On connait les deux premiers qualifiés de la zone Afrique. Pendant que le Nigeria décroche sa sixième phase finale, l'Egypte retrouve une Coupe du Monde après 28 ans d'attente et répare ainsi une anomalie. Ailleurs, la lutte s'annonce terrible jusqu'au bout.

Groupe A : la Tunisie y est presque

Le stade du 28 septembre de Conakry était loin d’être rempli pour le dernier match à domicile du Silly dans cette campagne de qualification. Quelques joueurs étaient absents, dont le bordelais François Kamano qui a pu profiter de l’absence d’intérêt de ce match pour s’occuper de sa femme qui vient de donner naissance à son premier enfant. La Tunisie n’a pas eu à forcer pour s’imposer même si elle s’est fait très peur sur l’ouverture du score de Naby Keita en fin de première mi-temps. C’est peut-être l’étincelle qu’il fallait pour allumer la pépite alternative Youssef Msakni. L’ancien joueur de l’EST dont rêvait QSI pour imposer son PSG dans la région, a tout simplement illuminé le match de sa classe. Notamment par un coup franc plein lucarne sur le buzzer de la première mi-temps pour égaliser. Puis sur une passe décisive géniale pour Ben Amor. Au final un triplé et une passe décisive pour soigner ses statistiques. Et pratiquement envoyer son équipe en Russie, même s’il faudra attendre la prochaine journée pour que ce soit officiel.

Dans un stade de Monastir qui sonne creux, les Léopards ont mis du temps à ouvrir le score malgré un nombre important d’occasions franches. Finalement, Bakambu parvient à ouvrir le score et délivre le groupe de supporteur qui a fait le voyage avec la délégation. Les chevaliers de la méditerranée parviennent à égaliser dans la foulée, mais le joueur de Rennes, Mubele parvient à redonner les trois points nécessaires pour espérer. Espérer seulement, car quand ils recevront la Guinée pour la dernière journée, les Tunisiens recevront la Lybie.

Groupe B : la sixième du Nigeria

La finale du groupe B qui se jouait au stade Godswill Akpabio de Uyo. Après la démonstration contre le Cameroun début septembre, les supporters sont venus massivement pour fêter la qualification pour le mondial russe en cas de victoire contre les Zambiens. Les Chipolopolos, eux, sont privés de leur jeune attaquant Patson Daka, blessé jeudi à l’entraînement. Une grosse tuile pour Wedson Nyrienda qui est privé de son buteur en forme. Alex Ngongo, joueur de l’équipe locale de Power Dynamo est aligné devant avec Fashion Sakala, Mwepu et Chisamba Lungu pour l’alimenter. La stratégie est simple, on va jouer haut et on est présent sur les seconds ballons. Une débauche d’énergie énorme, mais à la portée des Zambiens qui rêvent encore d’une première participation au mondial. Gernot Rohr a pu continuer avec son équipe type, en s’appuyant sur les deux Moses et les chinois Igahlo devant et Obi Mikel au milieu pour animer le match. Dominateurs dans le jeu, les Zambiens se sont créés beaucoup de situations sans pouvoir conclure, il y avait toujours ce dernier contrôle, ou dribble qui était raté. C’est frustrant, car en face, le Nigeria n’était pas aussi dominateur que d’habitude. Les 22 acteurs n’ont pas été aidés par une pelouse aux rebonds imprévisibles. C’est pourtant un habitué des gazons anglais parfait qui va faire la différence.

Dès son entrée à l’heure de jeu, le neveu de Jay-Jay Okosha, Alex Iwobi a changé le match avec ses déboulés côté droit. Après deux sprints ballon aux pieds qui n’ont pas été conclus par ses coéquipiers, il se retrouve à la réception d’un centre pour la placer entre les jambes du gardien zambien pour marquer l’unique but du match. Cruel pour des Boules de cuivre qui étaient en plein temps fort. Un but suffisant pour faire des Super Eagles la première équipe africaine qualifiée pour le mondial. 

Il faudra attendre le tirage au sort, mais cette équipe doit sortir des poules. L’effectif est complet et propose un astucieux mélange de plusieurs générations. Si les jeunes Ndidi, Ineacho, Iwobi progressent encore en Angleterre cette saison, il y aura de quoi former une équipe à ne pas prendre à la légère pendant le mondial, ils seront encore performants et très difficiles à battre.

