Dos à dos après le match aller, Australie et Honduras se donnent rendez-vous ce mercredi à Sydney pour enfin se départager et décrocher l’un des derniers tickets pour la Coupe du Monde russe. Au-delà d’un simple match de foot, ce duel est aussi un affrontement entre deux footballs et deux réalités bien différentes.
Nombreux ont été les loups à hurler après la qualification de Panamá suite à une victoire décrochée sur le fil face au Costa Rica mais entachée d’un but fantôme, celui de l’égalisation. Pendant que les défenseurs de l’assistance vidéo criaient au scandale, ils oubliaient cependant qu’un tel système n’est facile à implanter que dans un football de niche, celui des riches. Ainsi l’avait rappelé bien avant Manolo Zubiría, directeur du football de la confédération lors d’un séminaire donné quelques semaines auparavant, expliquant que « certains pays de la zone ne disposent pas des infrastructures rendant possible son implémentation. » Que ce point ait été mis de côté est malheureux car, au-delà du débat sur l’utilité du VAR, il apporte un exemple supplémentaire que football de classe n’est pas mort, loin de là. Le barrage entre Honduras et Australie en apportant ainsi une autre illustration.
Après le résultat nul et vierge du match aller, Catrachos et Socceroos se sont lancés dans une course folle pour rallier l’Océanie en vue du match retour, une course qui ne fait que souligner à quel point deux mondes se croiseront sur un terrain ce mercredi.
Il est six heures du soir lorsque le coup de sifflet final de la rencontre aller est donné. 70 minutes plus tard, les Socceroos sont dans le bus qui les conduit à l’aéroport local où un Airbus A330 les attend, moteur en route. 45 minutes plus tard, ils sont dans l’avion. Affrété par la fédération australienne, le vol QF6032 est prêt au décollage, totalement réaménagé. Les 300 sièges ont laissé place à des sièges convertibles, l’Airbus offre aussi des tables de massage pour faciliter la récupération, les joueurs reçoivent tous les soins possibles, jusqu’au menu spécial concocté par des nutritionnistes. Le vol fera escale à Honolulu où les joueurs disposeront d’une salle spécialement aménagée pour qu’ils puissent suivre des exercices d’étirement et de massages sous la conduite des physiothérapeutes de la sélection. Depuis San Pedro Sula, les ‘Roos voleront ainsi neuf heures dans un habitacle aux lumières allumées et à la température constante de 24°C. Après l’escale, la température de l’habitacle était baissée à 18°C, les lumières étaient baissées et les joueurs équipés de lunettes qui diffusent une lumière favorisant le repos et minimisent la fatigue, combinaison destinée à minimiser l’effet du jet lag. 10 heures plus tard, le dimanche midi, la sélection australienne se posait à Sydney. Déjà habitués à ce genre de longs périples depuis leur inclusion dans la zone Asie en 2006, les Australiens ne laissent plus aucun détail au hasard, sont habitués à cela. Et s’interrogent, à l’image de Mile Jedinak : « je ne sais pas si les Honduriens en font autant. »

La réalité est tout autre pour les Catrachos. La Federación Hondureña de Fútbol (FENAFUTH) avait envisagé la possibilité d’offrir un vol privé à ses joueurs pour rallier l’Océanie. La FIFA leur avait alors indiqué que chaque sélection qui dispute les barrages intercontinentaux bénéficie d’une subvention de 150 000 €. Le vol affrété par les Socceroos coûtait plus d’1M€, un vol direct depuis San Pedro Sula coûtait près de 900 000€, une somme que la fédération centroaméricaine ne pouvait certainement pas lâcher. Il a donc fallu se rabattre sur des vols commerciaux classiques plus économiques. Alors, le Honduras s’est envolé le lendemain matin du match sur un simple vol privé, sans aménagement. Direction Los Angeles où la sélection a attendu toute la journée avant de prendre un vol à direction de l’Australie. La H en aura ainsi profité pour se reposer à l’hôtel quelques heures et s’entraîner en attendant le dimanche matin. C’est ainsi que la sélection s’est posée à Sydney le lundi matin, 9h heure locale, soit près de 24 heures après son homologue océanienne (ou asiatique, c’est selon) après 16 heures de vol et seulement 15 places réservées en première classe, places attribuées aux titulaires et aux probables entrants pour la 2e manche.
Il n’est pas question ici de découvrir deux réalités du football qui en sont même sa base. Il n'est pas non plus question de fustiger la sélection australienne qui n'a pas à s'excuser de disposer de moyens que son homologue hondurienne n'a pas. Il est juste question de rappeler que cette lutte des classes, qui a longtemps alimenté les premières rivalités de ce sport dans bien des pays, n’est pas un souvenir lointain. Qu'elle est toujours une réalité. Et surtout, de rappeler qu’à l’heure de jouer aux rois de la comparaison (entre les sélections et par extension entre les championnats de club), la réalité locale, économique et sociale, est un paramètre qui, plutôt que d’être mis de côté, devrait toujours être pris en compte. Pourtant, magie du football, cela ne présage en rien de ce qu’il adviendra de la deuxième manche de ce duel pour une place au Mondial. En 2005, après une défaite au Centenario, l’Australie avait rallié ses terres après un voyage en deux temps, avec un arrêt au milieu du Pacifique et était arrivée après l’Uruguay qui avait voyagé directement dans un plus grand confort. Cela n’avait pas empêché les ‘Roos de créer l’une des plus grandes surprises de l’ère moderne.



