Dixième journée de qualification et pendant que Colombie et Uruguay offrent le match de la nuit, que le Chili se relance, le Brésil prend les commandes au moment où l’Argentine n’en finit plus de couler.

19 ans sans la moindre victoire. Une éternité. Depuis les éliminatoires de la Coupe du Monde 1998, la Bolivie n’a plus vaincu l’Equateur à La Paz, ne réussissant même qu’à s’imposer à une seule reprise face à la Tri, lors de la Copa América 2015. Une éternité qui a bien failli prendre fin grâce à un autre éternel, l’immortel Pablo Escobar. L’homme aux 221 buts en 476 matchs en club, du haut de ses 38 ans, a fait vaciller l’Equateur de Quinteros, prouvant une fois encore que malgré ses 38 ans à l’état civil, il reste indispensable au football bolivien. El Pájaro ne mettait que trois minutes pour se faire remarquer, décochant une mine pied gauche que Dreer devait aller chercher au fond de sa lucarne. La Bolivie démarrait ainsi pied au plancher, le trio Saavedra – Veizaga – Ramallo perturbant les plans de la Tri. Mais celle-ci se mettait alors en marche. Enner Valencia menaçait une première fois, Orejuela sollicitait Lampe avant que Bejerano ne vienne sauver les siens devant Valencia. Mais alors que l’Equateur dominait, la Bolivie allait refaire le coup de 2015. Pablo Escobar, encore lui, slalomait dans la surface et allumait Dreer, à l’heure de rentrer aux vestiaires, l’Equateur se retrouvait deux buts derrière. De quoi énerver uneTri qui repartait tambours battants. L’intenable Enner Valencia ramenait les siens d’entrée de second acte, celui-ci n’allait être que domination équatorienne et résistance bolivienne. Malheureusement pour elle, la Verde allait craquer au bout du chronomètre, Enner Valencia profitant d’un ballon qui trainait pour sauver un point à sa sélection.

C’était l’affiche de la soirée, ç’aura finalement été le match de la nuit. A Barranquilla, Colombie et Uruguay jouaient un match au sommet et ont offert une rencontre dans la plus pure tradition des chocs sud-américains, ce savoureux mélange de folie, de lutte et de suspense, le tout dans une ambiance exceptionnelle et dans des conditions climatiques parfois dantesques. Cafeteros et Celestes ont en effet proposé tout ce qui fait le sel d’un match sur ce continent. Aux vagues jaunes, l’Uruguay a d’abord proposé sa grande capacité à lutter, à plier sans jamais rompre totalement, avant ensuite de montrer ses qualités tactiques et techniques lui permettant de prendre le contrôle des matchs. Pourtant la Colombie a fait ce qu’il fallait. Dominatrice en début de match, elle allait logiquement ouvrir le score, l’offrande de Muriel sur corner étant délicieusement décroisée dans le petit filet d’un Muslera scotché. Mais l’Uruguay est toujours aussi impressionnant dans sa capacité à ne jamais céder. Un coup franc de Sánchez détourné au premier poteau et l’immortel Cebolla Rodríguez égalisait d’une tête surpuissante. Les deux équipes rentraient dos à dos aux vestiaires, si la pluie se calmait en seconde période, l’orage jaune allait s’abattre sur les cages uruguayennes. Malgré un Macnelly Torres décevant, mais avec un Edwin Cardona dont l’entrée permettait aux Cafeteros d’assoir leur domination, les occasions se succédaient sur l’arrière garde Celeste sans pour autant véritablement menacer un Muslera protégé par 11 guerriers. Parmi eux, Edinson Cavani qui se muait en numéro 8, récupérateur/relanceur, avant, une fois le ballon récupéré, de retrouver son rôle de pointe. Le parisien faisait passer un premier frisson, servi d’un amour d’extérieur de Luis Suárez, il obtenait ensuite un coup franc que Godín envoyait sur la tête de Stuani qui profitait au renard barcelonais pour le 2-1 qui éteignait le Metropolitano. Mais la Colombie ne cédait pas plus que son adversaire. Cuadrado arrosait de centres, Muslera veillait, le chronomètre défilait. Il était dit que ce match resterait épique. Alors Yerry Mina portait le ballon, décalait Cuadrado et suivait, improbable course du grand axial au short qui glissait et qui, au bout de sa folle chevauchée, plaçait une tête tout aussi improbable qui s’en allait se loger dans la lucarne. 2-2, score final, les deux équipes partagent les points mais offrent une leçon d’amour aux amateurs de football sud-américain.

Le temps de souffler et l’heure était venue de trembler sur les deux flancs de la Cordillère, le Chili jouant sa survie au Nacional quand l’Argentine voulait éviter la dépression au Kempes. Deux endroits, deux ambiances, deux destins croisés. Car pendant que le Chili chante son Rey, l’Argentine pleure et cache ses lacunes derrière l’arbre (gigantesque il est vrai) Leo Messi.

