La trêve internationale prend fin, et alors que la liste des qualifiés pour le mondial s’étoffe après chaque journée, ce n’est pas le cas de l’Afrique qui n’a encore aucune sélection qualifiée officiellement. Même si, pendant que des géants sortent par la petite porte, certains commencent à entrevoir la Russie.

Groupe A : les Aigles de Carthage reviennent de nulle part

Par Farouk Abdou

75 minutes d’impuissance, puis 2 minutes de folie, et enfin 19 minutes d’invulnérabilité. Si vous voulez prouver à quelqu’un que le football est imprévisible, montrez-lui la rencontre RDC – Tunisie de mardi. Dans l’obligation de ne pas perdre à Kinshasa pour garder la tête du groupe, l’équipe de Nabil Maaloul avait choisi une tactique prudente (défense à 5 et bloc bas) mise à mal dès l’entame, avec l’ouverture du score des Léopards à la 10ème sur une tête de Mbemba, devant une foule en liesse. Le reste de la mi-temps a révélé une formation sans équilibre, qui a éprouvé de nombreuses difficultés à ressortir proprement le ballon et alimenter deux éléments offensifs (Msakni et Touzghar) en galère. Isolés, ils ont dû se contenter de miettes. Pourtant, la RDC ne semblait pas si inaccessible et a reculé d’un cran après le premier but. Les visiteurs n’ont pas eu le loisir de rôder leur passage en 4-3-3 au retour des vestiaires, encaissant un second coup de massue à la 48ème minute suite à un slalom de M’Poku au travers d’une défense aux abois. Les hommes d’Ibenge ont semblé se contenter de cet avantage et ont laissé la Tunisie s’user sur des actions stériles, des percées individuelles sans imagination, et des coups de pied arrêtés mal gérés. Les entrées de Badri et Sliti avaient beau avoir apporté de l’énergie, il semblait difficile de croire à un retournement de situation à l’orée du dernier quart d’heure. Et l’impensable se produit. Sur deux actions décousues mais terminées avec conviction, les Aigles de Carthage ont forcé leur destin et sont revenus à 2-2. Une frappe de Ben Amor détournée suite à un débordement de Bédoui (78ème) et moins de 60 secondes plus tard une reprise pleine de sang-froid d’Anice Badri sur une louche de Msakni (79ème). Une remontée fantastique qui a mis la RDC KO, cette dernière manquant même de céder définitivement dans les arrêts de jeu. La Tunisie reste donc en tête du groupe A, 4 points suffisent sur les deux matchs restants pour composter le billet pour la Russie (à Conakry contre la Guinée, à domicile contre la Libye pour finir). A condition de tirer les leçons des 75 premières minutes de ce match historique et de finir le boulot correctement.

Dans l’autre match du groupe, la Guinée devait l’emporter pour continuer à rêver de l’impensable, mais la Lybie avait à cœur de ne pas finir fanny. Dans une ambiance « huis clos » à Monastir en Tunisie, situation géopolitique oblige, les chevaliers de la méditerranée sont parvenus à conserver leur but d’avance marqué en première mi-temps. Au prix d’un âpre combat (11 cartons jaunes), et de 30 minutes en infériorité numérique. Il reste aux deux équipes un rôle d’arbitre pour décider de qui de la Tunisie ou de la RDC ira à Moscou.

Groupe B : Cameroun et Algérie éliminés

Le Nigeria doit confirmer son excellente prestation de Uyo pour valider son ticket pour Moscou. Côté Cameroun, Hugo Bross envoie Bassogog et Aboubakar sur le banc. Même si les Lions tiennent mieux la comparaison que vendredi dernier, c’est quand même les Nigérians qui ouvrent le score par l’intermédiaire de Simon Moses, qui confirme sa grande forme. Sans jamais parvenir à faire le break, notamment quand la barre repousse un tir de Victor Moses, les Nigérians restent à portée de tir des camerounais. À force d’insister, ils obtiennent un pénalty transformé par Aboubakar. En toute fin de match, ils ne sont pas loin de renverser le score, mais il n’en est rien et le Cameroun n’ira pas au mondial. Dommage, on avait quand même une croustillante histoire de prime à se mettre sous la dent. Les valises de billets en Russie ça passe bien. La Zambie elle, poursuit sa marche en avant, et s’offre un succès de prestige à Constantine face à une sélection d’Algérie qui enregistrait le retour de Rhyad Marhez. L’ex néo-romain, barcelonais et blues a raté un pays en première mi-temps qui aurait permis aux Fennecs d’ouvrir le score. Au final, c’est Patson Dakha qui marque à la 70ème le but de la victoire. l’Algérie tombe sur ses terres en match officiel pour la première fois depuis dix ans. Un succès majuscule qui permet aux Zambiens de s’offrir une finale contre le Nigeria lors de la prochaine journée. En cas de nouvel exploit des Chipolopolos, ils pourraient réussir le plus grand exploit sportif de l’histoire de ce pays. On le répète encore sur LO, mais rien n’est impossible à cette génération.