Match pour du beurre entre Cameroun et Algérie. Il fallait être en coulisse pour trouver un peu d’intérêt. En Algérie, on est parti à la recherche des coupables de cette campagne lamentable, et les binationaux sont en première ligne. Il ne reste plus rien de cette équipe qui avait « failli battre l’Allemagne » au Brésil. En face, ce n’est guère mieux avec un Cameroun qui n’est pas mieux loti à 18 mois de la CAN qu’il doit organiser (sous réserve de la moindre défaillance sur laquelle sautera la CAF pour retirer l’organisation). La presse a permis de régler ses comptes, avec des défections aux discours différent entre joueurs et sélectionneur. Hugo Broos qui en a profité pour rappeler à tout le monde qu’il travaille sans contrat. En gros, rien ne va dans la tanière des Lions Indomptables. Le match ? 2 - 0, buts de Clinton N’Jie et Franck Pangok.

 

 

Groupe C : finale Maroc – Côte d’Ivoire

La journée de qualif africaine s’est ouverte par un Mali – Côte d’Ivoire vendredi soir à Bamako. Même si l’épilogue de la poule se déroulera en Côte d’Ivoire, en Novembre contre le Maroc (à Bouaké ou Abidjan, on ne sait pas encore), les Eléphants avaient quand même intérêts à gagner pour rester en tête du groupe. C’est manqué. Privés de pas mal de monde devant, notamment Seydou Doumbia et Wilfried Bony, la triplette Kodjia, Cornet Assalé était incapable d’être dangereuse. Les Eléphants ont même été mis à mal par une sélection malienne très jeune qui vient à peine de digérer le départ d’Alain Giresse. Il aura fallu attendre l’entrée de Salomon Kalou, qui fêtait sans 100e sélection, pour voire une occasion ivoirienne. Trop faible pour espérer mieux. Espérons que les retours attendus de joueurs majeurs auront l’impact escompté. Les joueurs de Marc Wilmots ont déjà grillé un Joker, et ne pourront plus jouer le nul. Ils seront obligés de gagner pour aller en Russie. Les calculs seront pour les Marocains.

Après avoir boudé les deux journées précédentes, Aubameyang a accepté de faire son retour avec les Panthères. On le comprend, grâce à la victoire surprise à Bouaké, les Gabonnais sont encore en course pour le mondial. Mais le karma est intransigeant. C’est donc en toute logique qu’il ne retiendra pas grande chose de ce match joué à Casablanca. Si ce n’est peut-être le jus d’orange bu le matin du match qui a rendu malades joueurs et staffs gabonais... De là à dire que c’est ce qui explique le triplé de Boutaïb, pas évident. Les hommes d’Hervé Renard ont fait le job proprement et profitent même du nul des Ivoiriens pour prendre la tête du groupe. Défaite interdite pour le Maroc. Bonne chance aux parieurs ! À noter dans ce match, la première sélection pour le jeune Amine Harit, entrée à la 90’ ! On ne lui souhaite pas la même carrière internationale que Juirietti !

 

 

Groupe D : la belle affaire du Sénégal

Ce groupe est une usine à gaz. Entre des équipes qui ne parviennent pas à assumer leurs statuts, et l’affaire Lemptey, difficile d’y voir clair. On comprend la frustration du Cap Vert et du Burkina qui ont vu leurs chances pratiquement anéanties par cette décision administrative inédite.

Premier du groupe, les Etalons n’ont même pas leur destin en main à l’entame de cette 5e journée. Difficile de savoir si ça a pesé dans la préparation du match, mais les Burkinabais n’ont pas su rentrer dans le match. L’ouverture du score de Percy Tau dès le coup d’envoi ne les a pas aidés à se réveiller ! Le joueur des Mamelodi Sundowns était très en forme, et a régalé la partie par ses débordements, ses passes et ses cassages de reins répétés. Les Bafana-bafanas rentrent aux vestiaires avec 3 buts d’avance, et on se demande si les Burkinabais vont pouvoir réagir. Même si les intentions sont toutes autres en deuxième mi-temps, ni Bertrand Traoré, ni Aristide Bancé ne parviennent à tromper le gardien. Finalement, c’est Alain Traoré qui réduira le score d’un nouveau coup-franc téléguidé dans la lucarne. Paulo Duarte s’est plein de l’arbitrage, et notamment du premier but un peu litigieux. De là à ce que l’on fasse rejouer le match ?

Beaucoup de vent sur le synthétique de Praia pour ce match entre les Requins Bleus et les Lions de la Teranga. À l’image d’un match de rugby, il fallait bien choisir son côté et attendre d’avoir le vent dans le dos pour pouvoir jouer haut sur le terrain et pousser. Ainsi chaque équipe a eu sa mi-temps. À ce petit jeu, ce sont les Sénégalais qui ont gagné, mais il a fallu attendre les 10 dernières minutes pour ça. C’est d’abord Diafra Sakho qui parvient à faire sauter le verrou cap verdien. Puis, c’est Cheick N’Doye qui profitera d’une passe décisive de l’arbitre pour envoyer un enroulé du droit dans la lucarne opposée. Avant cela Ryan Mendes n’était pas loin d’ouvrir le score et Keita Baldé avait envoyé une chilena sauvée sur sa ligne par un défenseur. Hormis ça, le match ressemblait beaucoup à Bulgarie-France... le néant. Malgré une présence certaine de talents, cette équipe sénégalaise peine à séduire. À l’image des Eléphants, cette équipe ne dégage pas grand-chose. La faiblesse de sa poule et l’affaire Lemptey lui permettra sans doute d’aller au mondial. Mais il faudra dégonfler les têtes et se mettre au travail pour ne pas faire que de la figuration en Russie.