Au Kempes, cette Argentine-là, avec une défense tout aussi improbable que rapidement dépassée avec son axe central Demichelis – Musacchio, a craqué, poursuivi dans ce qu’elle fait depuis des semaines : ne pas savoir jouer au football. Le Paraguay a alors parfaitement profité des carences collectives et individuelles de l’Albiceleste. Pressant haut, envoyant ses flèches, l’Albirroja se procurait la première situation de la tête de Gustavo Gómez, les Romero, Ángel et Óscar, épaulés par le toujours parfait Miguel Almirón s’amusaient au milieu. Ángel pouvait alors éliminer Mascherano et Musacchio et lancer Derlis González qui déposait les caravanes défensives argentines avant d’aller battre un Romero qui avait oublié la base, protéger son premier poteau. Le coup était rude pour les hommes de Bauza qui ne parvenaient à produire une once de jeu collectif, s’en remettant comme toujours à des tentatives individuelles sans réelle clarté (même si di María trouvait le poteau sur l’une d’elles. Le plan mis en place par Chiqui Arce fonctionnait, les meilleures situations étaient paraguayennes mais le score n’évoluait pas. Tout aura pu basculer en début de seconde période lorsque Paulo Da Silva offrait de la main un penalty aux locaux. Mais à l’image de son match et de son équipe, Agüero manquait totalement sa tentative, Justo Villar la repoussait. El Kun manquait une nouvelle énorme opportunité face au portier de Colo-Colo, Arce décidait alors de fermer boutique en sortant Óscar Romero et Miguel Almirón, le piège se refermait définitivement. Le Paraguay réussit le coup de la soirée, se relance totalement dans la course à la qualification, revenant à un point de l’Argentine, toujours barragiste mais terriblement menacée, surtout si elle continue de se réfugier derrière l’absence de Messi pour cacher son absence de collectif, de cohérence et d’idées.

La menace est d’autant plus grande que de l’autre côté des montagnes, le Chili a retrouvé son Rey. Malade, annoncé forfait, Arturo Vidal s’est une nouvelle fois mué en sauveur du pays. Face au Pérou, la Roja a parfaitement débuté son match. Enorme pression, jeu rapide, menace permanente, on avait retrouvé un Chili qu’on avait perdu en Equateur. La bande à Pizzi asphyxiait la Blanquirroja qui craquait une première fois sur une tête du Roi, totalement oublié au second poteau. Derrière, la tornade rouge s’abattait, les occasions pleuvaient sur les cages de Gallese mais ni Vargas, ni Vidal ne parvenaient à faire le break qui aurait mis le Chili définitivement à l’abri. Et faute de s’y mettre, la Roja s’est retrouvée en danger. Cueva se procurait une première énorme situation, faisait passer quelques frissons dans les travées du Nacional, Edison Flores allait se charger de faire régner l’ère glaciaire d’une merveille de frappe extérieur de gauche à l’entrée de la surface. On pensait alors que le Chili était retombé dans ses travers, cette domination qui ne paye pas. Mais le Chili a toujours son Roi. Une frappe en pivot à cinq minutes de la fin et tout le Nacional pouvait respirer, le Chili allait de retrouver goût à la victoire, précieux succès qui ramène la Roja à deux points des barrages, à trois du duo EquateurColombie son prochain adversaire. Le champion des Amériques était donné mort, il est plus que jamais vivant.

Dernier rendez-vous de la nuit, le déplacement du Brésil au Venezuela qui pouvait permettre à une Seleção privée de Neymar, de prendre pour la première fois les commandes de la campagne de qualification. Et comment ne pas remercier Dani Hernandez d’avoir permis aux hommes de Tite d’entrer de la meilleure des manières dans la partie. Le portier de la Vinotinto craquait totalement et offrait à Gabriel Jesus l’occasion de faire apprécier son sens du beau pour l’ouverture du score dès la septième minute du match. On n’a ensuite pas véritablement reconnu le Venezuela de ces dernières semaines. Imprécis devant, dépassés derrière, les hommes de Dudamel ont subi les contres répétés de la Seleção et n’ont jamais véritablement menacé Alisson. Alors, le Brésil a tranquillement tué le match en début de seconde période, but de Willian, et s’est ensuite contenté de gérer son match, à peine perturbé par la coupure de courant à l’entrée du dernier quart d’heure. Et voilà comment en quatre matchs, Tite a replacé le Brésil en tête du groupe, à un mois d’accueillir l’Argentine.

 

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Classement

Nicolas Cougot
Nicolas Cougot
Créateur et rédacteur en chef de Lucarne Opposée.