Groupe C : bagarre à trois

La Côte d’Ivoire avait l’occasion de se mettre à l’abri et d’éliminer définitivement le Gabon après la large victoire de Libreville samedi. Mais pour la centième de Salomon Kalou, les Eléphants enchaînent une deuxième défaite consécutive à Bouaké (après avoir perdu contre la Guinée en ouverture des qualifications de la prochaine CAN). Comme si la poisse est avec eux, ils encaissent une somptueuse frappe de Mario Lemina et l’arbitre leur refuse un penalty évident à quelques minutes de la fin. L’adaptation n’est pas simple pour Wilmots qui n’a pas encore réussi à satisfaire les supporteurs ivoiriens, et pour cause, son bilan est extrêmement mitigé depuis son arrivée (3 défaites en 4 matchs). Vivement pour lui qu’ils retrouvent le stade Houphouët-Boigny d’Abidjan.

 

 

Dans l’autre match, le Maroc pouvait prendre la tête du groupe, mais pour eux aussi il a été difficile de confirmer l’écrasante victoire de samedi. Hakim Zyech voit son penalty arrêté par Djigui Diarra, le jeune portier de 23 ans, qui a d’ailleurs réalisé 8 arrêts pour sa première sélection. Le gardien du Stade Malien a saisi la chance que lui a offert Alain Giresse. Résultat un match nul 0-0 qui vas donner au match de la prochaine journée, une allure de finale. Attention quand même de ne pas laisser trop de points en route, le Gabon est à l’affût pour sauter les deux favoris sur la ligne. Pour le Mali en revanche, l’espoir de qualification est bien mince, conséquence, Alain Giresse quitte son poste.

Groupe D : tout est relancé !

Avant de se rassembler, les Requins Bleus avaient zéro point. En retournant dans leurs clubs, ils en ont 6 et sont en mesure de pouvoir se qualifier à deux journées de la fin. Ils peuvent remercier leurs attaquants Nuno Rocha et Garry Rodriges, auteur d’un doublé chacun pour battre les sud-africains (2-1 , 1-2). Les Bafana Bafana pensaient pouvoir profiter de l’opposition contre le plus faible du groupe pour faire le plein de points et se détacher. Manqué. Surtout que dans le même temps, la FIFA a validé la sanction du TAS concernant le match Afrique du Sud- Sénégal entaché d’erreurs flagrantes d’arbitrage. Ainsi, le match sera rejoué en novembre, les trois points alors obtenus par les Sud-africains se retrouvent de nouveau mis en jeu. Une première qui risque de faire jurisprudence, et beaucoup parlé, dès qu’une erreur d’arbitrage sera commise...

Si le Sénégal peut se satisfaire de la décision de la FIFA, ça ne leur servira peut-être à rien, tant cette double confrontation contre le Burkina fait étalage de leurs nombreux défauts. Les Lions de la Teranga disposent d’un incroyable vivier de talents, mélangeant binationaux et locaux, mais Aliou Cissé ne parvient pas à faire jouer tout ce joli monde ensemble. Les Burkinabais s’en sont remis à la fratrie Traoré. D’abord par un débordement côté droit de Bertrand, qui repique dans l’axe et marque du gauche (un but qu’on reverra du côté de Lyon). Puis, c’est au tour de son frère Alain de faire son classique pendant les arrêts de jeu : un coup franc pied gauche qui finit dans la lucarne (bon ok, il frappe la barre et rebondi sur le torse du gardien avant de rentrer. Mais mettre un csc sur ce but, est impossible !). Entre temps, Ismaila Sarr avait égalisé, Issoufou Dayo se fait expulser pour un deuxième jaune à la 40ème minute sur une énième faute commise sur Sadio Mané bien évidement. Sadio Mané permettra même aux Lions de la Teranga de virer en tête et de croire à la victoire. Mais Alain Traoré est éternel. Reste qu’à deux journées de la fin, tout le monde peut encore se qualifier.

 

 

Groupe E : l’Egypte peut y croire

Il aura fallu six minutes à Mohammed Salah pour marquer un but à la muraille Onyongo. Suffisant pour combler les 90000 supporters venus remplir les gradins du stade Borg Al Arab d’Alexandrie. Preuve que malgré les années de huis clos total et partiel forcé, les Egyptiens ne s’éloigneront jamais du football. Les Pharaons sont même plus que jamais sur la voie du mondial. Une compétition à laquelle ils n’ont pas participé depuis 1990. Entre temps, ils ont remporté 4 CAN. Cette absence est une anomalie qui ne peut plus durer. Après son nul à Kumasi, le Ghana a sérieusement hypothéqué ses chances pour se qualifier samedi dernier. Histoire de donner plus de regrets à leurs fans, les Blacks Stars sont partis écraser le Congo 5-1 à Kintélé, station « balnéaire » située au Nord de Brazzaville. Un triplé de Thomas Partey, et un doublé de Boakye qui vont pousser tous les sorciers du pays à mettre des bâtons dans les roues de l’Egypte qui devra réaliser un faux pas contre ces même congolais. Cela dit, c’est quand même très mal engagé et le Ghana devrait manquer le mondial après 3 participations consécutives (Allemagne, Afrique du Sud et Brésil). Oui les qualifications en Afrique sont compliquées, et toutes les grandes nations ne peuvent s’y qualifier en même temps. De là à faire un mondial à 48....

 

 

Pierre-Marie Gosselin
Pierre-Marie Gosselin
Amoureux du football et de ses tribunes, supporter inconditionnel des Girondins de Bordeaux et de ses ultramarines, je me suis pris d’une affection toute particulière pour le football africain. Là-bas le foot a pris le nom de « sport roi », et c’est un euphémisme tant il étend son royaume au-delà des ethnies, des classes sociales, des générations et des genres.