre la génération Forlán et la génération Suárez. La grande force et le génie d’Óscar Tabárez aura été d’y parvenir. Mieux, poussé par la suspension de son capitaine lors du second match, el Maestro a alors décidé de poursuivre son opération de rafraichissement en incorporant le jeune José María Giménez, qui terminera la compétition titulaire dans l’axe central. Ou comment poursuivre son travail de bâtisseur en pleine Coupe du Monde. Si l’Uruguay a affirmé sa Suárez dépendance, il sait qu’il peut envisager un futur radieux. Les vice-champions du monde u20 dont Giménez fait partie devraient arriver petit à petit. Et avec des Cristóforo, Bueno, Laxalt, López, Rolán et sa nouvelle pépite De Arrascaetta en approche, la formation uruguayenne, réputée l’une des meilleure d’Amérique du Sud (et qui le prouve dans la sillage de l’énorme parcours du Defensor en Libertadores), offre de grandes perspectives à une équipe toujours aussi solide dans les grands rendez-vous.

Equateur : légère déception

S’il fallait une ombre au tableau sud-américain, ce serait l’Equateur. Placée dans un groupe à sa portée, la Tri aura dilapidée ses chances dès le premier match alors qu’elle avait réussi à prendre l’avantage. La défaite concédée en ouverture lui était fatale, le succès face au Honduras et le nul héroïque face à la France ne suffisant pas pour franchir le cap du premier tour. Reste que le côté négatif de l’élimination prématurée ne doit pas non plus ternir les espoirs nés au cours de cette compétition. Les Dominguez, Erazo et autres Noboa ont confirmé leur statut quand des Montero et surtout notre chouchou Enner Valencia ont démontré que le meilleur est à venir. Si les médias colombiens affirment que Reinaldo Rueda ne poursuivra pas l’aventure à la tête de la sélection équatorienne, rien n’est encore officiel. Reste à espérer pour la Tri que le technicien colombien pousse encore jusqu’à la prochaine Copa America.

Entre la reconstruction nécessaire au Brésil, la probable remise à zéro argentine, la poursuite du travail au Chili, en Colombie et en Uruguay, les trois nations qui font naître les plus grands espoirs, l’incertitude équatorienne et l’émergence annoncée des absents péruviens ou vénézuéliens, sans oublier le nouveau Paraguay et sa jeunesse dorée, l’ensemble du continent sud-américain vous donne d’ores et déjà rendez-vous au Chili en juin prochain pour une Copa América qui s’annonce grandiose. Bien évidemment, elle sera à suivre sur LO.

 

 

 

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.