Groupe E : 28 ans d’attente

Même si les Black Stars étaient mal engagées, une victoire à Kampala leur aurait permis de rêver à l’exploit d’une remontada contre l’Egypte, si l’Egypte ne battait pas le Congo dimanche. À notre grande surprise, le stade n’est pas plein, alors que les Cranes gardent aussi leurs chances de se qualifier au coup d’envoi ; même s’ils sont aussi dépendants des résultats de l’Egypte. Il ne faut pas y voir derrière un manque de ferveurs, la raison est tout autre... En proie à un mouvement socio-politique fort, le président n’a pas souhaité que le football serve de tribune à l’opposition, ainsi toutes les personnes vêtues de rouge, couleur du mouvement, sans mentionner un rapport à l’équipe sont tout simplement interdit d’entrer. Un gros problème quand il s’agit de la même couleur que la sélection... Au final, dans un match très pauvre en occasion sur un terrain en salle état, l’arbitre Daniel Bennett sera l’homme du match. Le Ghana s’est vu refuser deux buts pour des hors-jeu litigieux, dont un en toute fin de match. Un pénalty aurait également pu être sifflé. Il n’en pas fallu d’avantages pour que le Ghana se glisse dans la faille ouverte par la FIFA le mois dernier, en acceptant de faire rejouer un match jugé « manipulé par l’arbitre », à savoir Afrique du Sud – Sénégal. Ce n’est qu’une coïncidence, mais M. Bennett est Sud-africain ! On ne sait pas encore si la requête va aboutir, vu le résultat de l’Egypte, logiquement non, mais il va falloir recruter quelqu’un au service juridique de la CAF et de la FIFA, parce que chaque erreur d’arbitrage va engendrer une plainte. Après l’arrêt Bosman, on parlera de la jurisprudence Lamptey...

Tout cela est donc rendu anecdotique par la victoire obtenue par l’Egypte chez elle dans un Stade de Borg El Arab plein à craquer et qui n’attendait qu’à s’embraser, un match que Canal Plus Afrique n’avait pas daigné offrir à ses abonnés… Opposés au Congo, les hommes d’Héctor Cúper entraient bien dans le match, Mohamed Salah se muant en danger numéro un mais ne parvenaient pas véritablement à se créer d’occasions dangereuses. La crispation allait évidemment jouer son rôle, d’autant que le Congo commençait à prendre confiance, les Diables Rouges passant à un El Hadary près d’ouvrir le score en début de second acte. On voyait alors mal comment les Pharaons allaient se dépêtrer de cette situation. Ils pouvaient compter sur le facteur X, Mohamed Salah. Le Red libérait les siens peu après l’heure de jeu et semblait alors avoir fait le plus dur. Mais le football est joueur, il aime à jouer avec les émotions des supporters, surtout celles des Pharaons. 88e minute, alors que tout semblait réglé, Bouka Mouto surgissait et égalisait, les 86 000 supporters égyptiens étaient congelés sur place. Pour mieux exploser. 95e minute, une faute d’Itoua sur Trezeguet et l’Egypte obtenait un penalty. Mohamed Salah ne tremblait pas, le reste n’était qu’émotion pure.

28 ans plus tard, l’Egypte retrouve une Coupe du Monde et l’abordera avec un statut de quasi-novice qui ne colle pas avec sa domination continentale. El Hadary fera tomber le record, celui du joueur le plus âgé à disputer une phase finale de Coupe du Monde. Les amoureux de foot se réjouiront de croiser une équipe frisson de plus pour ce mondial. Si ça pouvait permettre au gouvernement égyptien de se réconcilier avec le football... En attendant toute l’Egypte jubile dans la rue, les actionnaires de fabriquant de fumigènes peuvent être content !

Pierre-Marie Gosselin
Pierre-Marie Gosselin
Amoureux du football et de ses tribunes, supporter inconditionnel des Girondins de Bordeaux et de ses ultramarines, je me suis pris d’une affection toute particulière pour le football africain. Là-bas le foot a pris le nom de « sport roi », et c’est un euphémisme tant il étend son royaume au-delà des ethnies, des classes sociales, des générations et des genres.